Login

Céréalis : un pied dans l'appro, deux dans la collecte

Si Céréalis vient de prendre le virage de l'appro, le premier collecteur de grains du Vaucluse ne renonce pas à poursuivre sa conquête des volumes. Bien au contraire.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Au pays du melon, de la cerise et de la tomate, le blé dur ferait presque pâle figure. Et pourtant… il ne faut pas oublier que ce qui deviendra plus tard le Vaucluse était le grenier à blé de la papauté d'Avignon au XIVe siècle. Et que ce soit aux abords de la vallée du Rhône ou de celle de la Durance, la coopérative Céréalis, issue de la fusion en 2004 de la coopérative d'Orange et de celle de Pertuis, rejointe par celle de Valréas en 2008, s'attelle à cultiver la tradition. A l'issue de ces fusions successives, la coopérative est devenue le premier collecteur de grains du département du Vaucluse représentant 35 % de parts de marché. Elle monte même à 60 % sur la partie nord-ouest du département, et jusqu'à 90 % au sud. Mais ici, ce n'est plus de blé tendre dont on parle, 80 % de la collecte se fait en blé dur, le solde se composant surtout d'oléagineux à destination des triturateurs. Ainsi, 80 % du tournesol (à 100 % oléique) est transformé en huiles alimentaires à haute teneur en acide oléique, notamment auprès de Saipol (Lesieur) à Sète, et des Grandes huileries Mediaco à Béziers (Hérault), le reste servant à produire du Diester.

La qualité du blé dur est connue dès la fin d'été

Le blé dur est vendu majoritairement auprès des fabricants de pâtes locaux, avec qui la coopérative travaille en étroite relation, particulièrement avec le premier client de la coop, Panzani. « Les semouliers locaux voient en Céréalis un certain nombre d'atouts, se félicite le président Max Coq. Ils savent que l'on peut s'engager en quantité et en qualité. » En effet, ici, il n'y a guère de stockage à la ferme. Les collecteurs se font un point d'honneur de maîtriser la collecte, source de confiance pour les acheteurs et de plus-value pour les agriculteurs, qui vendent à la coopérative 100 % de leur marchandise au prix moyen. « Les semouliers sont prêts à payer un peu plus cher la marchandise dont la qualité est parfaitement connue dès la fin de l'été, en contrepartie de la maîtrise du produit », explique le directeur général Jean-Pierre Witko. En amont, 40 % de la production est contractualisée, sur des critères qualitatifs. « On est en train de préparer une contractualisation plus forte qui intègre le produit de la semence jusqu'à la collecte, afin d'encore mieux maîtriser les critères qualitatifs tels que le taux de protéines. » D'autant que les semences certifiées sont utilisées à 85 % par les agriculteurs, approvisionnés par la station de semences appartenant à la coop. Le directeur craint pourtant dans le contexte actuel un recul de ce taux et donc de la qualité globale. « Notre stratégie est de contrôler le produit du semis jusqu'à la collecte, il faut éviter de mettre en l'air une partie de notre système. » La coop proposera ainsi pour la nouvelle campagne un système de prime à l'utilisation de semences certifiées.

Une marge de progrès substantielle en collecte

Côté commercialisation, depuis la dissolution du GIE Mistral, la coopérative se débrouille toute seule. « On ne s'interdit pas à l'avenir d'intégrer une union de commercialisation, d'autant que ça nous permettrait de faire plus d'export », fait savoir Jean-Pierre Witko. La coopérative est en effet peu orientée vers l'exportation. Seulement 10 % de la collecte de blé dur sort des frontières nationales. Le silo portuaire de Bollène géré en union inter coopérative avec Sud Vaucluse et la coopérative de Bollène-Barjac est embranché sur le chemin de fer et permet le chargement de trains complets vers le nord et l'est de l'Europe. En bordure du Rhône, il permet également le chargement de péniches pour le nord de l'Europe et en Méditerranée pour le chargement de bateaux en direction de l'Italie et du Maghreb. Enfin, Céréalis a investi au niveau du terminal céréalier port des Tellines, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), aux côtés de l'union Cérévia. Au cas où le marché prendrait une autre tournure… Avec une capacité de stockage de plus de 30 000 t pour une collecte de 25 000 t, « la problématique n'est donc pas de stocker, c'est surtout de faire du volume, défend Jean-Pierre Witko. La zone de collecte a une marge de progrès énorme. Le rendement moyen en blé dur oscille entre 30 et 35 q/ha, mais les leaders font souvent 50 ou 60 q/ha. »

