Nouveau souffle pour l’assurance récolte
Si l’assurance récolte peinait à se déployer depuis plusieurs années, il semble que la réforme du dispositif mis en place en 2023 ait donné un coup d’accélérateur à ce marché, comme le confirme notre sondage ad hoc.
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Seule 17 % de la SAU était assurée en 2022. Un chiffre préoccupant compte tenu des aléas climatiques qui se multiplient. Pour y remédier, le ministère de l’Agriculture a réformé le dispositif. Ainsi, l’année 2023 a marqué le début d’un nouveau régime d’assurance récolte, basé sur la solidarité nationale et le partage du risque entre l’État, les agriculteurs et les assureurs. Ce dispositif à trois niveaux de couverture a permis d’augmenter le taux de subvention et d’élargir le périmètre des garanties subventionnées. Un an après sa mise en place, la réforme semble porter ses fruits.
« Nous avons atteint une cible »
« Le taux de diffusion de l’assurance récolte est au-delà de ce que nous avions pensé », s’est réjoui Marc Fesneau, le 29 mai dernier, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. Les surfaces couvertes par un contrat d’assurance ont augmenté de 33 % en un an, atteignant 6,5 Mha.
Ces chiffres sont confirmés par les résultats de notre enquête Agrodistribution-ADquation, qui révèle que 44 % des agriculteurs ont souscrit une assurance multirisque climatique pour la campagne 2023-2024, contre 36 % pour 2021-2022. Cette tendance est plus marquée chez les agriculteurs en grandes cultures (57 %), ceux du nord-est de la France (61 %) et ceux ayant plus de 150 ha de SAU (54 %).
Et si seuls 24 % des éleveurs ont souscrit une assurance récolte, ce sont eux qui ont tiré le marché. « Nous avons atteint une cible », s’est félicité le ministre. En effet, la réforme a eu un effet notable pour les prairies, dont le taux de surfaces assurées est passé de 0,5 à 9 %. Mais également pour l’arboriculture qui a vu ce taux multiplié par sept. « Et même la viticulture, qui était bien assurée, est passée de 32 à 37 %. Pour les grandes cultures, la progression est plus modeste, passant de 31 à 35 % de surfaces assurées. »
L’enquête rappelle également que la majorité des agriculteurs assurés (92 %) souscrivent auprès d’assureurs traditionnels tels que Groupama et Pacifica, 5 % auprès d’un courtier en assurance, et 3 % auprès de leur distributeur (principalement via Atekka).
Baisses de cotisations
Ces assureurs confirment l’évolution positive du marché, avec une augmentation significative de leurs souscriptions. Pacifica affirme avoir doublé le nombre de contrats et augmenté de 70 % ses surfaces assurées. « L’engouement a été fort car la prise en charge des pertes extrêmes par les pouvoirs publics a fait baisser les cotisations. Les arboriculteurs et les éleveurs assurés chez Pacifica en 2022 ont vu leur cotisation diminuer de 50 %, les viticulteurs et les producteurs de grandes cultures, de 15 % », explique Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l’agriculture chez Pacifica. L’assureur a tiré le marché de l’assurance en arboriculture avec 17 000 ha assurés en 2023 (contre 3 000 ha en 2022), tandis que Groupama a tiré celui des prairies avec près de 700 000 ha assurés. Néanmoins, les deux assureurs sont moins enthousiastes quant à la poursuite de la dynamique des souscriptions en 2024.
De son côté, Atekka affiche une croissance en progression de 25 % en 2023 et compte 40 distributeurs, 2 000 agriculteurs et 200 000 ha couverts. Cette année, le néo-assureur a développé pour Oxyane une offre d’assurance paramétrique en arboriculture et en viticulture. « Il y a une grille tarifaire par station météo, c’est-à-dire qu’à 1 kilomètre près, le coût de l’assurance va être différent et nous proposons une franchise qui démarre à 0 % », précise Antoine Poupart, président et fondateur d’Atekka. Une offre de préfinancement des aides Pac a également été proposée à certains distributeurs ; Atekka souhaite la déployer à tous ses assurés d’ici 2025.
Remonter le rendement garanti
Quant au dispositif, il n’est pas encore parfait. « Il faut continuer de convaincre, insiste Marc Fesneau. La défiance persiste concernant l’indice de pousse de l’herbe mesuré par satellite, nous avons besoin de crédibiliser les choses. » Pour ce faire, un réseau de fermes de références sera déployé en 2024 afin de comparer les résultats satellites à des données terrain.
La moyenne olympique fait également débat puisque les aléas climatiques successifs ont fait baisser les rendements de référence sur lesquels se basent les assurances. « Il nous est possible de demander à la Commission européenne de modifier la réglementation Pac et l’encadrement des aides d’État, ce qui permettrait de remettre en cause la période de référence et de l’allonger, par exemple, à 8 ans », fait-il savoir en précisant que la Commission paraît ouverte sur le sujet. En attendant, les assureurs proposent des franchises plus basses, dès 10 ou 15 %, afin de faire remonter le rendement garanti.
Groupama a également soulevé la question de la complexité administrative entourant la réforme. « Nous avons demandé, fin janvier, au ministre de l’Agriculture que soit appliqué le principe de confiance vis-à-vis des agriculteurs. De nombreux contrôles pourraient ainsi être réalisés a posteriori et non a priori », déclare l’assureur. Enfin, les travaux sur le pool de co-réassurance ont commencé et avancent dans le bon sens. Cela contribuera à renforcer le dispositif et à encourager les filières les plus fragiles à s’assurer.
Mathilde Soulé
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