LA COOPÉRATIVE À LA UNE Bresse Mâconnais, petite mais bien outillée
C’est une structure légère d’approvisionnement qui a choisi de le rester. Située dans l’Ain, la coopérative Bresse Mâconnais privilégie la proximité avec le terrain, mais a su bien s’entourer afin de disposer de tous les outils d’une grande. Le récent investissement dans une usine de trituration répond au souhait de servir toujours mieux ses adhérents.
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C’est la raison d’être de toute société coopérative, et Bresse Mâconnais ne la perd pas de vue : « Nous sommes là pour servir nos adhérents et pas l’inverse ! », résume son président, Christophe Morel. Depuis 80 ans, la coopérative basée à Pont-de-Vaux (Ain) prend toutes ses décisions à l’aune de cette devise. Fusionner avec d’autres pour grossir ? Développer la collecte ? Tant qu’il n’y a pas d’intérêt flagrant pour les coopérateurs : c’est non. Fabriquer des aliments ? Distribuer du fuel ? Cela répond à un besoin des adhérents : c’est oui.
Rayonnant sur l’Ain et la Saône-et-Loire où elle totalise 600 adhérents, la coopérative a choisi de rester indépendante. Cela ne l’empêche pas de toucher à des productions aussi variées que la polyculture-élevage, la vigne et le maraîchage. Surtout, elle a préservé ce qu’elle considère comme son bien le plus précieux : le lien aux adhérents. « La question de la fusion s’était posée, mais aujourd’hui beaucoup d’agriculteurs nous disent que nous avons bien fait de ne pas sacrifier cette proximité », se félicite Christophe Morel. Ce polyculteur-éleveur, entré au conseil d’administration en 2016, n’a pas à rougir des choix passés et actuels : « Nous sommes peut-être la plus petite coopérative d’approvisionnement agricole de France, mais nous arrivons à distribuer des ristournes à nos adhérents ! »
Des activités diversifiées
« Bresse Mâconnais a les avantages et les inconvénients d’une structure légère », enchaîne son directeur, Thomas Aubry, qui connaît bien l’entreprise pour y avoir été technico-commercial pendant vingt ans avant d’en prendre la direction en 2020. Côté avantages : les salariés se sentent autonomes et impliqués. Et ils apprécient d’avoir peu de strates hiérarchiques à franchir pour la moindre demande. Côté inconvénients : tous les problèmes atterrissent dans le bureau du directeur… « Je vois quand même surtout des avantages, reprend celui-ci. Il y a d’abord la proximité et le contact humain, qui sont aussi importants pour les adhérents que pour les TC. Et puis la transparence : quand nous présentons nos comptes en assemblée générale, ils sont lisibles par tous. Nous avons quelques filiales mais rien de tentaculaire, et le bénéfice revient directement aux adhérents. »
L’entreprise a aussi su s’entourer pour que sa taille ne soit pas un handicap. « Nous nous sommes fédérés avec trois autres coopératives, Capdis, Jura Mont-Blanc et Diffus’Agri, au sein de l’Ucapa pour acheter nos approvisionnements en commun, explique Thomas Aubry. Et l’Ucapa adhère elle-même à la centrale d’achat Area, qui est en capacité de négocier les prix avec les firmes. Au sein de l’Ucapa, nous collaborons pour identifier les solutions les mieux adaptées à notre zone et essayer d’homogénéiser nos gammes de produits. » Cette entente leur permet aussi de se dépanner en cas de besoin et de partager des essais et retours d’expériences entre TC des quatre coopératives. L’un d’entre eux, Hervé Paquin, confirme : « Nous avons tous les produits et OAD que proposent les grandes coopératives. »
La question de développer la collecte ne s’est jamais vraiment posée. Dans l’Ain, elle était historiquement assurée par un seul organisme tandis que d’autres faisaient de l’appro. Aujourd’hui, les métiers sont moins cloisonnés. « Mais nous n’avons jamais envisagé de devenir organisme stockeur, reprend Christophe Morel. C’est un métier totalement différent, et je ne crois pas que cela ferait gagner plus d’argent à nos adhérents. » Bresse Mâconnais se contente de faire un peu de collecte en prestation de service (10 000 à 20 000 t) et gérer trois silos pour le compte d’Oxyane.
Même si l’appro est resté son cœur de métier, elle a diversifié ses activités. D’abord avec les magasins grand public qui sont venus jouxter les quatre dépôts. Ils sont fédérés au sein de la coopérative de consommation Les bords de Saône. Trois sont sous enseigne Gamm vert ; le quatrième a pour enseigne Les jardiniers du Val de Saône.
Plus tard est venue la distribution de fuel. En 2004, Bresse Mâconnais s’associe à 50-50 avec sa voisine Capdis pour racheter un commerce de fuel. « Le but était d’abord de fournir nos adhérents », rappelle Thomas Aubry. Aujourd’hui, la filiale Bresse fuel distribution livre près de 7 000 m3 par an.
Le pari du tourteau local
En 2011, la coopérative ajoute une nouvelle corde à son arc en se lançant dans la nutrition animale. Détenue à 33 % par Bresse Mâconnais et 66 % par Capdis, l’Usine Bresse Revermont Saône (UBRS) fabrique annuellement 12 000 t de mash, destiné essentiellement aux éleveurs bovins. À la quarantaine de « recettes » standards s’ajoute la possibilité de fabriquer un aliment à la carte. Pour approvisionner l’usine, « les céréales sont achetées aux adhérents par Capdis, ou travaillées à façon pour le compte des agriculteurs, détaille Thomas Aubry. Les autres matières premières, comme les minéraux, tourteaux et drêches, sont achetées sur le marché. Jusqu’à cette année, les tourteaux étaient importés à 75 %. C’est pour diminuer ces importations que nous avons construit l’usine de trituration Nutralp. »
Après trois ans de gestation, Nutralp a trituré ses premières graines de colza, soja et tournesol en février dernier. Désormais, elle tourne 24 h/24 en mobilisant sept salariés. Elle est détenue à parts égales par Bresse Mâconnais, Capdis et Jura Mont-Blanc. « Nous n’aurions pas pu investir seuls dans un tel projet, confie Thomas Aubry, également directeur de Nutralp. Nous sommes complémentaires : Jura Mont-Blanc a d’importants besoins en tourteaux non OGM pour les filières laitières sous signe de qualité, mais a peu de producteurs de grains sur sa zone… C’est l’inverse chez nous. » Installée à Bâgé-Dommartin à côté d’UBRS, l’usine est calibrée pour triturer 15 000 t de grains par an et dotée d’une capacité de stockage de 8 300 t. Le site se prévaut d’un impact environnemental réduit grâce à l’isolation des silos et au recyclage de l’eau, de la chaleur et des poussières. L’investissement de près de 15 M€ a été allégé par les aides du plan France Relance, du Département et de la Région.
« Nous visons 9 à 10 M€ de chiffre d’affaires, qui sera principalement généré par la vente d’huile, reprend Thomas Aubry. Mais c’est pour le tourteau que nous l’avons construite : il permettra d’approvisionner notre usine d’aliment et celle de Jura Mont-Blanc. Une entreprise privée n’aurait sans doute pas fait cet investissement car sa rentabilité se fera sur plusieurs décennies… Mais une coopérative se gère sur le temps long. Notre conseil d’administration n’exige pas une croissance annuelle à deux chiffres, mais un service de qualité aux adhérents. Et tout le monde est convaincu que ce sera une bonne chose pour l’agriculture locale d’être plus autonome dans la production d’aliments. »
Davantage de soja
Malgré la prise de risque que représente un tel investissement, « le conseil d’administration et l’ensemble des agriculteurs ont massivement soutenu le projet », souligne le président, Christophe Morel. Reste à sécuriser les surfaces pour faire tourner l’outil, en interne si possible. Le soja est particulièrement recherché pour sa haute teneur en protéines, mais le fait de triturer trois graines offre assez de souplesse pour supporter des aléas de production. Agréée organisme stockeur, Nutralp achète les grains directement aux agriculteurs. Beaucoup d’entre eux ont augmenté leurs emblavements de soja depuis deux ans. « Cela s’explique en partie par la volonté de diversifier les cultures pour des raisons agronomiques et de réduire les apports d’azote face à la flambée des cours, admet Thomas Aubry. Mais la construction de Nutralp a aussi incité les adhérents à faire davantage de soja : ils se sont sentis vraiment investis dans ce projet. »
Après un projet de cette ampleur, il est nécessaire de lever le pied quelque temps sur les investissements. « Nous ne manquons pas d’idées, mais nous avançons pas à pas », sourit-il. Un prochain investissement pourrait viser à l’amélioration de l’outil UBRS. Et le site accueillant Nutralp est prévu pour pouvoir doubler la capacité de l’usine à moyen terme. Tout dépendra des besoins exprimés par le terrain. Car « l’esprit Bresse Mâconnais, c’est d’être au plus proche des adhérents », rappelle son président.
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