En cause ? L'irrigation, qui ne se fait que sur 10 à 20 % des surfaces de céréales, alors que le département est réputé pour être le plus chaud de France. Et ce n'est pas un problème d'eau. « De l'eau, on en a, on était prêt à vendre l'eau du Rhône à Barcelone », s'indigne-t-il. Le problème vient surtout d'une absence de remembrement. Mais les restructurations d'exploitations devraient l'y aider. L'accélération de l'éclatement familial a amené certains producteurs à passer de 40 à 120 ou 140 ha dont 100 ha de céréales et d'oléagineux, 20 ha de semences et 10-15 ha de légumes. Par ailleurs, les cultures spéciales étant en difficulté, un certain nombre d'agriculteurs deviennent de plus en plus céréaliers dans cette région de polyculture où l'on fait plutôt des légumes de plein champ, de l'arboriculture en plaine et de la viticulture sur les côteaux. Les arrachages de vignes et les rotations en maraîchage ont déjà renforcé la collecte de grains ces dernières années.

L'appro pour récupérer la valeur du conseil

Sur ces terres, les céréales ne sont traditionnellement pas la première préoccupation des agriculteurs. « La coop se doit de les épauler sur le plan technique », avance Jean-Pierre Witko, « mais on s'est rendu compte qu'on ne maîtrisait pas le conseil, dans le sens où on en délivrait, mais les agriculteurs allaient chez d'autres pour se fournir en appro », poursuit-il, conscient que le financement du conseil reste difficile. « Par ailleurs, la montée en puissance du système de conseil agricole et les évolutions des collecteurs et distributeurs voisins impliquaient que l'on soit présent sur les deux métiers, même si la collecte reste la priorité. » Céréalis a donc démarré ses ventes de phytos en se fournissant chez InVivo en 2008 et celles d'engrais en 2009. « Tout était à faire en phytos, que ce soit au niveau de l'argumentaire commercial ou du stockage », se rappelle Valérie Brun, technico-commerciale. A ce moment-là, Céréalis a racheté l'ancien site de la Manufacture des Engrais Vital, à Entraigues-sur-la-Sorgue, alors en dépôt de bilan. « Cela nous a servi à stocker une bonne partie des phytos, puis des engrais. Parallèlement, notre présence en collecte a été renforcée puisque nous avons développé le stockage à plat sur ce site. » En attendant de futurs aménagements, à hauteur de la collecte.

La coop n'est en effet pas avare d'investissements. Elle met chaque année 250 000 € pour maintenir un haut niveau technique, que ce soit dans l'amélioration de la traçabilité ou de la gestion automatisée de la collecte et de la qualité au stockage. Elle est aussi positionnée sur un projet d'envergure dans la région de Pertuis, où elle projette de dépenser 300 000 € pour construire un silo de 8 000 ou 9 000 t en remplacement de trois sites actuels. Si le terrain est acheté depuis cinq ans, le projet a pourtant du mal à aboutir pour des raisons d'accès au site. En attendant, la coop continue à investir sur le site actuel de Pertuis.

Le développement durable au service de l'humain

L'investissement n'est pas seulement immobilier, il est aussi humain. Depuis la mise en place de la stratégie appro, la coopérative a vu son effectif passer de 11 à 14 personnes, avec le recrutement de 2 technico-commerciaux. Faire perdurer les filières, tel est bien l'objet de Céréalis qui vient de s'engager avec d'autres coopératives régionales dans un programme d'actions concrètes de développement durable (3D - destination développement durable) mis en place à l'initiative de Coop de France Alpes-Méditerranée. Les deux chantiers principaux sont d'affirmer la communication avec les parties prenantes et d'améliorer la relation avec l'adhérent. Sur ce dernier point, l'orientation prise dans l'appro l'y aidera sûrement.

Renaud Fourreaux

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement