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LE NÉGOCE À LA UNE Agriconomie, la start-up devenue grande

Agriconomie, fondée par Paolin Pascot (à g.), Clément Le Fournis (à dr.) et Dinh Nguyen, fêtera ses dix ans au début de cette année.

En dix ans d’existence, la plateforme d’achats en ligne a dépassé les 100 M€ de chiffre d’affaires. Avec une mécanique bien huilée, elle part à la conquête de l’Europe. En France, outre des bureaux en région, Agriconomie, désormais adhérente à la FNA, va déployer une équipe de technico-commerciaux.

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Début 2024, Agriconomie, fondée par Clément Le Fournis, Dinh Nguyen et Paolin Pascot, fêtera ses dix ans. La start-up a bien grandi : elle affiche en 2022-2023 un chiffre d’affaires de 108 M€, avec plus de 150 collaborateurs et une activité dans quatre pays. Pour l’exercice 2023-2024, elle vise 150 M€. Si son siège est à Coole, dans la Marne, le centre névralgique est au Kremlin-Bicêtre, en banlieue sud de Paris. L’animation qui y règne témoigne de la croissance de l’entreprise. Chaque espace est optimisé : les recrutements s’enchaînent, il faut loger tout le monde. « Nous avons intégré 50 personnes en 2023, témoigne Jim Ramos, directeur des ressources humaines. Et nous avons prévu une trentaine de recrutements en 2024, sans compter l’Espagne. » Car Agriconomie se décline aussi en Agriqo.es, Agriconomie.be, et Agriconomie.de. Un bureau a été ouvert en septembre 2022 à Würzburg, en Allemagne, et à Vitoria-Gasteiz, en Espagne, en décembre 2023.

En France, l’entreprise a racheté en 2023 Larecolte.fr. Souvent qualifiée d'« Amazon de l’agriculture », l’entreprise a pourtant un modèle différent. Chez Agriconomie, pas de place de marché (système dans lequel les partenaires facturent les produits vendus eux-mêmes) : la plate-forme en ligne fonctionne à 100 % en achat-revente. Si en 2016, les trois cofondateurs revendiquaient 60 % de place de marché, « on a décidé d’arrêter en 2017, car le marché n’était pas forcément prêt. Et cela nous permet de gérer le service client comme on le souhaite », explique Clément Le Fournis, DG d’Agriconomie.

Des marques d’appro en propre

En pratique, quand un agriculteur se connecte sur Agriconomie, il a accès à une multitude de produits : engrais, phytos, semences, alimentation animale, pièces détachées… Ce négoce atypique a sa propre marque d’engrais foliaires, Fertigo Pro, produits par des industriels. Une gamme propre en semences, Semengo, a été lancée en juin dernier, et Nutrigo, pour la nutrition animale, est en cours de lancement. L’entreprise chiffre à 150 000 les producteurs clients ayant déjà acheté chez elle. « Depuis environ trois ans, on essaye au maximum d’avoir un interlocuteur unique pour l’agriculteur. Il y a un réel attachement entre le commercial et le client, et on fait tout pour le développer », explique François Lafficher, directeur de région Centre-Nord-Sud. Ainsi les clients grands comptes ont leur commercial attitré. Chacun suit 250 à 300 agriculteurs. « La volumétrie est importante car nos commerciaux ne passent pas de temps en voiture, justifie-t-il. La force de nos commerciaux, c’est de connaître les clients, le marché, et on est très réactifs ».

Une politique qui, visiblement, paye : « Nous avons 95 % de fidélité sur nos meilleurs clients », annonce Clément Le Fournis. Quant aux autres clients, ils sont contactés au moment estimé le plus judicieux. Avec 150 000 agriculteurs référencés, « on n’est pas assez, reconnaît François Lafficher. Notre plus grand frein actuellement, c’est notre capacité à contacter les clients. » Pas de prospection par téléphone : « L’acquisition se fait par les salons, le référencement internet par exemple », indique-t-il. En 2023, Agriconomie était présent sur huit salons, dont, pour la première fois, le Sitevi, salon viti-vinicole à Montpellier. Sur le site internet, un onglet viticulture a d’ailleurs fait son apparition.

Recrutement en cours de 15 TC

Pour le recrutement des commerciaux, « on essaye d’avoir une mixité sur les profils », explique François Lafficher, entre agricole, commerce et digital. Après une phase de test, Agriconomie lance le recrutement de 15 technico-commerciaux. « On a quasiment 100 % des agriculteurs qui sont dans notre base, mais beaucoup sont engagés à 10 % avec nous. Avec la poignée de main, on veut aller plus loin », indique Clément Le Fournis. Les profils recherchés sont plutôt expérimentés, et ouverts au digital. Actuellement, les équipes sont jeunes : la moyenne d’âge est de 30 ans, avec un turn-over de 2,9 ans.

