VU À L'ÉTRANGER Les marchés céréaliers sous contrôle de l'Etat indien
L'Etat est le principal acheteur de céréales en Inde à des prix subventionnés qui encadrent l'ensemble du marché, rythmé par les enchères sur les « mandis ».
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Mardi 24 mars, sur le « mandi », vaste marché à ciel ouvert, de Kota dans le Rajasthan, à 11 heures précises, la première enchère sur le blé s'est conclue à 3 228,12 roupies pour un lot de 25 q, soit 199,68 €/t. Bousculade, empoignade verbale et gestuelle pour définir le prix final entre les différents acheteurs et vendeurs, sous l'oeil du commissaire du gouvernement. En quelques minutes, 250 t de blé vont être vendues sur le mandi où chaque agriculteur a déposé sa production par petit tas allant de 150 kg à 3 t. Kota est une place importante pour le marché du blé, son mandi s'étend sur 52,44 ha avec plus de 1 000 traders qui le fréquentent.
Eviter toute spéculation
« Quand un agriculteur arrive au mandi, sa récolte est pesée, puis analysée sur la couleur, l'odeur, les impuretés et l'humidité, précise Babula Meena, responsable local du Food Corporation of India (FCI), organisme d'Etat, chargé de superviser la collecte en Inde et sa redistribution. « L'Etat se porte acheteur à partir de la mi-avril, sur une quantité et une qualité, à un prix fixé au niveau national, de 14 500 roupies la tonne (217,50 €), soit en général 10 % de mieux que le marché des enchères. Ces achats se font hors mandis. »
Arun Saxena, directeur du mandi de Kota, très proche de ses collègues fonctionnaires du FCI, ajoute : « Le gouvernement n'intervient pas directement sur le mandi. C'est un marché totalement libre, mais nous avons un commissaire du gouvernement qui suit chaque enchère pour éviter toute spéculation. Le prix ne peut être supérieur ou inférieur de 10 % à celui du gouvernement. »
Organisation structurée
Arun et ses équipes ont un rôle de contrôle pour le bon fonctionnement et la sécurité du mandi. Cela consiste à faciliter la vie des quelque 1 000 traders dont 450 louent un petit bureau. Le tout le plus sereinement possible. Pendant la période des ventes, ce sont près de 15 000 sacs de 60 kg qui passent par ce marché chaque jour avec la flotte de camions et de tracteurs que cela suppose, en provenance des campagnes et quittant le mandi vers les stockages, les industriels ou les exportateurs. Les agriculteurs viennent de plusieurs autres districts, car Kota est renommé. Bon nombre arrivent la veille, après un déplacement allant jusqu'à 125 km. La plupart seront logés sur place de façon très économique. Pour eux, l'accès au marché est libre, seuls les traders doivent acquitter une taxe au mandi, en fonction des commodities, pour le blé 1,6 % par tonne.
En Inde, on adore les intermédiaires, il y en a pour tout. Ainsi, un agriculteur ne peut pas vendre directement à un moulin ou un exportateur. Sauf s'il souhaite vendre directement à l'Etat, lors des appels d'offre de celui-ci pour créer les réserves du Food Distribution System (lire encadré), il faut qu'il passe par le mandi. Il doit faire appel à un trader pour vendre sur le marché au meilleur prix. Il aura toujours la possibilité de refuser le prix si l'enchère ne lui va pas, mais il devra alors recharger sa marchandise sur son petit camion ou sa remorque, à la main, un facteur de coût souvent insupportable. Les traders organisent ainsi la vente des lots qui leur sont confiés. La plupart sont aussi acheteurs, mais ils doivent jouer le jeu de la transparence et mettre aux enchères les lots. Si une enchère est supérieure à celle qu'il propose, un autre trader obtiendra la marchandise. « La parole ne suffit plus, se lamente Sanjay Tchatri, trader chez StarAgri, une importante société de commerce et de distribution locale (lire ci-contre). Pour chaque vente, il y a un papier vert pour l'agriculteur, un rose pour l'acheteur et un blanc qui va à l'administration. » Aujourd'hui, Sanjay a acheté 30 t à un prix moyen de 13 750 roupies (206,25 €). « Je vends, en moyenne, 15 000 t par an pour le compte de 2 000 agriculteurs. Pour fidéliser mes apporteurs de blé, je leur finance en amont leurs intrants grâce à l'organisme de crédit de l'entreprise. En parallèle, j'en achète 125 000 t par an uniquement du blé que je valorise chez les meuniers. » Les agriculteurs préfèrent passer par le mandi, car ils sont payés directement en cash alors que le gouvernement ne les paie qu'à 40 jours sur un compte bancaire. La plupart n'en ont pas et le cash reste une valeur sûre.
Des sociétés françaises présentes
Plusieurs sociétés françaises sont également présentes en Inde. Au Rajasthan, et dans beaucoup d'Etats, elles doivent utiliser les mandis. « C'est un mal nécessaire, précise Dominique Dupont, directeur de Soufflet India. Pour nous qui établissons des contrats avec les agriculteurs pour produire de la qualité, il est toujours dangereux de devoir passer par des enchères publiques non maîtrisables. Nous préférerions être livrés directement par les agriculteurs. »
Christophe Dequidt
Les agriculteurs arrivent dès la veille pour livrer.
Arun Saxena, directeur du mandi de Kota : « C'est un marché totalement libre, mais suivi par un commisaire gouvernemental. »
Chaque agriculteur dépose par tas sa récolte, qui sera ensuite pesée, analysée avant d'être vendue par un des traders présents sur le mandi.
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