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LA COOPÉRATIVE À LA UNE Cavac Villejésus, un virage bien négocié

Dominique Genottin (à g.), président de la Cavac Villejésus, et Michel Caillaud, directeur général.

La coopérative de Villejésus, en Charente, est passée d’un modèle tourné vers le portuaire à une stratégie de diversification, avec des débouchés notamment en alimentation humaine et oisellerie. Les blés partent désormais chez des meuniers, à moins de 100 km du siège. Un tournant qui a permis à la coopérative de taille modeste de tirer son épingle du jeu, en apportant de la valeur ajoutée à ses adhérents.

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Située à une trentaine de kilomètres d’Angoulême, la Cavac a été créée en 1931. À ne pas confondre avec la coopérative vendéenne éponyme : si les deux ont le même nom, « nous le portons depuis plus longtemps », sourit Michel Caillaud. Le directeur général raconte : « Au départ, il s’agissait d’agriculteurs charentais s’étant associés pour mettre en commun leurs blés afin d’approvisionner un boulanger local. » En 1968, la coopérative de Villejésus fusionne avec sa voisine d’Aigre. En 2019, c’est la commune de Villejésus qui a été intégrée à Aigre, même si l’utilisation du nom Villejésus perdure.

Depuis sa création, la Cavac a bien évolué, et se singularise aujourd’hui par la variété des productions commercialisées, avec un modèle économique reposant majoritairement sur la collecte. Ses adhérents, 160 actifs, sont en grande majorité des céréaliers, avec pour certains un peu de vigne, la coopérative étant en bordure de la zone Cognac. Elle compte aussi quelques producteurs avec une activité d’élevage. Tous sont installés dans un rayon de 20 km autour de Villejésus. Côté coopérative, 15 collaborateurs y travaillent, y compris le directeur, avec cinq sites : le siège, avec un dépôt d’appro et un silo, trois silos/séchoirs et une plateforme de réception. Ils sont gérés par quatre silotiers. Le reste de l’équipe est composé de deux agents relation culture, épaulés d’un apprenti, trois chauffeurs, un magasinier, un responsable maintenance, et deux personnes en administratif.

Membre de l’Entente

Si la coopérative n’est pas loin des ports de La Pallice et de Bordeaux, « on y va peu », indique Michel Caillaud. Ce qui n’a pas toujours été le cas. Au début des années 1990, la Cavac adhère à l’Entente, une union de coopératives pour la commercialisation des céréales, qui leur permet notamment de faire des bateaux complets pour l’export. La Cavac envoie encore quelques volumes en portuaire, notamment en orge, vendue dès la récolte. Selon les années et les besoins des fabricants du bétail, certains volumes de maïs et de pois peuvent aussi partir pour cette destination. « On a une capacité de stockage de 30 000 t, et on collecte entre 35 000 et 40 000 t, chiffre le directeur. L’été, il faut faire de la place. » Mais sa stratégie est résolument tournée vers le local, avec une orientation meunerie.

Le virage a été pris quand Michel Caillaud, embauché en 1988 en tant que technicien, est arrivé à la direction générale, en 2005. La santé financière de la coopérative est alors fragile. « On s’est dit : il faut que l’on trouve de la rentabilité ailleurs. On a vraiment cherché à se diversifier sur d’autres marchés, avec un objectif : apporter le maximum de rémunération à l’adhérent », relate le dirigeant, pour qui la taille modeste de la coopérative est un atout. « Il fallait qu’on se démarque », appuie Dominique Genottin, président de la Cavac depuis neuf ans. La coopérative se lance notamment dans les graines pour l’oisellerie, principalement pour le marché belge, en particulier des tournesols striés, pois verts ou encore millet. Un débouché « qui a bien marché », avec entre 2 000 et 4 000 t/an en moyenne de tournesol strié, et jusqu’à 5 000 t/an avec d’autres coopératives apporteuses. Les volumes ont décliné en raison notamment de variétés vieillissantes et d’un manque de recherche. Aujourd’hui, le contrat pèse moins de 1 000 t, et la Cavac ne fait quasiment plus de tournesol strié. En revanche, elle produit toujours, entre autres, du millet et du pois vert pour l’oisellerie.

100 % de blés BPMF

Quant aux blés, ils ont été réorientés vers la meunerie : désormais, « on ne fait que des blés BPMF [blés pour la meunerie française, NDLR] », précise Michel Caillaud. La Cavac fournit entre autres des blés pour la filière « baguette charentaise », portée par les Moulins Centre Atlantique, avec la Carc à Cognac et la coopérative de Mansle. En parallèle, les surfaces de maïs ont chuté. « La baisse a débuté vers 2010, estime Dominique Genottin. C’est lié à l’irrigation », avec l’arrêt des pompages en forage, et des projets de réserves de substitution qui peinent à voir le jour. Restent les prélèvements dans le fleuve Charente. « On a aussi des zones Natura 2000 pour protéger les outardes, et des mesures compensatoires liées au passage de la ligne LGV. Toutes ces terres ne sont pas cultivées », tendant à faire baisser les volumes collectés. Michel Caillaud décide aussi de céder le Lisa en 2006, qui existait depuis 1989. « C’est un autre métier », justifie le dirigeant.

Quota de CEPP atteint

La coopérative accumule les certifications et labels. En 2003, démarrage de l’Iso 9001, en 2005, certification à la norme NF V 01-005 pour l’activité agricole, en 2011, 2BSvs Durabilité, en 2014, CSA-GTP, en 2018, NF V 01-007 (Agri Confiance), et en 2022, label rouge. Une démarche RSE est aussi lancée en 2019, avec un diagnostic 3D, et une labellisation RSE est dans les tuyaux. « Nos certifications sont portées par l’Entente », ajoute le directeur, avec une salariée dédiée aux sujets qualité à l’union, « qui nous aide beaucoup ».

Aujourd’hui, la coopérative fournit en blé des meuniers, « à moins de 100 km de Villejésus », précise Michel Caillaud, mais aussi une usine d’aliments pour poissons. Outre le maïs waxy, en alimentation humaine elle commercialise des pois chiches, des pois verts ou encore des lentilles via Max Havelaar avec l’Entente, et du lin pour Lesieur. Le tournesol, certifié 2BSvs, part en trituration, à Bordeaux principalement et Saint-Nazaire. Le colza est destiné à l’usine du groupe COC. Pas de bio, même si l’Entente est membre d’Aquitabio. « On ne sait pas les accompagner techniquement », reconnaît Michel Caillaud.

Une diversification qui lui a permis d’atteindre son quota de CEPP il y a deux ans. « La moitié de nos CEPP sont faits avec la fiche action diversification des assolements », explique Dimitri Ferrand, responsable appro. Côté achats d’appros, la Cavac est adhérente à l’UDCA, réunissant 17 coopératives. S’il y a un tronc commun, « chacune gère sa gamme », précise-t-il.

1 M€ pour les silos

Le stockage est réalisé sans insecticide de stockage depuis huit ans. « Nous sommes équipés en thermométrie et ventilation partout, mais on a de moins en moins la capacité de refroidir avec le changement climatique, c’est pourquoi nous réfléchissons à un projet avec de l’ozone », fait part Michel Caillaud. Des investissements sont prévus sur des silos. « On veut augmenter notre capacité de stockage et de nettoyage », notamment face à des durées de récolte qui se raccourcissent, avec du matériel de battage de plus en plus performant. Des travaux auront lieu pour cela à Verdille, avec un bâtiment photovoltaïque en autoconsommation pour réceptionner. À Tusson, c’est un nouveau trieur optique qui est prévu. Au total, 1 M€ d’investissement est planifié sur ces deux sites.

Comment la coopérative absorbe-t-elle les hausses des charges, notables depuis 2022 ? « C’est un travail de tous les jours », répond Michel Caillaud, Dominique Genottin ajoutant : « On est touché, mais pas plus que les autres ». Quant à une éventuelle fusion avec une coopérative voisine, le président questionne : « Fusionner, mais pour faire quoi de plus ? Je préfère une petite structure qui corresponde bien aux besoins des adhérents. Tant que la situation financière est bonne, je ne vois pas l’intérêt. » Et les comptes de la coopérative sont sains. « Notre inquiétude, c’est plutôt pour certains adhérents, avec des situations compliquées. Il ne faudrait pas une deuxième année comme 2024 ». Pour le moment, « la récolte 2025 ne s’annonce pas si mal, mais tout dépendra d’un éventuel épisode de sécheresse au printemps », analyse Michel Caillaud. Autre défi, anticiper la relève du couple président-directeur, dans quelques années. « On la prépare », appuie Dominique Genottin.

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