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EPI : encore du potentiel à impulser

Sébastien Cambier, ingénieur au service agronomique et référent réglementaire et enjeux agro-environnementaux chez Unéal.

Les agriculteurs prennent de plus en plus conscience de l’intérêt des équipements de protection individuelle, pourtant notre baromètre Agrodistribution-ADquation montre que le recours n’y est toujours pas systématique. Pour accélérer leur adoption, de nombreuses initiatives voient le jour, et la distribution a un rôle déterminant à jouer dans cette dynamique.

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Le port d’équipements de protection individuelle (EPI) par les agriculteurs est indispensable lors de la manipulation des produits phytosanitaires. Du moins en théorie. Dans la pratique, ils restent souvent au placard, et ce malgré l’arrivée d’une nouvelle génération d’EPI. Leur adoption par les agriculteurs progresse à un rythme « encore trop lent », selon Émeric Oudin, DG d’Axe-environnement. « Le marché est actuellement proche de 10 M€, alors que son potentiel est estimé à près de 80 M€. Il reste un long chemin à parcourir pour sensibiliser les agriculteurs à l’importance de ces équipements et notre défi, aujourd’hui, c’est de transformer la “contrainte” qu’ils représentent en opportunité », affirme-t-il.

Les gants bien positionnés

Pour rappel, l’association Contrat de solutions s’était fixée en 2019 des objectifs ambitieux d’ici 2025 en matière de port des EPI : plus de 95 % pour les gants de protection chimique, 60 % pour les lunettes ou l’écran facial, et 50 % pour les combinaisons chimiques.

D’après notre baromètre Agrodistribution-ADquation, le port des gants est bien ancré dans les pratiques puisqu’il se positionne comme l’EPI le plus utilisé. En 2024, 73 % des répondants ont déclaré toujours les porter, et 14 % les utiliser de temps en temps, soit au total 87 % des agriculteurs qui en utilisent, contre 84 % en 2021. « Des résultats encourageants », dont se réjouit Julien Durand-Réville, responsable prévention santé chez Phyteis. Toutefois, Fabien Vermot-Desroches, directeur marketing et R&D chez Axe-environnement, soulève une question clé : « Sont-ils changés suffisamment souvent pour garantir une protection optimale ? »

Les protections respiratoires arrivent en deuxième position, avec 73 % des agriculteurs qui en portent régulièrement ou systématiquement. Suivent ensuite les lunettes de protection ou écrans faciaux (54 %). Les EPI vestimentaires, quant à eux, peinent à s’imposer, que ce soit les combinaisons à usage unique (43 %), les équipements associés à un EPI partiel (41 %) ou les combinaisons réutilisables dédiées (25 %, dont 7 % systématiquement). « Nous vendons principalement des combinaisons jetables. Les combinaisons réutilisables sont moins pratiques car elles nécessitent une machine à laver dédiée », illustre Jean-Marc Aloisio, magasinier et référent EPI au négoce Jeem.

Enfin, les agriculteurs de moins de 50 ans semblent être davantage sensibles au port des EPI, puisque 93 % d’entre eux utilisent des gants et 80 % portent des protections respiratoires. Mais si Axe-environnement considère que les tendances de notre baromètre reflètent le marché, les résultats sont jugés trop optimistes par rapport à la réalité des ventes. En effet, les idées reçues sur les EPI persistent et leur utilisation n’est pas encore généralisée. Et c’est là tout l’enjeu des campagnes de sensibilisation.

La distribution en première ligne

Depuis 2022, l’association Contrat de solutions mène une nouvelle campagne dédiée à la prévention des risques phytosanitaires. Aménagement de l’espace de travail, bonnes pratiques d’hygiène, entretien du matériel, choix et utilisation des EPI… Toutes les étapes sont décortiquées et les messages diffusés au travers d’outils : escape game en ligne, websérie Agricall, et lors des journées terrain multipartenaires. En deux ans, une vingtaine de journées ont été organisées. « Certains distributeurs y participent, mais l’objectif serait qu’ils portent réellement l’évènement car ils sont un moyen de mobilisation capital. C’est le levier qu’il reste à activer », souligne Clotilde Bois-Marchand, cheffe de projet chez Contrat de solutions.

« Certains sont particulièrement dynamiques, tandis que d’autres peinent à structurer une stratégie autour des EPI, constate de son côté Émeric Oudin. Pourtant, il y a un vrai enjeu de professionnalisation. À terme, notre ambition est que chaque vente de produit phytosanitaire soit accompagnée d’une préconisation d’EPI. » Un réflexe qu’Unéal a instauré auprès de ses équipes : « Depuis cinq ans, les agents d’exploitation ont la mission systématique de parler des EPI lors des ventes », affirme Sébastien Cambier, référent réglementaire et enjeux agro-environnementaux. La coopérative multiplie les initiatives, à l’instar de messages de prévention envoyés par courriel pendant les périodes de ventes de semences. « Le port des EPI lors de la manipulation des sacs de semences n’est pas encore entré dans les mœurs alors que ce sont des produits toxiques », justifie-t-il.

Chez Jeem, explique Jean-Marc Aloisio, « nous avons installé un rack EPI dans le bureau où nous recevons les clients, ce qui nous a permis de développer les ventes ».

Escape game

De son côté, Axe-environnement espère accélérer le déploiement des EPI via un outil peu commun : l’escape game. Depuis 2022, ce dispositif a permis de former plus de 200 personnes. « C’est une approche ludique pour sensibiliser aux risques, montrer que les EPI existent avant tout pour le confort et la protection des agriculteurs, tout en expliquant concrètement leur utilisation », insiste Fabien Vermot-Desroches.

En 2023, Unéal a formé sept de ses employés via ce dispositif, dont des agents d’exploitation et des commerciaux sédentaires. Sept autres vont l’être sur cette campagne, l’objectif étant d’avoir formé tous les agents d’ici trois à quatre ans. Convaincue par ce format, la coopérative souhaite aller plus loin : « Nous sommes en train de réfléchir pour décliner cet escape game en région, projette Sébastien Cambier. L’idée serait d’avoir une salle au sein de la coopérative et de désigner des agents d’exploitation en tant qu’animateurs. » Axe-environnement travaille également sur une version délocalisable de l’escape game afin de se rendre directement chez les clients. Car la pédagogie est la clé pour faire adopter les EPI.

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