Blé tendre Cherche clients désespérément
Avec une récolte 2025 qui s’annonce en nette hausse, et après une campagne d’export difficile malgré de faibles volumes, le blé tendre français devra se faire une place face à une forte concurrence. Cela nécessitera de trouver de nouveaux débouchés pour écouler les volumes, dans un contexte de repli des cours et d’incertitudes sur la demande.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Alors que la récolte de blé tendre 2025 se profile, les céréaliers et les organismes stockeurs avancent dans le flou. Car « malgré les faibles volumes à mettre en marché à la suite d’une récolte 2024 historiquement basse, le blé français a eu du mal à s’exporter, notamment vers les pays tiers », rappelle Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France. En cause ? Le manque de compétitivité du blé tricolore, le repli de la demande de plusieurs clients majeurs, comme la Chine, la Turquie, le Pakistan, et, plus récemment, la perte du marché algérien.
« Jusqu’en 2020, l’Algérie importait près de 5 Mt de blé français chaque année. L’ouverture de son cahier des charges au blé de la mer Noire a depuis réduit les volumes français à moins de 2 Mt. Cela ne s’est pas ressenti de par la montée en puissance des achats chinois, mais aujourd’hui, avec les tensions diplomatiques, la France n’exporte plus vers l’Algérie, et la Chine ne montre aucun signe de reprise à ce jour. » Dans ce contexte, que peut-on attendre de la campagne 2025-2026 ?
Une récolte à 32-33 Mt
Les premières estimations de la mi-juin d’Argus Media pour la récolte tricolore tablaient sur 32 à 33 Mt, contre 26 Mt en 2024. Le potentiel de rendement restait cependant sous surveillance, notamment avec la vague de chaleur qui a accompagné l’arrivée de l’été. Toutefois, l’impact sur les cultures devrait être limité. La collecte européenne s’annonce, elle aussi, en hausse, portée par la progression des productions française, allemande et surtout roumaine.
À l’échelle mondiale, un record de production est attendu avec 809 Mt selon l’USDA. La récolte russe est annoncée comme « bonne ». Et aux États-Unis, les blés d’hiver affichent 52 % de surfaces notées « bonnes à excellentes » (contre 49 % en 2024).
Sous les 200 €/t
Ainsi, la perspective d’une situation confortable à l’échelle mondiale, l’incertitude de la demande et le renforcement de l’euro par rapport au dollar pénalisent, à date, les origines européennes. Le blé Euronext côtoie toujours les 200 €/t et met la pression sur le départ ferme, en dessous des coûts de production. « Les agriculteurs sont peu enclins à s’engager dans les ventes à ces niveaux de prix, confie Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France. L’enjeu de la récolte 2025, c’est qu’il va y avoir plus de volume qu’en 2024, il faudra donc trouver des débouchés. Les opérateurs sont inquiets car la concurrence est forte sur la scène internationale face aux blés russes, ukrainiens, et même bulgares et roumains. »
Une compétitivité fragile du blé français qui avait été relevée par Guillaume Jacquet, directeur industriel du pôle céréales du groupe Somdia, acteur agro-industriel en Afrique, à l’occasion du Forum blé tendre de La Rochelle, début mai : « L’offre française est souvent perçue comme trop chère par rapport à son ratio protéine. Or nos meuniers africains, ouverts à toutes les origines, recherchent des blés à 12-12,5 % de protéines, un niveau que les blés français peinent à atteindre, contrairement à ceux de la mer Noire. »
De 51 à 28 destinations
Conséquence, le nombre de destinations pays tiers pour le blé français est passé de 51 en 2019-2020 à seulement 28 en 2024-2025, a indiqué Frédéric Guillemin, directeur du pôle blé chez Soufflet Négoce by InVivo. « La République démocratique du Congo, autrefois gros acheteur de blé français, privilégie désormais les origines russes », a illustré Charles Quenardel, trader chez Ifaco grain. S’il juge un retour difficile sur ces marchés, il se veut positif : « Des pays comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, qui ont une activité meunerie et boulangère, acceptent de payer pour une protéine un peu plus faible car ils connaissent bien le blé français et savent comment le travailler. Il faut capitaliser sur ces meuniers. »
Et si la France peut compter sur des débouchés historiques comme le Maroc et l’Afrique subsaharienne, cela ne suffira pas à absorber la production. « Le blé français pourra tenter de regagner en compétitivité sur le marché intracommunautaire, notamment face aux importations de maïs », estime Sébastien Poncelet. Beaucoup d’incertitudes sont encore à venir : les récoltes de blé, celles de maïs, l’évolution des conflits, ou encore la dynamique de la demande internationale. « Tout reste à faire. »
Pour accéder à l'ensembles nos offres :