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Le négoce à la une D2N se réinvente

THIERRY PASQUET

Après avoir connu une forte croissance et un renouvellement des équipes, le négoce de la Manche prend un nouvel élan, dans un contexte de croissance de l’activité de céréales, de rajeunissement des clients, de nouvelles attentes sociétales et de bonds technologiques en agriculture. Par Alexis Dufumier Photos : Thierry Pasquet

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Dire que le négoce D2N a connu une belle croissance ces dernières années est un euphémisme. « Lorsque je me suis installé en 1999, nous réalisions 3 M€ de chiffre d’affaires sur trois sites, retrace Alain Datin, l’actuel dirigeant. Aujourd’hui, nous nous déployons sur 32 sites avec un exercice consolidé au 30 juin 2022 à environ 190 M€ et nous comptons 140 collaborateurs. Notre secteur d’activité s’est beaucoup restructuré et nous avions besoin d’atteindre une taille critique pour pérenniser le négoce familial. C’est d’ailleurs de cette nécessité qu’est née l’entité D2N en 2007, par la fusion des établissements Datin et Destrés. »

Miser sur les Ressources humaines

Cette croissance forte depuis vingt ans a cependant toujours été accompagnée de l’ambition de préserver la réactivité et la proximité permises au sein d’une entreprise qui reste de la taille d’une PME. Encore aujourd’hui, Alain Datin tient à pouvoir se rendre disponible directement auprès de ses collaborateurs pour les sujets les plus importants, afin que des décisions puissent continuer à être prises rapidement.

En plus d’avoir grandi, D2N s’est fortement rajeuni ces dernières années, en lien avec la pyramide des âges des collaborateurs et des clients. « Nous avons embauché vingt personnes en dix-huit mois ! déclare le dirigeant. Le renouvellement des générations et le recrutement sont deux de nos grands défis. Les enfants d’agriculteurs sont de moins en moins nombreux. Même si nous continuons d’activer le réseau de nos clients pour recruter, nous devons nous réinventer dans le domaine des ressources humaines. Nous élargissons ainsi notre périmètre de recrutement sans toutefois réduire nos exigences en matière de motivation et de formation. Le recrutement nous incite également à évoluer en matière de communication en mettant en avant notre marque employeur. » D2N a d’ailleurs créé récemment un poste de responsable de marketing et communication. Le négoce est aujourd’hui actif sur les réseaux sociaux. La charte graphique de l’entreprise a été entièrement revue. « Nous sommes une entreprise dynamique et nous voulons le faire savoir », insiste la responsable marketing et communication, Élodie Datin.

D2N s’est rajeuni et modernisé tout en continuant de maintenir un axe de différenciation stratégique en préservant une grande indépendance à différents niveaux. C’est ainsi, notamment, que la gestion des achats d’engrais est internalisée et confiée à Stéphane Brault. « Nous nous sommes dotés de capacités de stockage dédiées. Nous faisons venir les engrais directement par bateaux via Saint-Malo. Nous réalisons des mélanges à la carte grâce à deux unités de bulk pour une production de 80 000 t par an environ, explique le responsable engrais. Nous effectuons chaque année nos propres essais de fertilisation. Notre but est d’avoir les offres les plus adaptées techniquement et économiquement aux conditions réelles du territoire. »

La gestion de la volatilité des marchés liée aux achats et de vente de collecte est aussi internalisée et prise en charge par Alain Datin lui-même. La collecte est de plus en plus commercialisée vers le port de Rouen. L’autre partie est vendue à des fabricants d’aliments en Bretagne. Du fait, notamment, de la restructuration de l’élevage laitier dans les secteurs de la Normandie et de la Bretagne, l’activité de collecte des céréales est en forte croissance. Cela pousse D2N à muscler encore son activité liée aux métiers des grains. Un projet de construction de deux séchoirs supplémentaires (huit à terme) vise ainsi à porter la capacité de séchage de maïs de 38 t/h à 67 t/h pour 13 300 points. L’entreprise déploie également un plan silo de 28 000 t de capacité additionnelle d’ici la récolte de 2024. Le négoce investit aussi actuellement dans un nouveau quai de chargement des minéraux en vrac pour l’alimentation animale de même que dans une ligne d’ensachage. Par souci d’indépendance stratégique, le négoce a créé sa propre filiale de transport, LD logistique, certifiée Qualimat transport. « Nous disposons ainsi de 14 bennes pour céréales et de 4 semi-remorques frigorifiques. Nous avons la capacité de transporter jusqu’à 1 500 t par jour et d’être très réactifs pour nos clients au moment clé des moissons », souligne Magali Thieulent, responsable administrative céréales.

