Le négoce à la une Delivagri, toute l’agilité d’une start-up
Négoce 100 % digital basé à Angers, dans le Maine-et-Loire, Delivagri a fait ses premières armes dans le commerce de la paille et des engrais et amendements organiques. Depuis deux ans, l’entreprise étend son activité aux céréales ; un tournant majeur dans l’histoire de cette toute jeune start-up.Par Anne Mabire Photos : Cédric Faimali
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Cofondateurs de Delivagri en 2015, Quentin de Chabot et Damien Pierre, 34 et 35 ans, se sont connus alors qu’ils travaillaient dans une entreprise qui développait des projets de méthanisation. « L’expérience a tourné court mais finalement, cela nous a ouvert une belle opportunité », analyse aujourd’hui Quentin de Chabot, directeur général de Delivagri. De fait, au milieu des années 2010, l’économie collaborative sur internet est en plein boom. Damien Pierre, diplômé de l’Esa d’Angers, et Quentin de Chabot, de CentraleSupelec, pressentent qu’il y a « des choses à faire autour de ça en agriculture ». « Avec 400 000 agriculteurs et un milieu professionnel qui a l’habitude de travailler en réseau, dans lequel beaucoup de choses se font du bouche-à-oreille, c’était presque une évidence ! »
Sur cette base, les deux trentenaires vont mettre trois projets à l’étude : un premier autour de la location de matériels entre agriculteurs, un autre sur l’échange de temps de travaux et le dernier centré sur la vente de produits agricoles entre exploitants. « C’est cette troisième idée qui a démarré le plus rapidement et déclenché la création de Delivagri. » Structurée sous la forme d’une SAS, dans laquelle les deux associés investissent 8 000 € chacun, l’entreprise réalise sa première vente en 2016. « On a démarré avec du compost parce que c’était le produit que nous connaissions le mieux. » Dans un premier temps, l’approche commerciale reste simple : Damien Pierre et Quentin de Chabot repèrent les annonces déposées par des agriculteurs et se positionnent. Pour faire connaître leurs offres, ils utilisent des sites spécialisés, comme Agriaffaires, ou généralistes, tel Leboncoin. « Pour l’anecdote, sur ce site, nos offres figuraient dans la rubrique Matériels agricoles, la plus consultée. »
Un chiffre d’affaires de 20,5 M€
Boosté par la demande d’une entreprise néerlandaise, le négoce établit deux premières liaisons « compost/paille » sur le Nord-Ouest, la Bretagne et les Pays de la Loire. En mode 100 % digital, Delivagri met en relation, achète, revend et gère la logistique correspondant à ces transactions. En 2021, loin de ses débuts, la start-up a mis sur le marché 180 000 tonnes de matières agricoles pour un chiffre d’affaires de 20,5 M€. À ce jour, avec 93 400 t commercialisées auprès d’une clientèle d’agriculteurs, de coopératives et de fabricants d’engrais, l’activité « Engrais et amendements organiques » continue de tirer l’activité. Mais l’entreprise commerce également de la paille et des fourrages (28 300 t en 2021), des semences, engrais minéraux et autres coproduits ou aliments du bétail (pour un total de 2 835 t) et, depuis deux ans, des céréales (56 000 t en 2021).
Discret, Delivagri a construit, en l’espace de cinq ans, des partenariats commerciaux, un outil de travail, une équipe qui compte désormais 22 personnes et un outil de travail qui intègre, dans sa partie visible, un site internet et, depuis le mois de juin, une application mobile. Sur le plan commercial, « nous avons dit “oui” à toutes les demandes remontées par les agriculteurs et pris le risque de nous disperser. » Quentin de Chabot confirme : « La grande force de Delivagri tient à sa polyvalence et au fait que nous sommes à 100 % sur du service. Sans implantation territoriale, sans infrastructures, notre orientation commerciale se base uniquement sur la meilleure offre produit/prix/quantité. Sur le marché de la paille et du compost en particulier, nous avons apporté de la transparence “prix”. Par mail, par SMS… Nous l’avons écrit et le devis est le même pour tous. On a un peu bousculé les codes à ce niveau-là et cela a énormément compté dans le développement de notre activité. »
Aujourd’hui, Delivagri compte 3 000 clients, en France ou à l’étranger, et dix fois plus de prospects (30 904). Pour fonctionner ainsi, à la croisée du monde agricole et du numérique, l’entreprise a mis sur pied un outil informatique « maison » et un solide réseau de transporteurs. « Notre premier recrutement, en 2017, concernait un poste d’informaticien, évoque le directeur. Dans la foulée, nous avions embauché un logisticien. »
Un négoce agricole en ville
Sur le plan informatique, les deux associés ont démarré avec un tableau Excel. Le défi a été de construire un outil qui ait la même simplicité mais intègre beaucoup plus d’informations et des fonctions de géolocalisation. Au passage, l’entreprise avait également intégré la possibilité pour les salariés de travailler depuis n’importe quel endroit. Une approche qui a permis de passer, sans soubresauts majeurs, les confinements Covid.
