Login

Indemnités des administrateurs : stop au tabou

« Ce qui est certain, assure Marine Nossereau, directrice des affaires juridiques et fiscales à La Coopération agricole, c’est qu’il faut valoriser les administrateurs de façon efficace pour permettre à des jeunes agriculteurs de s’engager dans les responsabilités coopératives. »

Les indemnités des élus, qu’ils soient politiques ou économiques, font partie des fantasmes collectifs. Le secteur de la coopération agricole, qui n’y échappe pas, explore des pistes pour évaluer la juste compensation pour les services rendus. Et couper court aux polémiques.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Le sujet de l’indemnisation des administrateurs de coopératives agricoles est sensible. « Entre élus, on en parle facilement, avec les adhérents, c’est beaucoup plus difficile car ils ne se rendent pas compte du temps et de l’énergie déployés », affirme un jeune élu. Alors qu’il ne devrait y avoir aucune ambiguïté, puisque la loi est très claire. Selon l’article L.542-3 du code rural, les fonctions de membre du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou du directoire sont bénévoles. Elles n’ouvrent droit, sur justificatifs, qu’à remboursement de frais, ainsi que, le cas échéant, au paiement d’une indemnité compensatrice du temps consacré à l’administration de la coopérative dont l’assemblée générale détermine chaque année une somme globale.

Mais autant il est facile de rembourser les frais, autant il reste complexe d’évaluer l’indemnisation du temps qui n’a pas de valeur intrinsèque. Et Christian Rousseau, qui a exercé de très nombreuses responsabilités au sein de coopératives locales et dans des organisations professionnelles nationales, pose quand même la question du principe de gratuité : « Est-il bon ? Car le temps passé dans sa vie d’élu est au détriment de la performance de l’exploitation. »

1 UN PRINCIPE : L’IMPLICATION

Les élus des coopératives affichent généralement implication et vertu avec, pour la grande majorité d’entre eux, une gratuité de leur présence aux conseils. Les coopératives organisent un voyage d’études tous les deux ans, pour souder le groupe et aussi en une sorte de remerciements et de formation.

« Pour la génération précédente, la fonction d’élu n’entraînait aucune indemnité, rappelle Jean-Yves Moizant, président de Terre Atlantique. Il y avait un repas par an qui était, par tous, considéré comme une fête partagée. Aujourd’hui, même si on n’est pas administrateur pour de l’argent mais par passion et éthique, les choses ont bien changé. Nous en discutons en conseil. » Une indemnité journalière de 105 € (ou de 85 € pour une demi-journée), hors frais de déplacement, a été mise en place dans la coopérative. Une enveloppe est expliquée et votée en AG. Elle s’est élevée à 80 000 € en 2022.

2 RENFORCER LES COMPÉTENCES

Outre l’indemnité, il ne faut pas oublier que l’enveloppe doit aussi être utilisée à la formation des administrateurs. Luc Desbuquois, ancien vice-président d’Unéal, insiste sur le niveau de compétence. « Pour savoir décider, les formations sont indispensables et doivent être régulières afin de s’adapter à l’évolution de nos responsabilités. » Un équilibre est parfois difficile à trouver entre la coopérative, la vie familiale et l’exploitation. « Cette dernière est bien souvent prioritaire, en sachant que l’engagement dans la coopérative est chronophage et énergivore. En outre, il faut une bonne dose d’humilité car les remerciements sont bien rares, précise-t-il. En revanche, quel enrichissement personnel ! Cela nous apporte une ouverture d’esprit, une nécessité de se remettre en cause et un réseau de relations. »

3 FAIRE PREUVE DE TRANSPARENCE

Il y a autant de montants d’indemnités différents que de coopératives ; c’est probablement pour cela que le flou est entretenu et crée des situations de malaise. Pour autant, la grande majorité d’entre elles indemnisent à hauteur de l’absence dans la ferme, quelle que soit leur envergure. Chez Agrial, les élus travaillent pour le bien commun. Président comme simple administrateur, ils touchent, en fonction de leur présence, l’équivalent d’un salaire annuel chargé d’un ouvrier qualifié. Les indemnités des mandats extérieurs sont rapatriées à la coopérative.

Pouvoir se présenter sereinement devant les adhérents est fondamental. Alors il ne faut pas hésiter à communiquer sur le sujet, faute de quoi il restera suspicieux. Et même si parler d’argent reste tabou en France. « Je m’en suis ouvert directement avec les représentants d’un syndicat, en leur donnant le montant de mes indemnités et le temps que je passais à la coopérative, relate Jean-Baptiste Cazalé, jeune administrateur chez Euralis. Ils n’en revenaient pas et cela les a calmés. »

4 PRÉPARER LE FUTUR

Dans toutes les coopératives, le renouvellement des conseils d’administration n’est pas aisé. Une soixantaine d’entre elles a choisi le programme Atouts Jeunes pour se faciliter la tâche, d’autres créent des groupes gouvernance qui travaillent sur le futur conseil d’administration. Dans tous les cas, l’indemnisation du temps passé ressort dans les préoccupations de la nouvelle génération. Il ne faut surtout pas l’éluder, mais gérer très professionnellement le sujet. À l’Ucac, où l’on prépare une succession pour 2025, un groupe gouvernance de six jeunes agriculteurs a été créé, coaché par un vice-président. Ils demandent simplement que l’indemnisation puisse couvrir un juste équivalent du temps non passé dans l’exploitation, ce qui n’est pas le cas actuellement. Christophe Dequidt

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement