LA COOPÉRATIVE À LA UNE Fermes de Figeac tient à « garder les jeunes au pays »
Petite par la taille, la coopérative Fermes de Figeac met en avant son attachement au nord-ouest lotois. Son agilité lui permet de saisir, voire d’anticiper les opportunités et les diversifications pour créer de la valeur… Et « garder les jeunes au pays. C’est la priorité. »
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C’est un petit point sur le territoire. Un détail, diront certains, mais qui marque par son identité forte, son énergie. Fermes de Figeac, ce sont 650 adhérents, 211 salariés et un territoire de 80 000 hectares, soit un sixième du Lot. Le Ségala et la Limargue, pas plus. Pierre Lafragette, le président de la structure, témoigne : « Depuis que deux petites coopératives cantonales se sont alliées pour créer la Caseli, qui est l’ancêtre de Fermes de Figeac, on s’est posé tous les dix ans la question de notre taille. Fallait-il grandir et rentrer dans la massification ? On s’est dit que non, parce que sinon on perdrait notre capacité d’initiatives et de décisions. En un mot : on voulait garder les manettes. »
Sur ce territoire, « ce n’est clairement pas le potentiel agronomique des sols qui va nous différencier, reprend-il. Alors, quelles sont nos ressources si on veut garder ici des jeunes ? » L’agriculture bien sûr : ici, la polyculture-élevage est reine, en particulier l’élevage de bovins, mais aussi d’ovins, de volailles et de caprins. Mais on ne vit pas toujours bien de l’agriculture… « L’un des moments importants a été l’audit patrimonial, lancé en 1994, pour se réinterroger sur ce que nous pouvions faire de mieux, se remémore le président. On a mis les agriculteurs, les élus, les habitants du territoire autour de la table et on leur a demandé quelle était leur vision de la place de la coopérative sur ce territoire. On s’attendait à des questions de rentabilité ; les gens nous ont dit : “On veut garder les jeunes au pays. C’est la priorité.” Alors, bien sûr, il faut qu’ils gagnent leur croûte. Mais créer de la valeur est une condition, pas une finalité, cette distinction est importante. Et le revenu ne suffit pas, il faut aussi que les gens aient une vie sociale, qui ait du sens… »
« Créer de la valeur est une condition, pas une finalité »
Une SAS de l’économie sociale et solidaire
Clairement, Fermes de Figeac met en avant le fait qu’elle est une « coopérative de territoire ». Le directeur, Guillaume Dhérissard, développe : « L’agriculture, ce n’est pas simplement une production de denrée ; ça embarque aussi la question alimentaire, de l’énergie, des ressources, de l’animation culturelle… Ce n’est donc pas seulement des filières à organiser, c’est le cœur battant d’un territoire. On passe donc d’une logique de silo à une logique plus systémique. » Une dynamique qui s’est confirmée, en 2020, lorsque la coopérative est devenue une SAS de l’économie sociale et solidaire. « On garde la dimension d’une coopérative (avec la démocratie et l’impartageabilité des réserves), les agriculteurs restent majoritaires, mais on ouvre aux parties prenantes », indique le président. Ainsi, un tiers des salariés est sociétaire, de même que des entreprises filiales, des habitants, des personnes intéressées, d’autres coopératives (la Capel voisine, par exemple). « Chez nous, c’est culturel, c’est une histoire qui ne change pas avec les statuts : nous avons un lien fort avec le territoire », met en relief le président. Les partenariats se multiplient d’ailleurs, au gré des projets… Récemment, par exemple, un artiste a réalisé une résidence chez trois agriculteurs, grâce à une collaboration entre Fermes de Figeac et la Maison des arts de Cajarc.
L’alimentaire très prégnant
Autant d’actions qui permettent au directeur de dire que « la proximité, ce n’est pas seulement une question de distance ». Reste que la distance compte… Et qu’elle a pesé d’entrée. « Dans les fonts baptismaux de la création de la Caseli, en 1982, il y avait la volonté de créer un magasin par canton, pour rester proche des adhérents », se souvient Pierre Lafragette. D’où l’existence, aujourd’hui encore, de cinq magasins où les agriculteurs peuvent trouver tout ce dont ils ont besoin, mais ouvert également aux habitants. Les techniciens incarnent aussi cette proximité : « Nous avons aujourd’hui six techniciens, donc un pour 100 à 120 adhérents, se félicite Guillaume Dhérissard. C’est un accompagnement cousu main. » « Cousues main », les recettes de l’outil de fabrication d’aliments le sont également. « Les adhérents y amènent leurs céréales, à Latronquière, et on leur relivre sous forme d’aliments », explique Pierre Lafragette. L’activité machinisme et agroéquipement est mutualisée avec la Capel à travers la filiale commune Cap AQS.
