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Elewarr fait fructifier les silos polonais

« Pour une somme de 21 zlotys (6 €) par tonne, nous faisons tout. » Leszek Kotapski, directeur du silo de la région de Poznan.

Que sont devenus les gigantesques silos considérés comme stratégiques dans l'agriculture des pays de l'ex-bloc de l'Est. En Pologne, Elewarr veille au grain.

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Impossible de savoir combien collecte Elewarr ! Créée en 1992, cette société capitaliste de type SARL dont les actions sont détenues à 100 % par l'Agricultural Market Agency (ARR), organisme d'Etat polonais, a un champ d'activité multiple et aussi une vocation d'être un outil formidable de régulation. Son premier métier est bien entendu la collecte des productions locales, 65 points repartis sur l'ensemble du territoire, douze silos de 50 000 t, deux silos de 25 000 t et toute une série de petits silos de proximité de 2 000 à 3 000 t. Elle cible les petits agriculteurs qui n'ont pas vraiment le choix faute de stockage à la ferme et surtout les agriculteurs moyens de 1 000 à 1 500 ha qui envisagent d'investir dans cette forme de stockage.

La culture du secret

« Les grandes exploitations, ce n'est pas la peine d'y penser, car seul l'intérêt financier prime et la notion de fidélité est depuis bien longtemps oubliée. J'ai vu des agriculteurs négocier devant moi avec mes principaux concurrents alors que je les avais aidés la campagne précédente, soupire un peu amer Leszek Kotapski, directeur du silo de la région de Poznan. Tant que nous laisserons nos petits agriculteurs vivre, nous travaillerons sereinement, car eux, au moins, sont fidèles et nous font totalement confiance. » Elewarr leur assure un service (rapidité de livraison) mais en plus, ils peuvent aller dans des laboratoires ultramodernes vérifier la qualité livrée et, surtout, ils sont sûrs d'être payés et rapidement.

Des services aux multinationales étrangères

Le second métier, plus discret, est de constituer le stock de réserves de l'Etat polonais, au cas où... Les capacités de stockage totales sont de 650 000 t, mais les chiffres totaux de la collecte ne sont pas connus. « Secret d'Etat », sourit Leszek Kotapski. De quoi déstabiliser un peu les marchés. Enfin, par souci de rentabilité, Elewarr loue des capacités et des services liés au travail du grain (stockage, nettoyage, séchage, expédition) aux multinationales. Les Cargill, Bunge, Glencore ou Soufflet en profitent toutes. Elles considèrent avant tout leur mission comme étant de faire tourner des outils industriels (moulins, malterie, maïserie, aliments du bétail) avec des stocks tampons intra-usines souvent limités. Pour se constituer des réserves voire aborder le marché international, elles ont besoin de silos.

Elewarr est pour elles une solution idéale. « Pour une somme de 21 zlotys (6 euros) par tonne, nous faisons tout, précise Leszek Kotapski. Cela doit être rentable pour nos clients car Glencore, qui a des silos au nord du pays, les laisse en partie vide pour travailler avec nous de façon régulière. »

Une politique qui jusqu'à présent fonctionnait très bien. Cependant, l'ambition de Cargill qui construit des capacités de stockage neuves pour maîtriser l'ensemble de la filière, de la vente des semences jusqu'au commerce des grains, les amène à repenser leur stratégie.

« Nous avons une autre difficulté liée à notre passé, souligne également Leszek Kotapski. Quand les silos ont été construits, il n'y avait aucune stratégie logistique. On construisait les silos en bordure ou dans les villes pour éviter des bombardements faciles, et très peuen pleine campagne. Nous n'avons aucun silo fluvial, ni portuaire (la Baltique), ce qui est aujourd'hui un inconvénient notoire et bien onéreux. »

Un processus de développement engagé

Les dirigeants d'Elewarr ont bien compris la menace. Outre, la modernisation des outils et une grande rigueur dans la politique qualité, ils ont un programme d'investissement dans de nouveaux silos, notamment dans les zones où les productions explosent au sud et sur la région de Wielkopolska. Pour y arriver, les moyens financiers sont importants et l'Etat favorise leur l'accès à des prêts subventionnés à moins de 4 % (inflation proche de 20 % en Pologne). « L'agriculture polonaise est en train d'exploser en terme de résultats (quantitatif et qualitatif), surtout en maïs, car nous pouvons sécher et travailler le grain », se réjouit Leszek Kotapski.

Christophe Dequidt

Construites dans les années quatre-vingt, les « cathédrales de béton » d'Elewarr trônent toujours en bordure des villes, comme au bon vieux temps.

C. DEQUIDT

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