La coopérative à la Une La Gerbe, petite mais pertinente
La petite coopérative tarn-et-garonnaise bénéficie d’une belle notoriété sur le marché des blés meuniers et du maïs gavage de qualité. Ses adhérents apprécient son fonctionnement à taille humaine et les jeunes agriculteurs, séduits, siègent à son conseil d’administration.Par Florence JacquemoudPhotos : Lydie Lecarpentier
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Il reste peu de petites coopératives comme La Gerbe, structure à taille humaine implantée à Bourg-de-Visa, à l’extrême nord du Tarn-et-Garonne. Créée en 1933 par les responsables agricoles du canton pour collecter et vendre 2 000 t de blé, elle travaillait à l’époque aux côtés d’un négociant installé au village, qui vendait semences et engrais. À son décès en 1950, la coop rachète ses locaux et reprend son activité. Elle vend alors les produits d’appro pour son propre compte et propose aux agriculteurs d’échanger une partie du blé qu’ils récoltent contre des semences. En 1976, elle ajoute à ses activités la vente de fuel agricole et domestique. Puis, au début des années 2000, elle fait l’acquisition de la boulangerie du village qui vient de fermer. « Nous avions un double objectif, explique Étienne Bourjade, le président. Tout d’abord, maintenir ce service pour nos adhérents et pour les habitants de Bourg-de-Visa, mais aussi renforcer nos relations avec les meuniers en intégrant la filière meunerie boulangerie. Pour gérer cette activité, nous avons créé l’EURL du Quercy vert et, depuis deux ans, nous avons installé la boulangerie dans nos locaux. » Cette dernière se situe à côté du petit magasin libre-service ouvert en 1998 pour vendre matériels de jardin, aliments pour animaux, vêtements et produits du terroir.
Un site dédié aux engrais
En 2001, La Gerbe crée sa filiale Agrical pour bâtir un dépôt de produits d’appro et une plateforme de collecte sur la commune de Massels, à une quinzaine de kilomètres dans le Lot-et-Garonne. Cette nouvelle implantation, qui jouxte l’entreprise d’un transporteur, lui permet de se rapprocher d’une partie de ses adhérents. « En 2012, notre activité a pris une autre dimension avec l’extension du magasin, puis en 2015 avec la création d’un silo d’une capacité de 4 500 t, précise Sébastien Vaccari, le directeur général. Nous y avons installé notre site de préparation d’engrais, équipé d’un mélangeur et d’un ensacheur. Et pour la logistique, nous continuons à faire appel aux services de notre voisin transporteur. »
En 2002, la coop investit dans des silos à Montaigu-de-Quercy, en Tarn-et-Garonne, à 50-50 avec le groupe Terres du Sud, pour le stockage de céréales et d’oléoprotéagineux. L’outil dispose d’une capacité de 8 500 t, dont 7 800 t sont utilisées par La Gerbe. La coop met à profit la multitude de cellules disponibles pour stocker de petits lots de blés qui lui servent ensuite à réaliser des assemblages pour les meuniers. « Nous avons racheté cet outil car il était très automatisé, mais aussi parce qu’il allait nous permettre de réaliser une segmentation qualitative à même de satisfaire nos clients », reconnaît Étienne Bourjade. C’est aussi à Montaigu-de-Quercy que La Gerbe possède un atelier de fabrication de pains et pâtisseries, qui alimente un point de vente sur place, celui de Bourg-de-Visa, et quatre autres dépôts.
