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LA COOPÉRATIVE À LA UNE Coop Agri Bio, la pionnière fière de ses valeurs

La coopérative Agri Bio, née il y a 34 ans, croit en l’avenir de la bio, contre vents et marées. La petite structure de quatre salariés tente de trouver des solutions pour faire face à la crise sans abandonner son credo : la proximité et les conseils sur mesure. Côté commercialisation, elle s’appuie sur sa participation à Agribio Union, qui rassemble six coopératives du Sud-Ouest et lui donne une « force de frappe importante de pénétration du marché agroalimentaire bio ».

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« On a gardé un esprit groupement de producteurs, où on se connaît tous, où on peut rentrer facilement au conseil d’administration, donner son avis… », assure Henri Barnabot, président de Coop Agri Bio. Cette structure a d’abord été une Cuma, née en 1985 avec 12 adhérents : « Au départ, il y avait quelques producteurs bio dans les départements du Tarn, du Gers, de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne, indique-t-il encore. Ils ont donc créé une Cuma de stockage et de triage. »

Avec un nombre d’agriculteurs en développement et la zone géographique grandissant, la coopérative a vu le jour en 1990, date de création d’un lieu de collecte, le silo de Salvagnac (Tarn). La coopérative s’est rapidement imposée comme structure experte et référente en bio dans le Sud-Ouest, à travers la création de son propre service technique d’accompagnement des producteurs bio.

Avec l’explosion de la bio dans le Sud-Ouest, Agribio Union a été créée, rassemblant progressivement, et à partir de 1999, six coopératives du Sud-Ouest : Coop Agri Bio, Arterris, Euralis, Maïsadour, Terres du Sud et Vivadour. L’union « s’occupe de la mise en marché, de la mise aux normes et de la collecte, quand les coopératives ont pour missions le suivi appro, le suivi technique et la contractualisation », détaille François Joly, le responsable productions végétales, qui fait office de directeur. « L’union a permis d’avoir des marchés, d’avoir une force de frappe hors du commun en termes de commercialisation. Et puis massifier, c’était aussi structurer, créer des filières. »

« Les filières se sont structurées en aval, donc l’union était une opportunité pour s’inscrire dans cette croissance », abonde le président. Agribio Union regroupe 1 000 agriculteurs et est aujourd’hui le premier collecteur de soja en France, le deuxième pour le tournesol. Sa collecte a triplé en cinq ans, pour s’établir à 90 000 t en 2021. De quoi répondre à de nombreux marchés puisque les produits sont vendus à des marques telles que Sojade, Alpina Savoie, Bio Planète, Carrefour bio, Provamel… L’union répond aussi à des cahiers des charges aussi divers que Naturland, Biopartenaire ou Soja d’Oc. Elle est propriétaire de quatre silos et huit autres sont « loués » aux coopératives associées.

Un recul de 20 % du CA appro

Comme l’union, la coopérative n’a pas échappé à la tourmente du bio. Un marasme que le responsable productions végétales synthétise ainsi : « Il y a d’abord eu une crise de production, avec une baisse de rendement sur les cultures d’été, notamment le soja qui a souffert de la pyrale. Et puis il y a eu une crise du marché, donc une baisse de la valeur du produit. Il y a donc eu moins de production, qui a été moins valorisée, c’est la double peine pour les agriculteurs. » Très clairement donc, « certains agriculteurs se sont déconvertis et d’autres ont mis des surfaces significatives en herbe, témoigne Henri Barnabot. Pour aider nos adhérents, on gère parfois leurs dettes, en fonction des situations. Mais c’est notre trésorerie qui en prend un coup. On en est là : gérer la crise, ménager la chèvre et le chou. »

Car la structure souffre elle aussi de cette situation : le chiffre d’affaires agrofournitures a baissé de 20 % en 2023-2024, l’union n’a pas redistribué de revenus à ses actionnaires, et il faut financer les stocks. Bref, « on n’est plus à l’équilibre, résume le président. Heureusement, on a un peu de réserves. » Il faut aussi chercher d’autres sources de revenus et faire des économies : « On a demandé des aides financières auprès de la Région. Et l’union essaye de réduire les charges, en laissant 4 ou 5 des 12 silos à l’arrêt, parce qu’on anticipe au moins 30 % de baisse de production. » L’un des deux TC va aussi faire des prestations autour de l’agroécologie, pour apporter des recettes supplémentaires.

Des productions selon les marchés

Mais « on ne veut pas aller trop loin et enlever un technicien, tranche François Joly. Sinon, ce serait affaiblir la proximité, qui est notre force. Donc on va faire un entre-deux : un peu de prestations et ne pas lâcher les producteurs. » Il faut dire que, comme l’explique le responsable productions végétales, « le bio est plus technique, les fenêtres d’intervention sont très courtes et il n’y a pas cette solution B du rattrapage par les phytos. D’où la nécessité d’un accompagnement. Il y a un accompagnement moral en période de crise, mais aussi un accompagnement lié au marché. » Ainsi, reprend le spécialiste, « on part des besoins industriels (qui nous sont donnés par l’union), que l’on traduit en quantités, et donc en hectares. Après, on essaie de voir comment ça peut correspondre en fonction des contraintes agronomiques, du travail sur la ferme. À cela s’ajoutent les obligations de rotation, l’enherbement des parcelles, les maladies. » François Joly insiste : « Maîtriser la production en bio, c’est hyper important parce que c’est un marché physique. Donc si vous n’avez pas d’acheteur, la production est déclassée. Les agriculteurs le comprennent bien aussi. »

Aujourd’hui, d’ailleurs, les industriels demandent aux producteurs d’aller encore plus loin, notamment en valorisant les pratiques culturales de l’agriculture biologique pour la biodiversité. « On est plutôt bons en matière de diversité d’arbres, d’insectes, d’oiseaux. Et la force du bio est clairement la préservation de la santé, de l’environnement, argumente François Joly. Le logo AB n’est pas assez parlant dans ce domaine pour les consommateurs. » C’est pourquoi l’union a la volonté, avec ses clients, de mieux « marketer » ces pratiques, dans l’objectif également de mieux valoriser les productions. Pour cela, Agribio Union a adhéré à l’association Pour une agriculture du vivant, qui met à disposition un outil d’évaluation des pratiques agroécologiques des fermes, l’indice de régénération, lequel « prend en compte l’eau, le sol, le climat, l’azote…, énumère-t-il. Cela permet de construire des filières spécifiques, intéressantes pour les agriculteurs. » Une filière est d’ailleurs en cours de construction entre l’union et Nutrition & Santé ; elle concernera, à l’automne prochain, une vingtaine de producteurs de soja et de tournesol, dont trois de la Coop Agri Bio. « Cela permet aussi de montrer que, dans la bio, ces facteurs-là sont bien présents », met-il en avant.

Des phares dans la tempête

Car, il faut le dire, cette coopérative, ses administrateurs comme ses salariés, sont des militants de la bio. « On tient à notre autonomie, parce qu’on défend une certaine conception du bio, avec des filières tracées, une qualité des produits sans faille », insiste le président. « On a été une des coopératives les plus présentes et les plus résilientes dans la crise, ajoute François Joly. C’est parce qu’on a tous les mêmes valeurs, on combat ensemble pour le bio, on lutte pour le maintien de la production parce qu’on est convaincus que c’est vertueux. » En période de crise, ces pionniers sont aussi des phares dans la tempête : « Depuis quelques mois, les convaincus du bio d’autres coopératives viennent vers nous, parce qu’ils se sentent délaissés et que des coops leur conseillent même de se déconvertir. » Avec cette sensation qu’« on revient au début de l’histoire : pour le bio, vous toquez chez Agri Bio », dit en souriant celui qui fait fonction de directeur.

La coop voit donc le nombre de ses adhérents croître, « ce qui est plutôt bon signe pour l’avenir ». Autre point positif : la consommation en bio semble repartir à la hausse. Dans ce contexte, Agri Bio a plusieurs cartes à jouer, selon son président : « Avec le côté familial et cet attachement historique au bio, on a une voix qui porte différemment auprès de nos filières, qui se tournent vers nous pour choisir des producteurs référents, pour voir ce qu’il est possible de faire ; et on est prêts à ça. » Sans oublier le rôle « politique », qui consiste à défendre le label, « en mettant la pression, avec la profession, pour que le bio, qui a été déréférencé en GMS, y retrouve sa place » et à demander une communication plus claire : « La bio est noyée sous les labels HVE ou sans résidus de pesticides, alors que ça n’a rien à voir, estime Henri Barnabot. Il faut qu’on soit meilleurs là-dessus et que les pouvoirs publics nous y aident. »

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