Comment participer à des échanges constructifs autour de l'agriculture Instaurer le dialogue avec le grand public
Régulièrement, des émissions fustigent agriculteurs et distributeurs d'intrants, les touchant même en privé. Mieux communiquer avec le grand public devient incontournable pour répondre à ses questionnements et développer un autre regard.
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« C'est à cause de gens comme vous que mon père est mort d'un cancer il y a trente ans car il utilisait des produits phytos. » Cette phrase assassine a été lancée à Isabelle et Baptiste Prélat du négoce Agridor (Dordogne), lors d'une réunion de jeunes dirigeants de leur région quelques jours après l'émission de Cash Investigation en février dernier. Ils ont été également attaqués dans leur sphère privée, sur Facebook, lors d'un apéritif chez les voisins ou encore lors d'activité sportive. « Nous nous en sommes pris plein la tête. Nous ne faisons qu'argumenter dès que nous parlons de nous et de notre activité », explique Isabelle Prélat-Chassagne, dirigeante du négoce périgourdin.Le vécu de ce jeune couple de négociants n'est pas unique. Directeur de développement de Négoce Expansion, Fabien Vallaud souligne « le besoin de monter en compétence sur le médiatraining et la communication en cas de crise ».
Un propos corroboré par Isabelle reconnaissant que « nous avons à nous prendre en main, et pourquoi pas en nous formant ». Et les formations ne manquent pas sur la gestion de crise. Plus spécifiquement dans le milieu agricole, Négoce Expansion a mis sur pied deux modules en 2014, « prendre la parole en public et communiquer en milieu hostile » et « gérer les crises et situations sensibles ». Du côté de Montpellier SupAgro, il a été ouvert à la formation continue, depuis cette année, un module destiné aux étudiants sur la communication et la gestion de crise. « Nous allons le développer en entreprise », précise Hélène Dorche, du département SESG.
Mise en place d'un groupe de travail au Naca
De son côté, la fédération des négociants de Centre-Atlantique, Naca, vient de créer un groupe de travail « communication » afin d'accompagner les dirigeants et leurs technico-commerciaux sur la construction d'une image positive du métier auprès de la société civile, et ce, en lien avec les agriculteurs et viticulteurs. « Nous avons une journée de travail début juillet avec deux entreprises pour aboutir à un plan d'action mis en oeuvre fin 2016 et s'appuyant sur de la formation des équipes et des actions de communication », détaille Jean-Guy Valette, directeur du Naca. Cette initiative est née d'une demande appuyée des entreprises. « Il s'agit d'avoir une approche constructive, pragmatique et transparente et de pouvoir la dupliquer auprès des structures demandeuses. »
« C'est le manque d'anticipation qui fait le nid des opposants, souligne Marie-Laurence Grannec de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne, chargée d'études sur les projets en porcs.
Pour Hélène Dorche, il s'agit d'être « le plus transparent possible et d'assumer la responsabilité du passé ». Et ce, encore plus devant les médias. « Si on adopte ce comportement, les journalistes ne vont pas chercher des chemins détournés avec des personnes sincères en face d'eux. » C'est l'option prise par Christophe Descréaux qui n'a pas hésité à reconnaître les excès passés, lors du débat public qu'il a organisé avec la mairie de sa commune. « Mais comme dans tous les secteurs, qui peut dire qu'il n'a pas pollué par ignorance par le passé ? », a-t-il tenu à ajouter.
Adopter un langage constructif
L'idée forte de toute démarche de communication envers la société civile est d'adopter un langage résolument constructif. C'est ainsi qu'InVivo a abordé les responsables de Greenpeace, lors de leur occupation des locaux à Paris en mai 2015. « Leurs arguments étaient légers. C'est la première fois qu'ils lançaient une telle opération contre les pesticides, détaille Pierre Pinault, directeur de la communication de l'union coopérative. Nous avons pris à part les responsables. Et devant un café croissant, après les avoir écoutés, nous leur avons fait valoir nos arguments : les investissements dans les solutions alternatives, la lutte biologique avec Biotop, les fermes Ecophyto, les OAD... » Pour faire retomber le soufflet, InVivo a choisi de communiquer après l'événement, sans polémiquer. Depuis, le groupe continue à affiner son argumentation sur « un sujet qui reste sensible ».
Hélène Laurandel
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