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Unicoque sort de sa coquille

Grâce à une différenciation marketing et la maîtrise du prix de revient, la plus importante coopérative européenne de collecte de noisettes a su s'imposer sur ce marché et ambitionne de doubler ses tonnages d'ici à 2015.

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Il y a encore quarante ans, la culture de la noisette n'existait pas en France ni à Cancon (Lot-et-Garonne), ni ailleurs. Ce n'est que dans les années soixante-dix qu'une poignée d'arboriculteurs ont cherché une solution de remplacement moins consommatrice de main-d'oeuvre et moins sensible au climat, à leur production de prunes notamment. Très rapidement, ils se sont mis à voyager et à décortiquer les différents marchés, puis ils ont cherché une structure où ils pouvaient rester maîtres du produit et de son écoulement. Ils créent alors Agri-noisettes en juin 1979 à Cancon. Un an plus tard est recruté le directeur Christian Pezzini, encore à la tête de la coopérative aujourd'hui. « Il n'était pas question d'attaquer le géant de la noisette décortiquée qu'est la Turquie, se souvient-il. Ensemble, nous avons plutôt identifié un marché de niche, celui de la noisette en coque de gros calibre pour les fêtes de fin d'année. Nous n'avions pas de clients, pas de marché, mais l'envie de positionner un produit normé via un metteur en marché unique. »

Les cigales et l'écureuil

Si la mise en route ne fut pas des plus aisées, le coup d'accélérateur est donné dans les années quatre-vingt-dix par le plan européen d'amélioration des fruits à coque. Quand d'autres préférèrent utiliser ces subventions pour payer moins cher les intrants et se retrouvèrent fort dépourvus (sans immobilisations matérielles modernes) lorsque la fin des aides fut venue, la coopérative qui pris le nom d'Unicoque après l'absorption de sa consoeur France noix - préféra soutenir son développement via le financement à 50 % de la mécanisation du verger, de l'usine et de l'appui technique. Mais cela n'aurait pas suffisants la rigueur de l'équipe dirigeante, que certaines mauvaises langues qualifient d' « ayatollah ». Il a en effet fallu, afin d'assurer la maîtrise de la qualité des fruits dès le verger, édicter des règles strictes inscrites dans le contrat Koki confiance qui reprend les engagements réciproques de la coop et des producteurs. Et pourtant, 100 % des producteurs ont signé ce contrat volontaire.

Un prix de revient sous 1 €/t

« Chez nous, c'est l'équipe de rugby, se félicite Christian Pezzini. Et d'ailleurs, nos adhérents n'ont jamais été des clients ou alors vraiment à la marge pour des produits spécifiques ou des innovations. » « On évite le mélange des genres », poursuit le président Jean-Pierre Reigne pour justifier l'absence d'activité appro. Et pour cause, « un des piliers de notre stratégie est de permettre aux agriculteurs d'avoir le coût de revient le plus faible, reprend Christian Pezzini. Il est donc antinomique de leur vendre des intrants le plus cher possible. Au contraire, on incite à l'analyse de sol pour raisonner les apports ». Et d'insister sur la transparence des coûts qui règne dans l'entreprise. Dans l'optique de redistribuer au producteur 65 à 70 % du prix de vente, Unicoque s'efforce de réduire à 30 % le reste (personnel…) et préconise la mise en place de vergers de plus de 10 ha par producteur favorisant les économies d'échelle et garantissant un prix de revient inférieur à 1 €/kg. Le transport, lui, est géré par l'agriculteur et dédommagé sur une base commune de prime compensatoire au kilomètre. Autant donc trouver le transporteur le moins cher. « Même dans les périodes de crise, le prix de vente n'est jamais descendu en dessous du prix de revient », se souvient Christian Pezzini. Notamment parce qu'un des atouts de la coops a été de créer de toutes pièces un système de production innovant qui repose sur des vergers intégralement mécanisables. « Jamais un verger n'a été travaillé à la main », témoigne le président.