Pour le grand public également, le maillage proposé par Fermes de Figeac est un vrai « plus ». Les cinq sites de proximité abritent tous un Gamm vert et l’un d’entre eux un Big Mat. « Le Gamm vert de Figeac a d’ailleurs été le premier du Sud-Ouest, en 1982 », se souvient le président. Et, dans cette enseigne, « Fermes de Figeac a pris très tôt le virage de l’alimentaire, précise le directeur. Ailleurs, il représente 20 à 30 % et le reste est pour le Lisa. Chez nous, c’est le contraire. » Notamment à Figeac et Lacapelle-Marival (moins ruraux), les rayons sont grands et extrêmement bien garnis. Et on y trouve notamment la viande des adhérents, dans la « boucherie des éleveurs », lancée en 2003 après la crise de la vache folle. « Les gens viennent ici faire leurs courses, insiste le directeur. Il n’y a pas que des produits de nos adhérents, mais nous cherchons le plus de produits locaux et qui ont du sens. » Prochainement, les trois Gamm vert ruraux devraient aussi proposer des services : retrait de colis, café, quincaillerie… Et un test de livraison de produits à domicile est même prévu. « Aujourd’hui, tout le monde fait des produits de terroir. La différenciation de nos magasins, ce n’est donc plus cela, observe Guillaume Dhérissard. Ce qu’on apporte, nous, c’est qu’ici, on achète autre chose qu’un produit, on fait partie d’une communauté, on est acteur d’un territoire. »
Solaire, méthanisation, bois…
Au-delà de cet attachement à son territoire, la multiplication des projets portés par Fermes de Figeac frappe également. Mais aussi, parfois, leur côté avant-gardiste. Prenons les énergies renouvelables. Ici, on y travaille depuis vingt ans. « On s’est dit : quelles sont nos ressources et qu’est-ce qu’on est capable d’organiser ? Parce qu’une coopérative, c’est surtout une force d’organisation pour amener de la valeur », illustre le président. Et, « ici, nous avons toutes les ressources pour les ENR ». La coop réfléchit donc tous azimuts, en associant des acteurs locaux, et abandonne l’hydraulique, mais identifie des possibilités dans le solaire, l’éolien, la méthanisation et le bois. Côté solaire, la coop accompagne ses adhérents : aujourd’hui, 180 ont des panneaux sur leurs toits. Et, désormais, Fermes de Figeac propose aussi ses compétences en photovoltaïque aux habitants de la zone. Quatre méthaniseurs collectifs ont également été créés, non sans quelques tensions locales. Le groupe a aussi participé à la création d’un parc de sept éoliennes. Enfin, il est présent dans le bois, « une ressource importante puisque les forêts couvrent 50 % du territoire ». Avec d’autres acteurs, la coop a créé une SCIC qui alimente 11 chaufferies bois. Il y a une dizaine d’années, elle avait acquis une scierie locale et elle vient de racheter France Noyer, entreprise locale spécialiste du placage décoratif. « Nous avons organisé l’aval, maintenant nous devons remonter vers l’amont, c’est-à-dire nos adhérents, qui ont tous des forêts à valoriser », précise Guillaume Dhérissard. « Ces énergies renouvelables sont en forte croissance, se félicite le président. Notre question est de bien gérer cette croissance… »
« Ici se testent d’autres chemins agricoles »
Pour les agriculteurs, de nouveaux revenus passent par le bois, l’énergie, ainsi que par la diversification. La coop les aide, notamment dans un projet de développement des plantes aromatiques et médicinales. Une filière bourrache a été créée, en attendant d’autres pistes. Sur ce projet comme sur d’autres, « nous accompagnons des groupes projets, des agriculteurs moteurs qui veulent creuser des choses », souligne le directeur. Plusieurs de ces groupes sont d’ailleurs en action autour des questions d’agroécologie et d’adaptation aux changements climatiques. « Ici se testent d’autres chemins agricoles, appuie-t-il L’idée, c’est de réfléchir de façon systémique, en partant des problématiques que connaissent les agriculteurs sur le terrain. » Fermes de Figeac s’inscrit donc dans le GIP « Transitions » lancé à ce sujet par la Région Occitanie. Mais la coopérative lotoise vient également d’être choisie par la chaire « InterActions » d’AgroParisTech pour être accompagnée sur des projets de transition. L’idée, détaille le directeur, est « d’étudier les moyens nécessaires à mettre en œuvre en matière de polyculture-élevage ». C’est la seule coopérative française à avoir été sélectionnée.
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