Connecter animal et végétal

À cheval sur trois régions, la Normandie, la Bretagne et les Pays de la Loire, le territoire de D2N est fortement dominé par l’activité d’élevage laitier qui représente environ 80 % de sa clientèle. Le négoce répond ainsi à une demande forte de production d’aliments avec 100 000 t de mash produit chaque année avec une marque propre, Pepit. Les aliments sur mesure sont produits par petits batchs de 5 t afin de pouvoir s’ajuster au mieux aux demandes spécifiques des clients. Par ailleurs, l’entreprise assure le suivi pour toutes les cultures fourragères. Les équipes de productions animale et végétale travaillent main dans la main sur le sujet de l’alimentation des troupeaux avec un objectif partagé autour des performances zootechniques. Chaque année, six essais de production de culture de plantes fourragères se trouvent ainsi associés à des essais de rations. « Cette interconnexion entre vente d’aliments d’une part et production végétale fourragère d’autre part nous permet d’ajuster encore mieux le conseil global aux éleveurs, souligne Aurélien Brehier, l’un des huit techniciens en zootechnie du négoce. Le conseil en élevage s’est complexifié ces dernières années. Les éleveurs souhaitent évaluer leurs pratiques globales sur le plan économique. Par ailleurs, la robotisation des fermes a aussi modifié nos façons de travailler. Nous devons parfois prendre directement la main sur l’alimentation individualisée des vaches au robot. »

Du savoir-faire en agroécologie

D2N accompagne aussi les cultures légumières, principalement dans le Nord-Cotentin et le Val de Saire. En 2020, le négoce a repris dans le Calvados les Ets Duchemin, spécialisés dans la vente de pommes de terre de consommation à destination de la grande distribution. « Je suis très attaché au territoire et cet outil méritait d’être maintenu, assure Alain Datin. Cela apporte également des possibilités de diversification de production à quelques-uns de nos clients. Par ailleurs, les Ets Duchemin avaient acquis de précieux savoir-faire dans le suivi des filières agro­écologiques sans traitements de synthèse après la levée, et plus de la moitié de la production était orientée vers des filières de qualité. L’utilisation d’itinéraires agroécologiques, avec remplacement des produits de synthèse par des produits de biostimulation et de biocontrôle, nécessite une forte expertise technique pour pouvoir être conduite avec succès. » Ces compétences intéressaient donc de près D2N qui s’investit depuis plusieurs années dans l’agroécologie.

Chaque année, le négoce conduit d’ailleurs plusieurs essais de biostimulant et de biocontrôle en grandes parcelles pour mesurer pleinement les effets. Pour répondre aux attentes sociétales et économiques sur le terrain, il s’est en outre doté d’une station d’imprégnation de l’urée qui permet de protéger la formule azotée et de limiter les pertes dans l’environnement. L’adhésion de D2N au réseau des onze fermes étamines mis en place par Actura participe également de cette philosophie visant à progresser sur le plan environnemental. « Ces expérimentations nous permettent d’apporter l’innovation au plus près du terrain avec des conseils adaptés au contexte réel des agriculteurs, souligne Hubert Pelluet, le responsable expérimentations et OAD. Nous intégrons dans nos démarches de nombreux outils d’aide à la décision en agronomie avec beaucoup d’appétit pour l’innovation. Ainsi, nous proposons un service de gestion des résistances aux herbicides via des tests PCR sur les ray-grass résistants. »

« D2N a beaucoup changé ces dernières années. Nos équipes se sont rajeunies et nous nous sommes modernisés, se félicite Alain Datin. Nous avons devant nous de grands défis avec des actualités environnementales, sanitaires et géopolitiques qui nous challengent directement. Cependant, nous sommes en ordre de marche pour les relever. Ces phénomènes qui bousculent nos activités ont, me semble-t-il, au moins un mérite. Ils remettent en valeur nos métiers et notre secteur d’activité ! »

© THIERRY PASQUET - « Nous devons nous réinventer dans le domaine des ressources humaines. Nous élargissons ainsi notre périmètre de recrutement sans toutefois réduire nos exigences en matières de motivation et de formation », explique Alain Datin, au côté de Stéphane Brault, responsable engrais.

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