Ramallo : revoir les stratégies de culture du soja OGM

La coopérative agricole de Ramallo occupe une place privilégiée en Argentine. Située à mi-chemin entre Buenos Aires et Rosario, les deux plus grandes villes du pays, et adossée au fleuve La Plata, tout près des usines de triturage de soja et des ports d'exportation, ses débouchés sont garantis. Elle fournit à ses adhérents et à d'autres agriculteurs, dans un rayon de 100 km, des intrants, des assurances récolte, une mutuelle santé, et met à leur disposition ses unités de stockage. Elle gère aussi une agence de tourisme, un magasin de bricolage et un supermarché installés au rez-de-chaussée de son siège.

Du conseil et des séminaires

« Le conseil technique de la coopérative est gratuit, intégré au service commercial, indique son directeur général, Fabricio Calderón. Dans chacune de nos sept succursales, un agronome fait le tour des exploitations des adhérents. Généralement, ces derniers ont aussi un salarié agronome. La coopérative les renseigne surtout sur les produits et organise aussi des séminaires. » Le dernier en date, fin août, a été consacré à la préparation des semis de soja avec l'intervention de spécialistes en gestion des sols des avdentices, et à la mise au point du semoir. Le suivant, début octobre, a donné la parole à un analyste du marché des matières premières. La forte baisse du cours du soja, ces derniers temps, préoccupe surtout ceux qui louent des terres pour cette campagne 2014-2015. Les loyers s'élèvent en effet jusqu'à 18 q de soja par hectare, environ 400 €/ha (1). Ils devront soit renégocier le contrat avec les propriétaires, soit assumer seuls le risque d'un trou financier.

Hausse des ventes des herbicides alternatifs

Mais avant tout, agriculteurs et conseillers doivent relever le défi des adventices résistantes au glyphosate. A l'heure des semis de soja, Raúl Salvioni, chef du service agronomique de la coopérative, rappelle : « Quand le soja OGM résistant au glyphosate a débarqué sur le marché argentin en 1995, les producteurs disaient que nous, les agronomes, allions être au chômage technique à cause de l'efficacité du produit. Mais l'apparition des adventices résistantes au glyphosate et à d'autres principes actifs, change la donne. » Pour la coopérative, cela se traduit par une hausse des ventes d'herbicides alternatifs, comme le 2,4 D et les sulfonylurées. « Aujourd'hui, nous vendons quatre fois plus de disséquants type Paraquat, qu'il y a cinq ans, lorsque nous faisions un usage presque exclusif du glyphosate », note Raúl Salvioni. En conclure que l'éventail des fournisseurs du marché argentin des grandes cultures se diversifie est prématuré.

« 2014, c'est l'année test du soja Intacta, de Monsanto, poursuit le chef du service agronomique. Nous verrons bien si les promesses de rendements potentiels de 10 % supérieurs, et si l'efficacité du gène Bt intégré en plus du gène de résistance au glyphosate de deuxième génération, se confirme. » L'autre nouveauté proposée par Monsanto : des sacs de semences de maïs Bt mélangées à des semences non OGM dans le but de systématiser la pratique de zones refuges, ceci pour éviter le développement futur de résistance d'insectes. L'autorisation de vente de tels sacs a été l'objet de la dernière résolution votée par l'Institut national des semences argentin. Autre défi technique à relever aujourd'hui, à Ramallo, comme ailleurs en Argentine, la compaction des sols liée au non labour qui s'aggrave avec la monoculture du soja.

Des assolements incluant graminées et colza

Pour y remédier, les producteurs propriétaires des champs font des assolements incluant des graminées ou du colza dont les racines perforent le sol. Les locataires, en revanche, n'ont souvent pas d'autre choix que de faire du soja qui est moins cher à produire. Raúl Salvioni leur préconise aussi l'utilisation de pneumatiques appropriés et un passage minimum de machines à l'aide d'outils d'agriculture de précision. Éventuellement, un travail du sol superficiel. Les dirigeants de la coopérative de Ramallo relativisent le problème des adventices résistantes et de compactage des sols, car ils sont confiants dans la capacité d'adaptation de leurs adhérents et dans le développementd'alternatives au soja OGM comme le pois, par exemple, dont les avantages agronomiques se conjuguent actuellement avec des débouchés qui ont le vent en poupe.

Marc-Henry André

(1) En tenant compte d'un prix de la tonne de soja de 2 300 pesos et d'un taux de change de 1 euro pour 10 pesos.