Dans le cadre d'un dispositif initiateur des projets de R&D Associer des agriculteurs-chercheurs
La relation privilégiée des coopératives et négoces avec les agriculteurs mérite souvent d'être mise au centre de leurs dispositifs de R&D. Groupe d'agriculteurs, innovation ouverte, réseau interne... Plusieurs chemins complémentaires permettent d'y arriver.
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Apporter plus de valeur d'usage aux nouveautés, cribler les plus pertinentes, détecter des applications porteuses, vulgariser l'adoption de nouvelles pratiques, produire des références techniques là où il n'y en a pas... La relation privilégiée des distributeurs avec les agriculteurs, utilisateurs « ultimes » des solutions et des conseils proposés, mérite ainsi souvent d'être mise au centre de leurs dispositifs de R&D. Pour y parvenir, il faut réussir à établir une relation partenariale gagnant-gagnant avec les exploitations impliquées, ce qui implique non seulement de sortir des liens de savoir et de conseil descendants, mais aussi d'être à même de travailler en « bottom up » pour susciter et encourager les retours ascendants. Groupe d'agriculteurs, innovation ouverte, liens avec des agriculteurs individuels partenaires... Différentes portes d'entrée existent.
æDébusquerles pionniers
Parmi les agriculteurs, il est de véritables « géotrouvetout » dont les expériences et l'ingéniosité représentent des ressources intéressantes. Pour une coopérative comme Agrial, les idées émanant des adhérents font partie intégrante du dispositif initiateur des projets de R&D, et ceci au même titre que la veille stratégique ou les remontées internes. « Sur certains sujets, nous partons à la recherche des agriculteurs ayant une longueur d'avance sur une thématique encore peu connue de nos services. C'est ce que nous avons fait, par exemple, il y a quelques années à propos des méteils », explique Lucie Viel, responsable innovation de la branche agricole d'Agrial, qui coordonne le réseau de fermes pilotes Grandeur Nature. Le groupe recueille alors auprès de ses adhérents « chercheurs » leurs retours et observations. En échange, la structure met en place des moyens que l'agriculteur n'a pas, pour pouvoir chiffrer et objectiver des résultats parfois intuitivement ressentis.
« Les agriculteurs ont souvent une forte appétence pour les sujets d'innovation en général. C'est une profession qui est très novatrice et qui s'adapte à grande vitesse, poursuit la responsable. En parallèle, le monde bouge vite avec des promesses technologiques parfois extraordinaires. En tant que coopérative, face à l'émotion qui se dégage, notre rôle est aussi de ramener du concret, de l'objectivité par les chiffres et du pragmatisme. Nous voulons développer les solutions de demain et ne pas consacrer trop d'énergie à des sujets trop futuristes. » C'est tout le sens du réseau Grandeur Nature mis en place pour tester des solutions émergentes à différentes échelles selon la maturité des projets.
æAssumer les risques de l'expérimentation
« Dans le réseau, nous organisons les essais chez les agriculteurs avec des feuilles de route souvent assez simples. Dès que cela devient trop complexe, nous savons que les exploitants risquent de se détourner du protocole », explique la responsable innovation d'Agrial. Les expérimentations représentent également une prise de risques pour les agriculteurs. « Pour mener les projets, nous signons avec les producteurs des conventions d'indemnisation qui sont un véritable facteur de succès indispensable », insiste Lucie Viel.
æOser l'innovationouverte
De nombreux OS sont impliqués dans des GIEE ou des groupes Écophyto par exemple. « Dans ces configurations, très souvent la dimension d'animation de groupe prend une place importante qui dépasse celle des résultats. L'équilibre est très difficile à trouver, constate un membre de coopérative de l'Ouest. D'autant qu'il n'y a souvent pas de budget pour assurer les pratiques innovantes... » Deux écueils que le programme de recherche en production bio Reine Mathilde, créé il y a huit ans à l'initiative de la filiale bio de Danone (Stonyfield, rebaptisé depuis les Prés rient Bio), a su éviter malgré une très large ouverture du dispositif. Des garanties ont été présentées aux producteurs et le focus a été mis sur les résultats. « L'ouverture se fait lors des journées portes ouvertes et en interne, en associant plusieurs acteurs différents et parfois même en concurrence (Triballat notamment, concurrent de Danone sur certains produits, ndlr), relate Christophe Audouin, directeur général des Prés rient Bio. Et cela marche. Nous amplifions aujourd'hui le dispositif et nous sommes même copiés. Réunis autour des agriculteurs par des intérêts communs portant sur le déplafonnement des conversions en bio et la montée en compétence sur ces sujets, nous avons su dépasser ensemble les querelles de clocher. »
Alexis Dufumier
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