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VU À L'ÉTRANGER Meknès : la diversification comme planche de salut

Des blés, locaux, français et allemands arrivent ce jour-là.C. DEQUIDT

Au nord du Maroc, la coopérative de Meknès est l'une des rares coops à survivre. Le secret de sa longévité est d'avoir fait le choix de la diversification.

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En 1956 à l'indépendance du Maroc, l'agriculture étant considérée comme un secteur stratégique, l'Etat a pris la main sur la vente de semences, les intrants, la collecte et la transformation. Il a créé l'Uncam (Union nationale des coopératives agricoles marocaines) qui lui a servi de bras armé pour exercer une dépendance absolue de toute la filière blé avec l'Etat. C'est ainsi que 100 % de la distribution était contrôlée. Le président de chaque coopérative était un représentant du ministère de l'Economie et des Finances et trois autres ministères dont celui de l'Agriculture, étaient représentés dans les conseils d'administration.

Un négoce conquérant

En 1995, changement de stratégie, il a été décidé de libéraliser une partie de la distribution au moins les intrants (sauf les semences), la collecte, puis la transformation. Lâchées d'un seul coup, sous perfusion financière, n'ayant aucune compétence particulière et sans véritable management, les coopératives ont progressivement périclité. Il en resterait douze (en activité), mais seules quatre d'entre elles semblent avoir des chances de survie, au profit d'un négoce conquérant (on recense 165 entreprises privées). La collecte se répartit comme suit aujourd'hui : 75 % en négoces, 20 % dans les minoteries en direct et 5 % pour les coopératives.

Coopération sous fausse tutelle et sous perfusion

« Ce que nous souhaitons, c'est que l'Etat nous laisse tranquille », soupire Mohamed Gaouzi, président de la coopérative de Meknès, fondée en 1949, au nord du Maroc. En effet, à la décharge des coopératives, l'Etat ne s'est pas complètement dégagé car il les oblige à acheter à un prix dit de référence (270 dirhams/q en 2015), moyennant quelques aides (prime de stockage et prime sur le quota de farine subventionnée). Abdelkhalek Hamdoune, son directeur, ajoute : « Ce ne sont ni les subventions, ni la défiscalisation qui va nous permettre de nous en sortir. Dans un marché libéralisé, il nous est très difficile d'être en concurrence avec les entreprises privées et les moulins qui achètent directement en culture à des prix leur permettant de gagner de l'argent. De notre côté, nous ne pouvons compter comme ressources que sur les primes de stockage qui diminuent chaque année et sur un faible complément sur la farine subventionnée. Ce n'est pas suffisant pour faire tourner l'entreprise. »

Jamal Befeddoul, directeur de la coopérative de Doukkala à El Jadida confirme : « Nous ne faisons que de la collecte de céréales et ne vivons qu'avec des subventions. » Cette coopérative comme la majorité a progressivement perdu ses adhérents. Aujourd'hui, elle n'en compte plus que soixante-seize et quelques livreurs indépendants et volages. L'avenir des vingt salariés est ici bien compromis.

La meunerie, nouvelle source de marge

Meknès a été l'une des seules coopératives à penser à la diversification pour sauver l'entreprise dès 1998. « La création du moulin, ce n'était pas un choix, mais une nécessité absolue », précise Karim Kerbid, directeur de la Sanabil, la filiale meunerie de Meknès. Elle a permis de trouver une nouvelle source de marge. « Nous nous approvisionnons à 30 % sur le marché local et le reste est importé. Jusqu'à présent, je faisais confiance au blé français à 80 % de mes besoins, mais par opportunité, j'ai pu acheter du blé ukrainien, en 2014. Je crois que je vais changer mes proportions cette année avec plus de blé provenant de la mer Noire. » Le chef meunier, Rahd Hidara, précise : « Nous avons besoin de blé français qui nous apporte de l'élasticité pour la pâte, mais cela n'empêche pas d'augmenter la part de blé d'autres provenances. »

D'autres pistes explorées

Après cette diversification réussie, et d'une rentabilité indispensable au groupe, le président a décidé de se lancer sur d'autres pistes. « C'est le besoin qui pousse à la création. Nous avons créé il y a deux ans, une filiale la Sanabi qui fait de l'aliment du bétail, nous avons commencé à revendre des intrants et nous nous sommes lancés dans la collecte de tournesol pour fournir Lesieur Maroc. Nous avons d'autres projets dans les fruits et légumes. Nous voudrions aussi trouver de nouveaux débouchés dans les services qui sont encore aujourd'hui un monopole d'Etat. » Mohamed Gaouzi rêve ainsi tout haut en vantant l'organisation des coopératives françaises qui pour lui est un modèle de développement réussi.

Christophe Dequidt

Quand le blé arrive, il est stocké en sac de jute.

C. DEQUIDT

Les transports se font à 90 % par camion.

C. DEQUIDT

Mohamed Gaouzi, président de la coopérative de Meknès.

C. DEQUIDT

Les entrepôts comme le moulin sont en pleine ville. De gauche à droite, le chef meunier Rahd Hidara, Karim Kerbid, directeur de la filiale meunerie Sanabil et Abdel-khalek Hamdoune, directeur de la coopérative.

C. DEQUIDT

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