Boisseaux choisit la proximité
Restée indépendante, la coopérative de Boisseaux se démarque grâce aux productions de qualité en privilégiant la relation avec l'adhérent.
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Au début des années quatre-vingtdix, la vague de concentration entre organismes stockeurs n'épargne pas le Centre. Pourtant, à la frontière du Loiret, de l'EureetLoir et de l'Essonne, la petite coopérative de Boisseaux résiste et conserve son indépen-dance. « Notre environnement souhaitait la fusion, mais la réflexion stratégique menée à cette époque a montré que nous avions intérêt à rester une coopérative de proximité », rappelle Patrick Durand, président de Boisseaux. Pour que cette stratégie soit viable, il faut se démarquer de la concurrence. « La volonté du conseil d'administration a porté sur le développement des productions à haute valeur ajoutée d'autant que notre outil n'est pas adapté aux productions de masse », précise-t-il. En orge, le savoirfaire de la coopérative est déjà reconnu à l'époque, de même qu'en blé meunier. Pour améliorer encore la valorisation, Boisseaux opte pour des cultures plus techniques, les blés améliorants et les orges de printemps brassicoles.
Un travail d'expérimentation
En parallèle, un travail poussé d'expérimentation a dû être mené pour accompagner les adhérents. « Nous avons travaillé très tôt l'optimisation de la fertilisation et les itinéraires techniques des blés de force en faisant des essais sur des parcelles d'adhérents, puis en mutualisant les résultats », souligne Patrick Durand. Aujourd'hui, sur les 7 300 ha collectés par la coopérative, 2 500 ha sont sous contrats de blés meuniers ou de force, et autant pour l'orge brassicole de printemps. Le blé meunier part le plus souvent vers les moulins du Bassin parisien (parfois en Bretagne et dans le nord de la France). Les orges sont expédiées vers le nord de l'Europe tout comme le maïs oisellerie ou standard. Quant à la clientèle des blés améliorants, elle se situe dans toutes les régions de France à l'exception du sud-est. L'ensemble est expédié par camion, car la coopérative ne dispose pas d'embranchement pour train complet.
Pionnière dans le domaine de l'assurance qualité
La coopérative est aussi une figure de proue de l'assurance qualité. En 1996, elle fait partie des premières à obtenir l'Iso 9002. Puis, elle s'engage dans la certification produit avec le blé meunier CRC (Cultures ressources contrôlées) qui prévoit une liste positive de produits phytosanitaires et interdit l'usage d'insecticides de stockage notamment. Peu après, lorsque la charte Irtac d'Arvalis est mise en place, Boisseaux saisit cette nouvelle opportunité de différenciation. En 2004, le Paquet hygiène passe par là : la coopérative adopte alors la charte de sécurité alimentaire. Autant dire que les procédures qualité, les cahiers des charges et l'HACCP n'ont plus aucun secret pour le personnel. C'est la routine. A tel point que la coopérative a choisi d'arrêter les audits externes de l'Iso 9001. « Nous maintenons les procédures et les audits internes, mais les contrôles externes seront désormais ceux des certifications et chartes », précise Xavier Thirouin, directeur de la coop de Boisseaux. Cette expérience des procédures d'amélioration continue en assurance qualité, la coopérative la met autour d'un café ou à l'occasion des réunions hebdomadaires avec les techniciens. « Aujourd'hui, les agriculteurs n'ont plus les lieux de rencontre qu'étaient les bistrots d'autrefois, c'est le rôle d'une coopérative de favoriser ces échanges », indique le directeur. La coopérative a dû s'adapter à une autre réalité : le quart de ses adhérents a un second métier. Car la région se caractérise par des petites fermes : 60 % des exploitations ont moins de 100 ha de SAU. Grâce à la culture de la betterave, ces exploitations ont pu se maintenir. Mais depuis la réforme de l'OCM sucre, ces petites structures ne dégagent plus un revenu suffisant et exigent de l'agriculteur une activité extérieure. Pour la coopérative, le suivi technique est différent puisque leurs contraintes horaires ne leur permettent pas d'intervenir toujours au bon moment.
Politique de prix moyens
En général, c'est le technicien de la coopérative qui effectue seul les tours de plaine puis conseille à l'agriculteur la marche à suivre. A la coopérative de Boisseaux, le poste d'ATC n'existe pas. « Les techniciens ne sont pas rémunérés au chiffre d'a_ aires, et n'ont pas de portefeuille de clients attitrés, ce sont des conseillers culture comme le sont ceux des CETA, par exemple », souligne Patrick Durand. En fait, ils ont principalement un objectif de résultats qualitatifs pour que la marchandise expédiée aux clients meuniers et malteurs respecte bien les critères des cahiers des charges.
En ce qui concerne l'achat des céréales, la politique est basée sur le prix moyen (90 % des blés de force sont en prix moyen), mais les contrats laissent la possibilité à l'agriculteur de saisir des opportunités de marché. D'ailleurs, avec la fluctuation des prix des deux dernières années, la demande des adhérents pour des prix fermes a tendance à progresser. « Une prime traçabilité de 10 € sur les contrats peut sembler dérisoire quand des variations de prix équivalentes sont constatées en une seule journée », reconnaît Xavier Thirouin. « Nous encourageons alors l'adhérent à sécuriser son prix en travaillant sur le marché à terme », ajoute-t-il. A Boisseaux, comme ailleurs, l'effet ciseau de 2009 entre la hausse des prix de l'engrais et la baisse des cours des céréales a été difficile à gérer. « Nos coopératives ne pourront pas faire tampon indéfiniment, il faut des marchés à terme sur les engrais, sur toutes les grandes productions et des outils financiers structurés pour réduire notre risque », souhaite Patrick Durand.
Mutualisation des spécialistes
Le conseil d'administration a d'ailleurs compris, il y a longtemps, que la coopérative ne pouvait rester seule pour commercialiser ses céréales. Depuis 2000, cette mission est réalisée par l'Union Beauce Gâtinais céréales (BGC) qui réunit aussi les coopératives de Pithiviers et de Puiseaux. « La diffculté pour des petites coopératives comme les nôtres c'est de disposer des compétences dans tous les domaines. Avec l'union nous pouvons mutualiser des spécialistes pour chaque dossier complexe », précise le directeur. Michel Bartholo (Pithiviers) est chargé de la commercialisation, Xavier Thirouin de la sécurité alimentaire, Jacques Pilloy (Puiseaux) s'occupe de la réglementation et des approvisionnements. Sur ce dernier point, l'achat est réalisé via le groupement Sicapa (13 négoces et coopératives du Nord-Pas-deCalais, de Picardie et du Centre). BGC permet aussi de mutualiser le poste de responsable qualité et un poste administratif. A mi-chemin entre l'union et l'indépendance totale, Boisseaux et ses deux consoeurs ont choisi une troisième voie : celle de l'indépendance agrémentée de partenariats.
Juliette Talpin
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