Coop de blé en force sur la haute valeur ajoutée

Créée en 1936, à Salvagnac, dans le Tarn, la Coopérative de blé de Salvagnac est fière de n'être aujourd'hui affiliée à aucun grand groupe. Sa devise : la convivialité, l'échange avec les adhérents et surtout la redistribution des plus-values, permettant de faire vivre les agriculteurs et leur famille. Pour cela, elle a décidé de garder une taille humaine - ses dix salariés sont polyvalents et très dynamiques - et de se spécialiser dans les productions de qualité à haute valeur ajoutée. « Lorsque je suis arrivé en 1994, nous étions trois employés et la collecte se montait à 6 000 t, raconte Martial Chandeysson, le directeur. Aujourd'hui, l'effectif est de dix personnes et nous collectons environ 30 000 t de céréales et d'oléagineux. Depuis quinze ans, nous progressons chaque année régulièrement. »

Quarante variétés testées chaque année

Et ces progrès ne doivent rien au hasard. Auparavant employé par un organisme stockeur, le jeune directeur a entièrement réorienté les productions de la coopérative de Salvagnac vers des blés de qualité et a tout mis en oeuvre pour valoriser le travail des agriculteurs. « Je ne comprenais pas pourquoi les meuniers de la région allaient acheter leur blé dans le centre de la France et pourquoi la production de la Coopérative de blé de Salvagnac partait pour l'alimentation animale, poursuit-il. J'ai alors beaucoup travaillé avec Arvalis pour choisir de nouvelles variétés, proposé une charte de qualité propre à la coopérative et un suivi technique très précis. Très vite nous nous sommes équipés d'un appareil pour mesurer le taux de protéines des grains (nous étions les premiers à en posséder un sur la région) et nous avons pu payer la qualité aux producteurs en fonction de ce paramètre. Nous avons également mis en place un grand nombre d'essais de variétés différentes, afin de tester leur adaptabilité au terroir. Parallèlement, nous avons observé les blés qui se produisaient dans la région. »

A l'époque, tout le monde cultivait la variété Soisson, un blé tendre qui, travaillé en panification, est très élastique. De son côté, Martial Chandeysson avait observé que la variété Gascogne poussait particulièrement bien sur les terres de la coopérative. Mais en boulangerie, elle donnait des pâtes très extensibles. « En mélangeant les deux variétés, on obtenait des baguettes parfaites, reprend Martial Chandeysson. Les meuniers venaient de partout nous acheter du blé Gascogne. » Depuis, la coopérative teste chaque année une quarantaine de variétés différentes de blé meunier et de force. En 2002, elle a construit un centre de travail du grain doté de dix cellules où elle peut, non seulement, mesurer le taux de protéines et la force du gluten de chaque lot récolté, mais aussi réaliser des mélanges dont elle fait tester l'aptitude à la panification par un laboratoire (tests de panification et alvéogramme). Elle propose ensuite ses mélanges aux meuniers, en fonction des résultats.

Une majorité des adhérents de la coopérative produisent des blés CRC (Cultures et ressources contrôlées) ou sous charte de qualité propre à la structure, ce qui représente 75 % environ du tonnage de blé tendre produit. Tous les arrivages sont échantillonnés et testés, afin que la coopérative connaisse au moment de la récolte la qualité et la quantité des produits qu'elle a à sa disposition. Les primes à la qualité vont de 5 à 80 € par tonne. La coopérative dispose de 14 000 t de capacité de stockage. La conservation du grain est assurée par un système de ventilation par le froid, garantissant un abaissement progressif des températures pour ne pas l'altérer et éviter les traitements insecticides.

Le travail sur le blé de qualité et sa traçabilité ont aussi permis de créer en 2002, la filière entièrement tarnaise Lo Cantèl qui regroupe des meuniers et une trentaine de boulangers. Un débouché minime en terme de quantités pour la coopérative, mais qui permet de valoriser un produit local de qualité qui répond à un cahier des charges précis, aussi bien pour les cultures que pour la fabrication de la farine et la recette du pain.

Indépendante, mais solidaire

Les démarches qualité de la coopérative de blé passent aussi par sa certification Iso 9001, obtenue en 2007, qui a entraîné une réorganisation avec responsabilisation de tous les salariés. Réunions, synthèses, débriefings sont chaque semaine au programme et un logiciel interne donne accès à un réseau d'informations permettant de suivre en temps réel les démarches de ses collègues. Afin de travailler sur les normes Iso, la coopérative a rejoint l'association de coopératives Terres tarnaises, regroupant cinq coopératives qui échangent sur leurs savoir-faire et organisent des audits internes les unes chez les autres. Ensemble, elles réalisent aussi la collecte de films agricoles et d'emballages vides pour Adivalor.

Les voies de la diversification

Coop de blé fait aussi partie du GAMP (groupement d'achats Midi-Pyrénées) qui réunit Terres tarnaises et la Capla (coopérative agricole des producteurs de la Lèze et de l'Arize), en Ariège, avec lesquelles sont organisées des réunions techniques. Enfin, elle adhère à Unimed pour les achats de produits phytosanitaires, de semences hybrides et fourragères. L'activité appros, toutes branches confondues (engrais, semences, phytos, aliments du bétail…) ne représente toutefois que 25 % de son chiffre d'affaires.

Forte de ses démarches qualité appliquées au blé tendre et à son fonctionnement, la Coopérative de blé développe également d'autres cultures à haute valeur ajoutée. « Nous avons aussi choisi de parier sur le tournesol à haute teneur oléique, notre deuxième production en terme de tonnage, pour laquelle nous payons 15 à 35 € par tonne de plus qu'un tournesol classique, explique Martial Chandeysson. Nous réalisons aussi des essais sur une vingtaine de variétés, avec différentes conduites de culture, afin de trouver les produits correspondant au mieux à la demande des triturateurs. » Ici aussi, toutes les parcelles sous contrat sont enregistrées et tracées. En 1986, la coopérative s'est équipée d'un séchoir solaire (un des premiers de France), qui a permis de réduire de façon conséquente la facture séchage des agriculteurs. Cette année, 100 % du tournesol a, par exemple, été séché grâce à cet outil écologique. Viennent ensuite des productions telles que le blé dur, l'orge, le colza, le maïs, le sorgho, le soja, les pois ou encore le lin, nouvelle diversification proposée aux adhérents. Cultiver un tel oléagineux nécessite peu d'intrants et permet de récolter des graines, utilisées comme apport d'oméga 3 en alimentation animale, en cosmétique ou en pharmaceutique, et de la paille fibreuse, biomasse qui entrera bientôt dans la fabrication de bases fibreuses pour l'alimentation animale et pour les fabricants de mash.

Créer un réseau de clientèle

La Coopérative de blé de Salvagnac a, en effet, un gros projet de construction d'une unité de transformation de biomasse qui devrait être opérationnelle fin 2010. La société Ecovalorys a été créée pour mettre en place une « filière économique durable de valorisation de toute la biomasse locale en balles, granulé ou bouchons ». Des cultures de céréales immatures et de mélanges céréales-oléoprotéagineux, destinés à être récoltés en plantes entières, ont déjà été mises en place.

Enfin, depuis deux ans et demi, la coopérative assure la livraison, en vrac, en sacs et en big bags, sur certains départements de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, de granulés de bois, combustible de chauffage pour chaudières, poêles et inserts. Un marché qui explose et qui est passé de trente clients à l'origine à 150 aujourd'hui, avec des volumes multipliés par 2,5 en un an. Il s'agit ici, pour la coopérative, de « créer un réseau de clientèle » avant de se lancer elle-même dans la fabrication de granulé Ebiolys.

Florence Jacquemoud