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BLÉ DUR Un marché en pleine mutation

Tandis que la France peine à maintenir sa place, la production mondiale de blé dur reprend des couleurs, avec pour la première fois depuis sept ans des stocks de fin de campagne en hausse. Elle est tirée par le Canada, la Russie et la Turquie, même si le commerce est au ralenti.

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Après trois campagnes « très difficiles », le marché du blé dur se rééquilibre. « Pour la première fois depuis 2018, les stocks de fin de campagne augmentent pour atteindre les 8,9 Mt. L’an dernier, nous étions tombés à un niveau historiquement bas », a expliqué Yannick Carel, chargé d’études économiques chez Arvalis, le 6 février, lors de la 27e journée filière blé dur à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). En 2024, la production mondiale a dépassé les 36 Mt, soit « la troisième meilleure de la décennie ». Une croissance principalement imputée à l’effet surface au Canada, en Turquie et en Russie.

L’Algérie bientôt autosuffisante ?

Le Canada a connu une « bonne récolte » avec 5,9 Mt produites en 2024, tandis que le Mexique et le Maroc, ont une nouvelle fois souffert de la sécheresse. La situation risque d’ailleurs de s’aggraver en 2025 au Mexique, puisqu’une baisse « de 80 % des surfaces cultivées a été annoncée, informe Yannick Carel. Exportateur historique de blé dur, le pays pourrait devenir importateur dès la prochaine campagne. »

Un autre changement majeur se profile, cette fois-ci en Algérie. Deuxième plus grand importateur de blé dur, le pays ambitionne de devenir autosuffisant dès l’an prochain. « Si l’Algérie cesse d’importer du blé dur, le Maroc, qui lui est en difficulté, pourrait compenser cette absence, ce qui modifiera les flux sans pour autant bouleverser les volumes », analyse Patrick Jouannic, chargé du commerce de blé dur chez Soufflet négoce by InVivo.

En parallèle, la Turquie et la Russie réaffirment leur position, elles représentent à elles deux 16 % du marché export. La Turquie dépasse, pour la deuxième année consécutive, les 4 Mt de blé dur produites. La Russie, quant à elle, a plus que doublé sa production en trois ans, atteignant près de 2 Mt en 2024.

De son côté, la production européenne se maintient (7,4 Mt), mais à « un niveau en deçà des 8 Mt régulièrement atteints avant 2018 », regrette Yannick Carel. Une stabilité qui masque une production française toujours en berne puisque, pour la troisième année consécutive, l’Hexagone a produit moins de 1,5 Mt. Avec seulement 700 000 t à exporter pour la campagne 2024-2025, le marché export français est à son niveau le plus bas depuis le début des années 2000. « Dans certaines zones, la qualité n’a pas été au rendez-vous, il a fallu trouver d’autres débouchés », précise Yannick Carel.

Pour Clément Roux, directeur commercial chez Durum, « la filière française se mettra en danger si elle ne retrouve pas sa production. Elle risque de perdre sa place sur le marché export, déjà bien érodée. » Et la situation ne semble pas près de s’améliorer. Les surfaces 2025 seraient une nouvelle fois en baisse, avec seulement 227 000 ha annoncés.

La mer Noire discrète

Concernant les importations, l’Europe est en retard par rapport à la campagne précédente. C’est en grande partie dû à l’évolution de la dynamique des fournisseurs. Fait notable cette année : la Russie était absente en ce début de campagne, en lien avec les taxes prohibitives imposées par l’UE sur les céréales russes. La Turquie et le Kazakhstan se sont également faits discrets. « Le prix minimum imposé pour les exportations par le gouvernement turc a fortement freiné les importations alors que le marché européen attendait une arrivée abondante de ce blé, explique Nicolas Prévost, courtier en grains chez Emeric. Ces origines sont sources d’incertitudes, que se soit géopolitiques ou climatiques, avec une qualité en mer Noire irrégulière ces dernières années. C’est pourquoi il faut renforcer la production française et européenne. »

Malgré les instabilités politiques des continents américain et européen, « les cours ne devraient pas trop bouger », fait savoir Patrick Jouannic. Après avoir « fortement dévissé » en mai dernier par rapport aux années précédentes, le prix du blé dur est stable depuis septembre. « C’est un encéphalogramme plat et il y a de fortes chances que ça le reste puisqu’il n’y a pas beaucoup de rencontres entre l’offre et la demande. »

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