Au niveau de la logistique, la société a créé un réseau de 800 transporteurs implantés dans l’Hexagone, en Italie, Espagne, Allemagne, Pologne, Belgique et aux Pays-Bas. Un maillage et une diversité qui ouvrent plus de 3 000 solutions de transport. En interne, la parité logistique, qui permet, une fois le prix entré, de connaître instantanément le lieu de départ optimal, est automatisée. Un facteur de compétitivité et de réactivité supplémentaire !
Singulière dans son mode opératoire, Delivagri l’est aussi dans sa culture d’entreprise. Attachée à l’économie collaborative, la start-up est citadine. Ses 22 salariés opèrent depuis We-Forge, un espace de co-working situé au cœur même d’Angers, dans l’une des rues piétonnes les plus fréquentées. Sans surprise, l’organisation est calquée sur les fonctions vitales : composées de quatre-cinq personnes, les équipes Marchés, Logistique et Informatique représentent – à part quasi égale – les trois-quarts de l’effectif total. Et la tranche d’âge 22-25 ans domine. « Ici, on vient monter en compétence tout en faisant progresser l’expertise de l’entreprise », rappellent les cofondateurs. À 34 et 35 ans, Quentin de Chabot et Damien Pierre sont les vétérans de l’équipe. Le développement de l’activité les a conduits à se répartir les fonctions. Directeur général, le premier est également responsable du marketing, de l’informatique et du management. De son côté, Damien Pierre, qui gère les « marchés clés », est aussi responsable gestion et qualité.
66 % de croissance en 2022
En mai dernier, Delivagri s’est fait un peu plus connaître en annonçant un objectif de 300 000 t commercialisées cette année. Soit une progression d’activité de 66 % ! Inédite, cette communication met en lumière un virage amorcé voilà deux ans. De fait, en 2020, Delivagri a commencé à se positionner sur le marché des céréales (conventionnelles et AB) ; l’an dernier, 56 000 t ont été commercialisées. « Notre objectif de croissance 2022 se concentre sur ce marché des céréales et oléoprotéagineux, explique Quentin de Chabot. Il s’agit d’atteindre 120 000 t, en sachant que nous sommes performants sur des offres standard et spécifique. L’algorithme mis en place ces cinq dernières années nous permet d’ouvrir des débouchés, de créer de l’offre. »
En août dernier, pour préparer cette montée en puissance, l’entreprise a mis en ligne pour la première fois sur son site internet des prix. Comme pour le compost, la paille et l’ensemble de ses produits historiques, la PME aborde ce marché des céréales avec l’esprit « booster ». « Concrètement, si un agriculteur nous dit qu’il ne peut stocker que dix jours, on regarde ! illustre Damien Pierre, responsable de ce marché. De plus en plus également, nous travaillons la qualité des grains ; l’idée est d’ouvrir l’accès à ces marchés qui sont nombreux mais bien souvent de niche. »
En parallèle, pour accompagner ce développement, l’entreprise amorce une vague de recrutement avec l’ouverture d’une dizaine de postes dans les mois à venir. Sans surprise, autour des fonctions clés du transport, du commerce et de l’informatique. Et avec un prérequis à l’attention des postulants : être doté d’une solide capacité d’apprentissage et, tout autant, d’autonomie dans cet apprentissage. « Nous sommes une start-up ! » rappelle Quentin de Chabot.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :