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Servastpaul ne mélange pas les genres

La coopérative Servastpaul se consacre uniquement à l'appro pour comprimer avec succès ses charges et joue la proximité pour fidéliser au maximum ses adhérents.

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La coopérative de Servas-Saint-Paul appelée « Servastpaul », dans l'Ain, est le fruit d'une fusion négociée en 1983 entre les coopératives de Servas et de Saint-Paul-de-Varax et de deux rachats, ceux d'un petit négoce en 1987 et d'un site coopératif en 1992. Mais la structure n'a rien de gigantesque. Elle emploie vingt salariés et réalise 20 M€ de chiffre d'affaires. Elle ne pratique qu'un seul métier. « Acheter. Revendre. C'est plus clair que si nous avions en plus une collecte toujours aléatoire en volume, et en prix de vente, qui nécessite parfois de recourir à une péréquation. Dans notre cas, nous savons ce qui rentre et ce qui sort et ce que coûte la structure », affirme Michel Nergoux, président de la coopérative.

Elle est l'une des huit (bientôt plus que sept) coopératives d'approvisionnement actives sur le département. Une des plus efficaces aussi. Sa stratégie est pensée pour avoir des coûts bas. « Moins on a de charges, mieux on se porte », lance Michel Nergoux. La coopérative Servastpaul se targue de pratiquer une politique tarifaire unique sur toute sa zone, et de distribuer une ristourne chaque fin d'année depuis 1983. Son montant correspond à l'intégralité du résultat de l'exercice. En 2008, les adhérents se sont partagés 741 000 € et 708 000 € en 2007 répartis en intérêts sur le capital social et au prorata du chiffre d'affaires. Un tel choix de redistribution fidélise. Dans sa zone d'activité, la coopérative a un très fort taux de pénétration. Mais l'argent n'explique pas tout.

A portée de tracteur

Ce territoire entre Bresse et Dombes où l'exploitation moyenne détient 35 vaches pour 80 à 100 ha de terres, est étroitement maillé. Un adhérent est rarement à plus de 10 km de l'un des quatre dépôts. « Nous avons centralisé les tâches administratives à SaintPaul-de-Varax, mais décentralisé le service. Nous sommes à portée de tracteur. » Michel Nergoux n'a pas choisi son expression au hasard. « Nous privilégions l'enlèvement des marchandises par les adhérents eux mêmes. C'est le schéma qui domine. Il nous a évité des investissements », ajoute François Coffy, directeur, pour qui le regroupement présente un autre handicap : il consomme des hommes et des moyens. La coopérative Servastpaul a choisi de concentrer les siens sur la logistique. Ses camions sont récents et plusieurs sont polyvalents. Ils sont adaptés aux livraisons en vrac. L'aliment bien sûr, mais aussi parfois des produits plus originaux.

A 110 % de ses possibilités

Depuis 2003-2004, elle propose de livrer des produits d'hygiène de traite non plus en traditionnels bidons de 25 l, mais en grands volumes, une fois par trimestre. Les éleveurs ont été équipés avec des fûts de 120 l. Une fois vides et nettoyés, ils sont remplis depuis un conteneur chargé sur un camion. Un peu comme une station-service à domicile. Un protocole d'emploi a été établi avec Hypred, le fournisseur des produits. Il préconise un rythme de douze nettoyages avec de la lessive basique, pour deux avec de l'acide phosphorique. Les gains sont multiples : les rejets d'acide sont minorés de 60 %, le volume des emballages plastique a fondu, les éleveurs achètent leurs produits 25 % moins cher. La coopérative Servastpaul n'a pas la volonté « d'additionner les salariés spécialisés » qui au final « reviennent cher ». Elle leur préfère un personnel polyvalent. « Chacun est à 110 % de ses possibilités », concède François Coffy. Quand ils ne sont pas au volant, les chauffeurs savent également faire fonctionner la caisse. Chaque dépôt est dirigé par un technico-commercial. Il gère un portefeuille de 100 à 150 clients, intervient gratuitement pour le conseil de base, mais ne passe pas 100 % de son temps sur le terrain. Le client le retrouve aussi derrière le comptoir de vente ou le coffre de sa voiture où il vient de déposer un sac. Et, à la moisson, il organise la dépose de bennes au champ et réceptionne les remorques des adhérents.

Car chaque dépôt abrite un silo Cérégrain, du nom de la société coopérative de stockage départementale qui en est propriétaire. La coopérative Servastpaul s'occupe de leur gestion moyennant une rémunération à la tonne de grain, comme toutes les autres coopératives du département qui fonctionnent sur ce modèle depuis quarante ans. Elle embauche également des saisonniers qui font tourner deux autres silos uniquement ouverts durant la campagne.

« Chaque site propose un service adapté à sa clientèle. Rendre service, c'est la définition de la coopération », rappelle François Coffy. Et quand il le faut, la coopérative est susceptible d'offrir une alternative à son modèle aux agriculteurs qui ne désirent pas souscrire de capital social. En 1982, elle a repris Brédy, un petit négoce à côté de Servas. Elle l'a conservé. Il a réalisé l'an passé 3 M€ de chiffre d'affaires avec quatre salariés.

Intrants achetés via Ucapa

La distribution de fioul domestique représente l'une des autres grosses activités de la coopérative. Elle passe par une Sica dont elle détient 100 % des parts. Les trois quarts des volumes commercialisés sont destinés aux ruraux. Ce service ancre un peu plus la coopérative dans son territoire. « Tout en procurant des remontées pour nos adhérents », complète Michel Nergoux.

Tous les intrants agricoles sont achetés via l'Ucapa, l'union des coopératives de l'Ain. Sa centrale passe elle-même commande, depuis trois ans, auprès de l'Union Est-Agro qui a centralisé en 2007-2008 pour 325 M€ d'achats pour les principales coopératives de l'est de la France. Les différents sites disposent de cases à plat où jusqu'à 4 800 t d'engrais peuvent être stockées en vrac, une capacité qui frise l'autonomie. Pour les produits phytosanitaires, la coopérative s'appuie sur le magasin central de l'Ucapa à Belleville-sur-Saône. Chaque livraison sur Saint-Paul est immédiatement éclatée dans les dépôts qui possèdent des locaux adaptés. Sur les 12 000 t annuelles d'aliment, la coopérative en livre environ 8 000 t. L'approvisionnement reste régional. La coopérative Servastpaul travaille essentiellement avec les deux fabricants que sont le Moulin Guenard et Philicot qui produisent respectivement 250 000 t et 170 000 t par an. Les combustibles et carburants sont négociés en direct au prix du marché par François Coffy et stockés sur deux des dépôts.

Autofinancement de règle

Au détour des années 2000, la coopérative s'est choisie un nom fédérateur : Diffus'Agri. « Trente minutes de réflexion en petit comité ont suffi», raconte François Coffy. « Il nous fallait une dénomination sans connotation géographique pour que chacun puisse s'y retrouver. » Cette bannière doit flotter sur un horizon un peu plus éloigné dès le 1er janvier 2010. La coopérative de Saint-Trivier-sur-Moignans a choisi de rejoindre sa consoeur par fusion. Avec son apport, la coopérative Servastpaul va gagner 4 M€ de chiffre d'affaires supplémentaire et ses effectifs vont augmenter de cinq personnes. La stratégie qui a fait ses preuves jusqu'à présent sera poursuivie.

Un investissement de 170 000 € est en cours pour équiper le site de Saint-Trivier d'un stockage fioul. Comme depuis toujours, l'autofinancement est de règle. La coopérative n'a pas de frais financiers, seulement des produits. «En partageant le bénéfice et en menant une politique commerciale qui tient la route, nous attachons les adhérents a leur structure» , commente Francois Coffy.

Christophe Reibel

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