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Lustucru crée une filière blé dur de Normandie

Clémentine Aujay avec Bernard Skalli (à g.), en compagnie notamment des agriculteurs partenaires de la ferme de la Villedieu, dans l’Eure.

Le spécialiste français des pâtes ambitionne de relocaliser ses approvisionnements en circuit court autour de son moulin situé à Rouen. En partenariat avec la coopérative NatUp et 20 producteurs impliqués, il a collecté en 2020 la première récolte de blé dur de Normandie.

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Créer une filière de blé dur en circuit court en dehors du bassin historique de production pour pouvoir se garantir un approvisionnement en local. C’est ce qu’est en train de réaliser le semoulier-pastier français Lustucru (groupe Pastacorp), dont le moulin est basé à Rouen, en Seine-Maritime. Ainsi en 2020, la marque au damier bleu a pu collecter auprès d’une vingtaine de producteurs engagés par l’intermédiaire de son partenaire NatUp, une première moisson de blé dur de Normandie.

« Cette année, nous avons pu réellement tester la filière à grande échelle. Mais notre volonté est de faire monter en puissance cette filière et d’accroître petit à petit la part des blés normands dans nos fabrications », souligne Clémentine Aujay, la responsable marketing du groupe. Le volume total qui serait concerné à terme est encore tenu secret par Pastacorp. Toutefois, selon nos estimations, le projet pourrait concerner à son terme au bas mot plusieurs milliers d’hectares. Le territoire de l’Eure semble particulièrement propice. Des essais y avaient déjà été menés en 2019. D’après les chiffres de France­AgriMer, la production normande de blé dur a dépassé les 1 000 ha et connaît chaque année une croissance à deux chiffres.

Des pionniers

Pour parvenir à ses ambitions, la marque s’appuie sur les compétences de son partenaire coopératif. « En effet, le blé dur est une culture nouvelle pour de nombreux agriculteurs du secteur. Nous faisons figure de pionniers. Il y a tous les itinéraires culturaux à caler et à mettre en place. Pour les agriculteurs, ce sont de nouveaux savoir-faire à créer et à acquérir. Et tout cela va bien plus vite si on avance collectivement par l’intermédiaire d’une coopérative comme NatUp, qui a déjà des compétences solides pour faire émerger de nouvelles filières végétales », appuie Clémentine Aujay.

Pour convaincre les agriculteurs de se lancer dans cette filière pionnière, Lustucru garantit un prix fixe (tenu secret) sur trois ans, et supérieur au prix du marché du blé dur conventionnel de référence. « Après avoir rencontré beaucoup d’agriculteurs, il nous est apparu que la sécurisation d’un prix était quelque chose de très important qui peut même aider des jeunes à s’installer et à consolider leur projet. D’autant plus qu’il y a un vrai risque de tester une variété nouvelle. Le prix sur lequel nous nous sommes mis d’accord intègre ce paramètre. » De leur côté, les agriculteurs s’engagent pour trois ans sur un emblavement minimum en blé dur. Ils doivent respecter le cahier des charges, mais ils n’ont pas d’obligation de volumes. Pastacorp, en revanche, s’engage à acheter une quantité minimale. Selon ses besoins, le groupe est prioritaire pour acheter les volumes excédentaires éventuels collectés.

Un contrat tripartite

Les contrats sont tripartites. C’est la coopérative qui fait l’intermédiaire entre le semoulier et les agriculteurs. L’adoption d’une forme contractuelle sur la production doit permettre également au semoulier de pouvoir assurer à terme une traçabilité jusqu’à la parcelle.

Le cahier des charges a été mis au point en partenariat avec NatUp. Des distances maximales au moulin de Rouen doivent être respectées et un périmètre bien précis a été délimité pour la mise en place des emblavements. Les variétés sont aussi inscrites dans le cahier des charges et correspondent à des cultivars adaptés à la région Normandie. Pastacorp recherche une coloration « dorée » pour ses blés durs qui constitue une vraie marque de fabrique de l’entreprise. Cela se traduit pour le consommateur par une couleur également dorée du produit fini. Le taux de protéine fait aussi partie des critères sélectionnés par le fabricant et qui joue sur la fermeté des pâtes.

« La sélection des meilleurs blés pour la fabrication des pâtes fait partie des savoir-faire de l’entreprise qui se transmettent de génération en génération depuis la création du moulin de Rouen, il y a de cela soixante-cinq ans. Aujourd’hui encore, c’est le président du groupe, Bernard Skalli, qui s’occupe de l’approvisionnement en blé. Il fait partie de la quatrième génération à la tête de l’entreprise, constate Clémentine Aujay. Actuellement, nous mettons sur pied une filière de blé dur de Normandie. Mais cela fait des années que notre approvisionnement est 100 % français pour le blé dur, mis à part pour le bio en raison du manque de matière première. »

Les œufs aussi

L’entreprise relocalise aussi son approvisionnement en œufs autour de son site de fabrication dans l’Oise, grâce à 26 élevages partenaires de poules élevées en plein air situés dans les Hauts-de-France. « Nous sommes une PME familiale d’environ 200 collaborateurs. Et c’est bien parce que nous sommes un acteur de taille moyenne sur le marché, à taille humaine, et parce que nous sommes ancrés sur notre territoire, que nous pouvons prendre les directions que nous prenons aujourd’hui, estime la responsable marketing. Notre relative petite taille nous permet aujourd’hui de faire des choses que les autres ne peuvent pas faire et de nous différencier sur nos valeurs. »

Alexis Dufumier

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