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VU A L'ÉTRANGER Les Moulins du Maghreb industrialisent leur savoir-faire

Les rendements sont faibles avec 15 q de moyenne ce qui rend ce pays structurellement importateur, ici le port de Casablanca.C. DEQUIDT

Traditionnellement partenaire privilégié de la France, dans ses importations de blé tendre, la meunerie marocaine élargit ses horizons.

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Le Maroc produit environ 5 Mt de blé tendre et dur par an pour une consommation de plus de 9 Mt. Les rendements sont faibles avec 15 q de moyenne ce qui rend ce pays structurellement importateur. Il le sera d'autant plus dans l'avenir que le nouveau plan agricole « Maroc vert » a décidé de favoriser des projets de culture à valeur ajoutée exportatrice, comme les fruits (agrumes) et les légumes, au détriment des céréales.

Une concurrence forte

Au Maroc, environ 10 % de la farine est subventionnée pour les populations défavorisées, et sur les 90 % restants, farine dite « de luxe », la concurrence est féroce. 10 000 moulins artisanaux produisent 40 % du total, essentiellement avec des blés locaux, pour une vente directe aux familles qui font cuire leur pain dans des fours du souk.

Les 60 % restants sont sous la coupe d'une soixantaine de moulins industriels qui fournissent les boulangeries traditionnelles. Parmi eux, les Moulins du Maghreb, qui appartiennent à la famille Alj, depuis trois générations. « Le premier siège social était boulevard Saint-Germain, à Paris, quand mon grand-père a acheté son premier moulin en 1927, commente Mohammed Alj, actuel dirigeant du groupe. Mon père a acquis le moulin de Casablanca en mai 1968 aux Grands Moulins de Paris. » C'est, aujourd'hui, avec 1 500 t d'écrasement par jour, le second meunier marocain.

« Outre les meuniers artisanaux, nous avons vu des personnes non issues de familles de meuniers investir dans cette activité, regrette Mohammed Alj. Une concurrence que nous avons du mal à combattre, car seul le résultat financier compte, au détriment de la qualité, sans aucune vision à moyen terme. »

A la recherche de l'élite

La difficulté des meuniers industriels est de pouvoir trouver de la matière première. « Au Maroc, on fait du pain avec du blé tendre et dur et de l'orge », précise Jamal Lasseq, directeur adjoint en charge de l'approvisionnement. « Or, dans ce pays, il existe un nombre très important de petites fermes, incapables de fournir des céréales de qualité en quantité, poursuit-il. On ne sait pas exactement combien le Maroc produit, car une grande partie est autoconsommée. Nous avons donc choisi de nous organiser autrement en passant des contrats avec des groupes d'agriculteurs performants, si possible faisant partie de l'élite du « club des 60 quintaux ». Cette politique d'« agrégation » est favorisée par l'Etat qui l'a subventionnée au début. Les agrégateurs fournissent les intrants, le conseil, le matériel et s'occupent de la récolte. En contrepartie, les exploitants s'engagent à livrer l'ensemble de la collecte. Les Moulins du Maghreb ont ainsi regroupé 4 000 ha avec des exploitations de 20 à 100 ha. « Ce qui est épuisant, relate Mohammed Alj, c'est que nous devons renouveler régulièrement les producteurs, car nous avons des conflits. J'ai perdu, en 2012, plus de 20 000 € pour non-respect des contrats. Dans ce pays, cela se termine chez le préfet où nous sommes trop souvent considérés comme les fautifs. »

Une tradition d'importation française

Pour l'ensemble des moulins industriels, la farine est issue de mélange avec plus de 60 % de blés importés de façon récurrente et probablement encore pour de nombreuses années. Les blés marocains ne sont qu'une variable d'ajustement. « Nous préférons systématiquement le blé français à condition qu'il soit de qualité (78/12/250) et à un prix concurrentiel, affirme Mohammed Alj. Nous connaissons bien les importateurs qui sont réguliers et honnêtes. J'importais 90 % de Rouen jusqu'en 2012, mais les blés français m'ont déçu. C'est pourquoi, j'ai importé début 2013 de l'origine ukrainienne. Je pars d'ailleurs en voyage d'études dans ce pays prochainement. » « Il n'y a pas de secret, la France a une place privilégiée, si elle réussit à répondre aux cahiers des charges, sinon d'autres s'en chargeront », rajoute Yann Lebeau, chef de mission, France export céréales Maghreb-Afrique.

Christophe Dequidt

Les Moulins du Maghreb, basés à Casablanca, appartiennent à la famille Alj, depuis trois générations (ici son directeur actuel, Mohammed Alj). « Nous devons renouveler régulièrement les producteurs pour non-respect des contrats. »

C. DEQUIDT

Aujourd'hui, second meunier marocain, ils sont dotés d'équipements modernes qui leur confèrent une capacité d'écrasement de 1 500 t par jour.

C. DEQUIDT

On ne sait pas exactement combien le Maroc produit de céréales, car une grande partie est autoconsommée, ou vendue dans les marchés, comme ici à Casablanca.

C. DEQUIDT

C. DEQUIDT

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