Un autre point fort de la stratégie repose sur la différenciation marketing. Cela fait trente ans que l'entreprise communique avec la marque Koki dont le logo représente un écureuil hilare. Surtout, très vite, 2 % des noisettes étaient étiquetées pour être reconnues par le consommateur, à l'instar d'autres fruits. Et depuis deux ans, un marquage au jet d'encre blanche a remplacé l'étiquetage. Avec pour résultat, des noisettes qui ressembleraient presque à des M & M's. « On a imposé un standard de qualité, souligne Christian Pezzini, et on le marque sur 10 % des coquilles », ce qui suffit pour l'identification de la marque. Une marque fondée sur des partenariats privilégiés, voire exclusifs avec les clients, sur une garantie de qualité et sur une politique de prix stables. Ce qui a permis à l'entreprise de ronger jusqu'à 50 % du marché européen de la noisette coque, et même de titiller la Chine dernièrement. « En dix ans s'est développé là-bas un marché constitué d'une clientèle assez aisée pour un volume de 25 000 t », fait savoir le directeur. Même si ce marché peu marketé a été difficile à pénétrer, Unicoque y a expédié au prix français, la saison dernière, 300 t de noisettes, avec Koki inscrit en chinois sur 10 % d'entre elles ! Comme quoi, la noisette française se vend bien.

Une affaire qui roule

De fait, en 2007, Unicoque n'a pas hésité à programmer le doublement de la production de noisettes de 6 000 à 12 000 t pour 2015. Le rythme de plantation est passé de 80 à 250 ha/an, à 50 % grâce aux plantations des adhérents actuels et à 50 % par l'apport de nouveaux planteurs, souvent au détriment des céréales. « Nous continuons à être perpétuellement en veille sur le marché, à voyager pour voir ce qu'il ne faut pas faire, dans l'esprit des fondateurs de la coopérative, souligne Jean-Pierre Reigne. Dans une culture comme le noisetier, dont les premiers fruits se récoltent cinq ans après la plantation, on a la responsabilité de regarder cinq à dix ans devant, argumente le DG, évoquant des tendances : les évolutions climatiques des pays producteurs concurrents, le développement de la Chine, le retrait progressif de l'Italie et de l'Espagne, le nouveau régime d'aide à la plantation en Turquie, le coût de la main-d'oeuvre qui y augmente…

Et déjà, la coop voit plus loin et souhaite capter les opportunités du marché. Elle ambitionne de porter ses volumes de noix à 2 500 t en 2020, et ceux de noisettes à 15 000 t. Et la signature en juin d'une charte irrigation avec les pouvoirs publics et le conseil général, pour la création ou l'extension de réserves collinaires, n'a fait que renforcer ses ardeurs car le manque de ressource en eau était un frein au développement. Elle a annoncé, alors, qu'elle aimerait même atteindre 30 000 t d'ici une vingtaine d'années. Et pourquoi pas représenter 5 % du marché mondial. A ce niveau de volume, il n'est d'ailleurs pas impossible que le marché de la noisette décortiquée, en progression constante chez Unicoque, représente largement plus de la moitié de la production des adhérents.

« Je vous ai apporté des noisettes... »

Autant l'entreprise se prend au jeu de la mondialisation, autant elle souhaite se rapprocher du consommateur sur son territoire. « A l'évidence, les producteurs ont envie de vendre leur production directement », fait remarquer Christian Pezzini. Mais l'entreprise a fait le choix d'encadrer le circuit court, opérationnel depuis ce début d'automne, pour continuer à vendre un produit stable et à prix fixe, dans le respect de l'image de marque et du débouché principal qu'est la grande distribution. Le produit fait donc un passage obligé avant sa vente dans le circuit traditionnel : stations de stabilisation (nettoyage et séchage), qui sont elles-mêmes des coopératives intermédiaires entre les arboriculteurs et la coopérative, site de réception pour constituer des lots pertinents et tracés, puis enfin usine de calibrage.

Dans la foulée, l'entreprise va ouvrir un site internet d'information et de vente, et aussi un magasin de détail à Cancon d'ici à 2011, « plus dans un objectif de communication et de cohésion du groupe que de vente », selon Jean-Pierre Reigne. « Nous vendons des camions, mais nous ne sommes pas au contact du client, justifie Christian Pezzini. Nous souhaitons échanger avec le consommateur. » Au passage, il nous livre un des multiples projets qui se développent chez Unicoque : « Pourquoi n'essaierait-on pas, pour changer du traditionnel bouquet de fleurs, de vendre des petits sachets de noisettes pour offrir ? »

Renaud Fourreaux

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