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VU À L'ÉTRANGER Ruée sur les distributeurs et collecteurs australiens

En Australie, la distribution très concentrée, avec deux entreprises leaders, est menacée par les Chinois. Et le Canada perce dans le négoce des grains.

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La distribution est présente dans les zones cultivées, essentiellement sur la côte est et le sud-ouest de l'Australie, avec des dépôts, quelques silos et des bunkers (trous où l'on stocke le blé et l'orge). La politique des entreprises a été de favoriser le stockage à la ferme. Le secteur est très concentré puisque 50 % du marché de l'appro et de la collecte est aux mains de deux sociétés privées, Landmark (30 %) qui appartient à l'Australian Wheat Board (AWD) et Elders (20 %). A elles deux, elles ont 650 points de vente sur les 1 500. Le reste est dilué dans de nombreux petits opérateurs locaux qui, pour la plupart, achètent en commun dans trois groupements CRT (40 entreprises), IHD (25 spécialisés en fruits et légumes) et NRI (50 entreprises qui font à la fois des intrants et des magasins verts).

Les coopératives fragilisées

Le mouvement coopératif a considérablement diminué pour se restreindre, en céréales, à deux opérateurs significatifs, alors qu'il a gardé des positions majoritaires en lait, légumes et sucre. " Avec les sécheresses (six sur les dix dernières années), et les très fortes variations de production, beaucoup de distributeurs ont déposé le bilan dont quelques coopératives, note Helen MacCall, Executive Officer de l'association des coopératives de New South Wales. L'impact a été très fort et les agriculteurs ont perdu confiance dans le système mutualiste. " Ian MacAulay, président de la coop laitière Murray Gaulburn, est encore plus explicite : " Si nos adhérents ne viennent pas retirer leur capital, nous pourrons tenir. "

L'enjeu principal des distributeurs australiens reste la conquête de parts de marché. " Il y a encore trop d'opérateurs et Landmark et Elders ont bien l'intention de poursuivre leur développement. Dans un marché en baisse, aussi bien sur les fertilisants que sur les produits phytos, les leaders sont en position de force ", soutient Adam Phelan, responsable marketing de Farmoz, filiale australienne de Makhteshim. Et d'alerter : " Les distributeurs doivent faire face à une nouvelle concurrence. Ils se méfient beaucoup du dumping des chinois qui vont proposer des appros directement aux grosses structures à des prix incroyables. Si le mouvement devait s'amplifier, l'ensemble des entreprises serait en danger. "

Facturation des services

" Pour rester dans la course, ils nous faut être innovant dans nos offres, précise Chris Enright, président de la coopérative Mont Barker à l'est du pays. L'équation entre le revenu des agriculteurs et le montant de leurs charges est très compliquée, voire insoluble, dans un pays où il n'existe pas de soutien à la production. Si nous voulons gagner un peu d'argent, dans un marché où les productions évoluent du simple au double en fonction de la sécheresse, cela passe par un développement des services offerts aux agriculteurs et par une facturation de ces services. " Il existe d'ailleurs, comme en Grande-Bretagne, un marché des consultants privés qui vendent, à la fois, un suivi agronomique des fermes et leur gestion. Aujourd'hui, il ne représente que 15 % du volume mais il est en constante progression. Ian MacLeod, le président de l'association qui regroupe l'ensemble des conseillers privés, confirme : " Les grosses structures d'exploitation sont de plus en plus intéressées par un conseil personnalisé et privé. Le marché repose sur beaucoup de génériques, ce qui ne facilite pas la différenciation entre prix du produit et services pour les distributeurs. Nous nous occupons de l'achat, de l'agronomie et de la valorisation des productions. Notre principale difficulté est que les fermes, de part leurs tailles, sont très isolées et distantes, les unes des autres. "

Côté environnement, les choses se présentent plutôt bien pour les agriculteurs et leurs distributeurs. " Nous n'avons pas, comme en Europe, une pression des pouvoirs publics sur les engrais et les phytos. Elle commence cependant à exister, surtout sur la préservation de l'eau, précise Adam Phelan. La seule vraie réglementation contraignante pour l'instant est une certification, sorte de permis, que doivent passer les agriculteurs pour pouvoir utiliser leur pulvérisateur, et dont la durée est de cinq ans. "

Fin du monopole à l'export

Côté productions agricoles, L'Australie en exporte près de 80 %, la grande majorité en matières premières brutes, mais aussi en produits transformés (malt, farine ou fromage). L'Australian Wheat Board, qui fut une entreprise publique jusqu'en 1999, avant d'être privatisée et cotée en bourse, avait le monopole des exportations du blé australien jusqu'en août 2008. Cette libéralisation a entraîné bien des convoitises des multinationales. Ainsi, lors des derniers mois, le mouvement s'est accéléré. En septembre 2009, la société Australian Barley Board, leader dans la production et l'exportation de malt et d'orge, s'est fait racheter par le canadien Viterra et fin 2010, c'est au tour de l'AWB d'être achetée par le canadien Agrium, au nez et à la barbe de Graincorp qui avait tenté une OPA amicale en juillet 2010. Dans le lait, Sumitomo a racheté plusieurs intervenants importants, dans la mesure où le fromage australien est très présent au Japon. " Quand s'arrêtera-t-on ? Nos politiques sont totalement inconscients, s'exclame Jim Sneesby, président de la plus grosse coopérative sucrière. Nous sommes en train de brader nos entreprises agricoles et agroalimentaires. Demain, avec la désaffection des jeunes pour le métier d'agriculteurs, ce sera le tour de nos terres d'être rachetées par des étrangers. "

Christophe Dequidt

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