Ainsi, en quatre-vingt-huit ans, les « irréductibles Gaulois » de Bourg-de-Visa sont devenus des spécialistes des blés de qualité. Ils disposent aujourd’hui de 25 000 t de capacité de stockage et collectent chaque année, auprès de 200 adhérents actifs, environ 40 000 t de céréales et d’oléoprotéagineux, dont 30 000 à 35 000 t de blés meuniers. « Ceux-ci atteignent un standard qualitatif élevé, si bien que nous avons besoin de très peu de blés améliorants, souligne Sébastien Vaccari. Nos sites de Bourg-de-Visa, Massels et Montaigu-de Quercy, mais aussi l’outil Agricadrès, que nous avons repris l’été dernier, à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), réceptionnent toutes les espèces collectées tout au long de l’année. Nous stockons aussi un tiers de la collecte de blé chez des agriculteurs. »
Une relation forte avec les meuniers
Les blés et assemblages de blés sont commercialisés auprès d’une quinzaine de meuniers, clientèle historique implantée dans le Grand Sud, du Vaucluse au Pays basque, et à un ou deux catalans (Espagne), selon les stocks. « Il y a vingt ans, nous avons renforcé notre démarche en nouant une relation forte avec le groupement de meuniers Festival des pains, détaille le directeur général. Celui-ci dispose d’un laboratoire et d’un service de R&D avec lequel nous travaillons sur les variétés et mettons au point les mélanges que demandent les moulins. Nous avons une plateforme d’essais variétaux et réalisons des maquettes d’assemblages, à partir desquelles Festival des pains effectue des tests de panification. Nous préparons également des mélanges variétaux à semer au champ, afin qu’ils soient prêts à l’emploi à la récolte. Mais nos adhérents cultivent aussi des variétés pures qui permettent d’apporter si besoin des corrections avant livraison. Nous comparons ce travail à celui des vignerons qui élaborent leur vin. »
Pas d’intégration trop poussée
La coopérative La Gerbe vend ainsi la quasi-totalité de ses blés aux moulins Festival des pains. À la marge, si quelques parcelles sont de moins bonne qualité, elles sont déclassées en fourragères et partent dans l’alimentation du bétail.
Ces productions de blés de qualité ne sont toutefois pas contractualisées avec les agriculteurs. « Les producteurs maîtrisent les cahiers des charges et obtiennent de bons résultats, mais n’ont pas de volonté d’intégration trop poussée, ils veulent garder leur indépendance, poursuit le président. Ils peuvent d’ailleurs utiliser leurs semences de ferme et vendre quand ils le décident. La plus-value réside dans le fait que nos assemblages soient réalisés grâce à un savoir-faire propre à la coopérative et que notre débouché soit constant et assuré, auprès de clients sûrs et fidèles. Les meuniers sont aussi conscients qu’ils peuvent compter sur un fournisseur stable et régulier. Notre volonté est d’être le moins dépendants possible des marchés portuaires. »
Diversification dans le maïs
Repris par La Gerbe en 2020, l’outil Agricadrès est spécialisé dans le maïs gavage de qualité pour les palmipèdes gras, commercialisé aux gaveurs indépendants, souvent aussi transformateurs à la ferme. L’OS dispose d’un silo de 4 500 t, où une trentaine d’agriculteurs voisins livrent leurs récoltes. La collecte est de 12 000 t par an. « Nous sommes toujours ici dans la logique de travailler des volumes plutôt réduits, mais de qualité, destinés à des marchés de niche, reprend Sébastien Vaccari. Nous allons aussi développer une activité d’approvisionnement qui n’existait pas sur le site. La reprise de cet organisme stockeur fait évoluer positivement le nombre de nos adhérents. » Des travaux sont en cours pour construire un dépôt d’appro et des cases de stockage à plat, afin d’augmenter les capacités de collecte.
Avec 25 salariés, 250 adhérents et 14 millions d’euros de chiffre d’affaires, La Gerbe reste une coopérative à taille humaine. Elle n’en travaille pas moins avec de grosses structures, ce qui lui permet de proposer produits et services à des prix intéressants. Les achats d’appro et de carburant se font avec l’union Unisud, la commercialisation de la collecte passe par l’union Alcor céréales, interface mutualisée de mise en marché créée avec Terres du Sud, et par Agribio Union pour la vente des productions bio. Les aliments pour animaux sont achetés à Arterris et le lisa est affilié à Gamm vert, sans en porter l’enseigne.
Moyenne d’âge de 40 ans au conseil
« Notre petite taille fait que nos adhérents se sentent considérés, ils ne sont pas qu’un numéro de compte, se félicite Étienne Bourjade. Cela convient aux jeunes agriculteurs, qui nous rejoignent au sein de notre conseil d’administration. La moyenne d’âge y est de 40 ans ! » Le 1er janvier, La Gerbe a choisi de continuer dans la vente plutôt que dans le conseil des produits phytos. Sur les cinq dernières années, elle a réalisé un résultat net de 40 000 à 50 000 € par an. « Nous ne cherchons pas à faire plus, ajoute le directeur général. Préserver une structure de cette taille est un combat de tous les jours, mais il nous semble primordial de garder nos compétences et notre identité. »
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