En fonction du délai de livraison choisi par l’agriculteur, de sa localisation et de la disponibilité du produit dans les entrepôts, un transporteur est choisi. Agriconomie ne fonctionne qu’avec des prestataires, avec trois dépôts en France. Celui de Camphin-en-Carembault (Nord) est chez XPO Distribution. À Marquion (Pas-de-Calais), il s’agit d’un entrepôt de débord chez De Sangosse pour les produits phytos. Quant à Saint-Martin-sur-le-Pré (Marne), il est ouvert seulement pour la campagne semences de céréales à paille. « En 2024, notre objectif est de trouver un nouvel entrepôt Seveso avec une plus grosse capacité de stockage », prévoit Aubrey Léonard, responsable logistique. La zone prospectée est le sud de Paris, « barycentre de notre activité ».

Financement jusqu’à 9 mois

Plusieurs solutions de financement sont disponibles. Soit à la commande, par prélèvement Sepa à la livraison, soit à 60 jours ou à 6 à 9 mois. « Le service de paiement que nous proposons à 60 jours coûte 15 € de frais de dossier », explique Antoine Mellin, le responsable du service client. Quant au financement plus longue durée, « c’est un partenariat récent », ajoute le responsable du service client, proposé depuis l’automne. Agriconomie s’est adossé à un prestataire bancaire, avec étude du dossier en 24 h. Le taux est de 7 %, partagé à 50/50 par Agriconomie et l’agriculteur. « L’an dernier, nous avons fait 30 M€ en délai de paiement 60 jours, sur 100 M€ de CA, illustre-t-il. On se doit d’aider les agriculteurs, d’être compréhensifs. » C’est aussi son service qui s’occupe du recouvrement. « On est concentrés sur la création de valeur pour l’agriculteur, sur comment lui simplifier la vie, lui faire gagner du temps, de l’argent », appuie Paolin Pascot, président d’Agriconomie, qui y voit la clé du succès.

L’entreprise annonce être rentable en France. Elle a réalisé depuis son lancement trois levées de fonds, dont la dernière pour un montant record de 60 M€. Sont actuellement au capital des fonds d’investissement français, anglais, américain et singapourien : sur la répartition, Clément Le Fournis ne souhaite pas donner plus de détails. Les cofondateurs se sont entourés d’un conseil stratégique, composé de ténors de leur secteur : Didier Thierry, ex-DG de Soufflet Agriculture, Philippe de Chanville, cofondateur et codirigeant de ManoMano, spécialiste des achats en ligne de bricolage, et Pierre-André de Chalendar, président de Saint-Gobain, groupe de matériaux de construction. « C’est un vrai plus pour Agriconomie, met en avant Clément Le Fournis. Ils nous challengent, regardent notre stratégie. »

Des services pour les fournisseurs

L’entreprise ambitionne de devenir d’ici 2030 le leader européen de la distribution. Un plus grand entrepôt va être ouvert en Allemagne. En Espagne, où il n’y a actuellement qu’un bureau, une réflexion est aussi lancée. La Belgique est facilement desservie par le site près de Lille, comme une partie de l’Allemagne. Quant à l’Italie, « nous avons réduit la voilure », explique Clément Le Fournis, pour nous concentrer sur l’Allemagne et l’Espagne. Outre-Rhin, l’entreprise vise 15 à 20 M€ de CA sur l’exercice 2023-2024, contre 1 M€ actuellement. Pour accélérer sa croissance, elle a racheté en 2023 les actifs d’Agrando, acteur de la vente en ligne allemand. Une partie des effectifs sont passés chez Agriconomie, qui a récupéré notamment les bases de données. En Espagne, l’objectif est de 5 à 10 M€.

Outre des produits pour les agriculteurs, l’entreprise propose des services aux fournisseurs : études de marché, rédaction de contenu, emailing… « C’est une activité totalement à part, séparée de la vente », appuie Clément Le Fournis. Forte de son expérience sur la vente en ligne, Agriconomie a mis en place une offre de sites internet en marque blanche. Trois clients de la distribution agricole, dont les noms sont tus, y ont souscrit. « Chez notre premier client, la solution a permis une croissance de 5 % du chiffre d’affaires par TC », vante Clément Le Fournis. Avec entre 300 000 et 350 000 visiteurs uniques sur le site français par mois, Agriconomie est devenue en dix ans un acteur incontournable. Adhérente à la Fédération du négoce agricole depuis septembre 2023, elle sera bientôt dotée d’un maillage de TC : Amazon semble loin, mais à l’instar du géant de la tech, elle a su se faire une place, avec un nouveau modèle.

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