VU À L'ÉTRANGER Vendre la French Touch alimentaire en Arabie Saoudite
Fini le rêve d'autosuffisance alimentaire, l'Arabie Saoudite revient aux dures réalités économiques avec un champ du possible pour les entreprises françaises.
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« Dans les années quatre-vingt, quand feu le roi Abdallah a décrété l'autosuffisance alimentaire, l'Arabie Saoudite a connu un élan extraordinaire pour les productions agricoles », s'enthousiasme Abdulaziz Ibrahim Al Noghaither, secrétaire général de la Saudi Food Bank. En moins de trois décennies, la surface agricole utile est passée de 0,4 à 1,6 Mha, avec une production allant jusqu'à 4 Mt de blé, soit le double nécessaire pour la consommation intérieure. Le pays a même exporté vers ses proches voisins africains.
L'autosuffisance acquise en trente ans n'a pourtant été qu'éphémère. A partir de la crise alimentaire de 2008 qui avait fait exploser les prix des cours mondiaux, et le coût induit par les achats massifs effectués alors par Riyad pour pallier tout risque de crise alimentaire, le royaume s'est résolu à renoncer à son projet de produire la totalité du blé et autres céréales pour se nourrir, notamment à cause du manque d'eau. Le pays est passé, pour ses besoins en blé, de la situation d'exportateur à celle de dépendance totale aux importations.
Fortune diverse pour les produits français
« Tout cela est bien terminé. Trop cher, trop demandeur en eau, trop en contradiction avec le développement durable », confirme Achlem Al-Jaafari, relations publiques pour Arasco, l'un des leaders de l'agroalimentaire. « La dernière saison de culture de céréales à paille sur les grands ronds irrigués dans le désert, dont les images ont fait le tour du monde, a eu lieu en 2015. » Le blé a été remplacé provisoirement et sur une sole plus restreinte, par de la luzerne... jusqu'au terme annoncé en 2018. De bonnes nouvelles pour les exportateurs français, même si pour le blé, l'accès aux 2,5 Mt d'importation semble difficile à atteindre actuellement avec les cahiers des charges demandés par les Saoudiens. Mais il reste un champ du possible important pour l'orge, la luzerne, l'aviculture, les produits laitiers et les légumes.
« 80 % de la consommation saoudienne provient de produits importés, précise Achlem Al-Jaafari. Le pays vit dans la crainte permanente d'une pénurie alimentaire car trop dépendant de ses importations. » Pour rassurer les 30 millions d'habitants du pays, des mesures ont été prises dès 2008 pour aller produire ailleurs, d'autant plus que les besoins sont croissants. Wilfrid Fousse de l'ambassade de France confirme que la demande va se développer avec la hausse de la démographie et un pouvoir d'achat qui reste important. « Les acheteurs saoudiens agissent beaucoup par opportunité. Le prix est l'élément majeur sur les commodities. Ils achètent sans véritable fidélité. » Des propos confirmés par Gilles Kindelberger, directeur général de Sénalia : « Avec les Jordaniens, les Saoudiens sont les acteurs majeurs sur le marché de l'orge fourragère de façon récurrente. Depuis quelques années, ils sont acheteurs dès juillet et nous contactent avec des appels d'offres importants, que les Russes et Ukrainiens finissent par décrocher après d'âpres négociations. Malheureusement nous passons derrière, comme cette année où par pure opportunité, nous avons réussi à faire quelques bateaux à Rouen, La Pallice ou Dunkerque. » Il rêve d'ailleurs d'une meilleure stabilité de ce marché à destination de Djeddah qui lui permettrait de libérer rapidement les silos pour favoriser les capacités de stockage de blé à l'export vers d'autres destinations.
Jouer la carte traçabilité
Si la qualité est un frein sur les céréales, il y a d'autres secteurs où la France tire son épingle du jeu. Chez Carrefour, l'équipe est très attentive à l'évolution des habitudes alimentaires. Sur ce marché haut de gamme, la confiance des consommateurs dans la qualité sanitaire des produits est importante. La France est considérée comme fiable avec un petit plus grâce à notre art de vivre et de la table. « Le bio se développe à grande vitesse mais aussi les aliments sans gluten, confie Jean-Christophe Voynet, responsable des achats pour la région. La France a une belle carte à jouer car nos productions sont considérées comme étant de qualité, saines et surtout régulières. Les filières de traçabilité mises en place jouent pleinement leur effet confiance. Par exemple, je suis en rupture de stocks sur le lait bio français, car nous n'en produisons pas assez en France. La consommatrice achète notre lait, même s'il coûte le double, voire plus, car il est meilleur en goût et en qualité que celui produit localement dans les immenses fermes d'Almarai, Nadec ou Al Safi. » D'autres initiatives ont aussi été couronnées de succès comme celles sur le fromage ou encore l'oeuf français. « Lorsque l'on voit un jaune d'oeuf arrivant de France et celui produit sur place, il n'y a pas photo », sourit Jean-Christophe Voynet.
Autre rayon où le responsable des achats trouve un développement intéressant, celui de la boulangerie. « Les Saoudiens apprécient notre baguette et nos pâtisseries, plutôt que leur pain plat subventionné. Nous sommes en train de refaire complètement notre atelier boulangerie sur le point de vente de Riyad qui dessert sept magasins. » La prochaine étape est de remplacer la farine qui vient du Qatar par de la farine française tracée faite dans un moulin bio en Bretagne. « Nous apportons notre savoir-faire. Les salariés ont été formés à faire du pain qui ressemble en tout à celui que l'on trouve dans nos boulangeries. »
Christophe Dequidt
C. DEQUIDT
Les Saoudiens apprécie nos baguettes et nos pâtisseries.
C. DEQUIDT
Jean-Christophe Voynet, responsable des achats Carrefour pour la région : « Nos productions sont considérées comme étant de qualité et régulières. »
C. DEQUIDT
« Je suis en rupture de stocks sur le lait bio français, car la consommatrice achète notre lait, même s'il coûte le double, voire plus, car il est meilleur en qualité et en goût que celui produit localement. La France a une belle carte à jouer »
C. DEQUIDT
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