Dans un contexte de crises agricoles Affiner sa stratégie d'entreprise pour mieux rebondir
Année 2016 particulièrement difficile, accroissement de la concurrence, dilemme entre le local et le global... Il est important de savoir se remettre en cause et d'adapter sa stratégie d'entreprise. Zoom sur quelques techniques pour avancer.
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Face à un contexte externe changeant, pas simple de tenir le cap ! Xavier Hollandts, enseignant chercheur à Kedge BS, prévient : « Une stratégie, c'est un regard sur le moyen terme, cinq-dix ans. Les effets ne se feront pas sentir avant deux ans. Il n'y a pas de raison de la modifier, sauf changement majeur de l'environnement : un nouvel acteur important sur le marché, une réforme de la Pac, la fusion avec une autre coop... Néanmoins, la stratégie demande à être examinée régulièrement. Pour cela il faut s'appuyer sur des tableaux de bord, afin de savoir si on est toujours en adéquation avec les objectifs initiaux. Si une inflexion stratégique est nécessaire cela requiert une certaine agilité pour réagir et les entreprises sont inégalement armées face à cela. »
Une construction partagée
Comme une multiplicité d'acteurs sont impliqués (conseil d'administration pour la coop, agriculteurs, direction, salariés), une certaine inertie peut se dégager... Il faut alors trouver une méthode pour un ajustement réactif. Limagrain qui regroupe 1 000 adhérents actifs et 10 000 salariés dans plusieurs pays, un des leaders mondiaux des semences, a élaboré un processus en continu. Daniel Chéron, ancien DG parti à la retraite en 2016, l'a pratiqué pendant une vingtaine d'années. « Tous les ans, nous actualisons notre plan à moyen terme. C'est une sorte de "plan roulant". Les principales filiales remontent leur vision à trois ans, puis nous la consolidons au sein du groupe. Nous effectuons ensuite un séminaire de trois jours avec le comité de direction, puis avec le bureau, puis avec le conseil d'administration. Cette démarche pas à pas permet de valider chaque étape. Lorsqu'il y a une décision à prendre, pour une acquisition externe par exemple, elle s'effectue très rapidement car les bases sont solides. »
Evaluer le conseil d'administration
Le conseil d'administration de la coop joue un rôle central. Le recrutement de jeunes administrateurs et la féminisation du conseil apportent un regard neuf. De plus en plus d'entreprises évaluent leur conseil d'administration, Que faut-il évaluer ? Cela peut être : le rôle de l'administrateur, les besoins en informations et formations, l'équilibre entre sujets stratégiques et opérationnels, l'organisation des débats, le processus de prise de décisions, l'interaction avec le bureau ou avec les autres adhérents. L'évaluation peut se limiter à une discussion inscrite à l'ordre du jour ou bien s'effectuer sous forme d'autoévaluation interne s'appuyant sur un questionnaire. Un intervenant externe peut aussi aider à identifier des axes d'amélioration. Les rencontres avec les adhérents peuvent aussi être une mine d'information pour avancer. Encore faut-il savoir les mobiliser et les impliquer. Limagrain a structuré des « clubs de progrès » sur un sujet, par exemple, la recherche sur le blé. Les agriculteurs effectuent des formations, des voyages à l'étranger pour mieux connaître ce sujet. Une fois par an, les clubs restituent leurs actions à tous les adhérents. Enfin, les salariés, dont le rôle est de mettre en oeuvre la stratégie, peuvent également être impliqués dans la gouvernance.
Des méthodes pour innover
Une fois la méthode déterminée, reste à s'attaquer au contenu de la stratégie. De plus en plus d'entreprises fonctionnent en mode « start-up » et tentent de sortir des sentiers battus. Certaines appliquent par exemple les principes de la stratégie « Océan bleu », c'est-à-dire cessez d'entrer en compétition, en affrontement avec les concurrents, en créant de nouveaux espaces stratégiques. Olivier Bidaut, gérant du négoce Asel, basé à Monceau-le-Waast (Aisne), a ainsi revu la stratégie de l'entreprise lorsqu'il l'a reprise en 2000. « J'ai tout misé sur le service, pur et dur, et non sur les prix. Nous proposons trois niveaux de prix en fonction du niveau de service. » Dix-sept ans plus tard, le chiffre d'affaires d'Asel a été multiplié par dix.
D'autres entreprises réalisent une cartographie des risques liés à leur stratégie, choisissent de développer leur « responsabilité sociale » (RSE) en intégrant leurs parties prenantes, ou appliquent le « Design thinking », un processus exploratoire centré sur les besoins du client. C'est le cas de Savéol, qui produit des tomates. La coopérative bretonne a su imposer sa marque dans les rayons de fruits et légumes grâce à deux ou trois innovations produits par an. Aujourd'hui, elle sort des grandes surfaces et vise la restauration rapide et le snaking. « Les méthodes Océan bleu ou Design thinking aident à structurer la réflexion. Mais l'innovation c'est aussi du bon sens. Le principal est de s'ouvrir à d'autres secteurs et de s'enrichir des expériences des autres », conclut Cécile Anduru, animatrice de l'Institut de la coopération agricole et conseillère en formation.
Aude Richard
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