Produire du blé LU'Harmony

En 2010, la coopérative agricole de Juniville (CAJ) dans les Ardennes est contactée par Cérès, un client meunier basé en Belgique, pour entrer dans la démarche de production de blé LU'Harmony. Lui-même a été sollicité par Kraft Foods, le fabricant du célèbre Petit Beurre. La CAJ adhère aussitôt. « Cette démarche intègre à la fois des notions de filière et de biodiversité qui correspondent à notre philosophie », précise Bertrand Gilles, responsable du service agronomie et développement. La coopérative implantait déjà des jachères mellifères autour de son siège social. « Quant à la filière, l'intérêt était de rentrer en contact avec l'utilisateur final. »

1. UN CAHIER DES CHARGES

Outre le respect de la réglementation en vigueur et la pratique de l'agriculture raisonnée, Kraft Foods a ajouté des exigences plus spécifiques, notamment l'obligation d'implanter une jachère mellifère équivalant à 3 % de la surface contractée en blé. « Du côté des variétés, le choix se fait parmi la liste BPMF (1) en fonction du risque de fusariose pour la parcelle (pour limiter les traitements) et de leur productivité dans notre zone. » Certains produits phytosanitaires sont interdits en raison de leur impact sur les abeilles. L'indice de fréquence de traitement (IFT) de chaque parcelle est également transmis à Kraft Foods qui le compare aux moyennes locales. Au moment de la récolte, l'agriculteur doit veiller à bien isoler le blé LU'Harmony du reste.

2. UN MÉLANGE APICOLE ADAPTÉ

La jachère mellifère doit contenir au moins cinq espèces différentes issues d'une liste établie par Kraft Foods. « Les mélanges disponibles sur le marché ont tout au plus quatre espèces, souligne Bertrand Gilles. Nous sommes donc partis d'un mélange commercialisé auquel nous avons ajouté d'autres espèces adaptées à notre région pour obtenir une jachère à base de mélilot, phacélie, vesce, moutarde et trèfle. L'objectif est qu'elle soit productive plusieurs années. » Ces surfaces sont suivies par Kraft Foods pendant la floraison pour étudier leur impact sur les insectes pollinisateurs.

3. UNE LOGISTIQUE PARTICULIÈRE

Cette démarche a également impliqué quelques changements au niveau logistique et stockage. « Pour pouvoir bien isoler ces blés, nous les avons concentrés sur trois silos d'expédition dotés d'une capacité de stockage importante, explique Bertrand Gilles. Nous nous sommes interdits les transferts entre silos de récolte et d'expédition, source d'erreur potentielle, surtout en période de moisson. » La production est donc limitée autour de ces trois silos. Les insecticides de stockage sont fortement déconseillés, mais la CAJ avait déjà l'habitude de s'en passer.

4. DES CONTRÔLES ET DES BÉNÉFICES

La démarche pour le blé LU'Harmony est contrôlée par une société déléguée par Kraft Foods. Celle-ci vérifie l'application du cahier des charges chez les agriculteurs. Au niveau de la coopérative, elle se concentre sur la traçabilité. « A partir d'une livraison de blé, l'industriel souhaite avoir tous les détails en remontant jusqu'à la parcelle. » Pour la CAJ et ses adhérents, cette démarche est source de plus-value économique, à laquelle s'ajoute la valorisation de leur image au sein de la profession, mais aussi auprès du grand public.

Chantal Urvoy

(1) Blé panifiable pour la meunerie française.