Une coopérative de fruits s’offre une société cotée
Permettre l’accès à ses adhérents à un réseau international de distribution est l’ambition de toute entreprise. La coopérative Fruits de La Réunion, à Saint-Louis, y est arrivée en rachetant une société du second marché spécialisée dans la vente par correspondance.
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Créée en 2002 à l’initiative d’une dizaine de producteurs de fruits qui se sentaient lésés par un privé peu scrupuleux, la coopérative Fruits de La Réunion, à Saint-Louis, va fêter en leader ses 20 ans. Forte de 150 adhérents, elle développe une activité locale et, via ses filiales, une exportation vers la métropole et l’Europe. « Nous avons toujours su que notre salut passerait par des produits festifs identitaires de qualité, que nous serions capables d’exporter avec une logistique de pointe préservant la fraîcheur, explique Guy Noël Etheve, le directeur général. C’est ce qui a conduit le plan stratégique des cinq dernières années. »
100 % de ses adhérents en HVE 2
Les premières actions ont été de mobiliser le plus grand nombre d’agriculteurs vers une production de qualité de fruits locaux, principalement ananas Victoria, mangues, litchis, fruits de la passion et bananes. « Nous avons pris la décision de vendre des intrants, engrais, semences et plants, mais pas de phytos, de façon mutualisée, en 2002. Le matériel, du semis à la récolte, et le service technique ont rapidement suivi », souligne Guy Noël Etheve. Aujourd’hui, 100 % des adhérents sont en HVE 2, et 100 % des producteurs de litchis en bio. La jeune coop a étendu sa gamme aux légumes, tomates, concombre, melon, pastèque, poivrons… Car ses adhérents en produisaient aussi. Et 50 % des volumes partent à l’export, 30 % vers la distribution locale (supermarché, épicerie, marché) et 20 % en transformation (jus, confiture, 4e gamme).
Pour permettre un développement rapide, les dirigeants ont estimé qu’il fallait s’associer à d’autres dans tous les métiers de la chaîne alimentaire. « Nous devons aussi notre réussite aux prises de participation dans des entreprises de logistique, de conditionnement, de respect de la chaîne du froid, de transformation et de négoce », confie Guy Noël Etheve. La coop a ainsi investi plusieurs millions d’euros dans des entreprises locales en quelques années.
La métropole comme cible
Faire connaître les fruits exotiques de l’île, en métropole et en Europe, est rapidement devenu une nécessité pour assurer le revenu des producteurs. « Grâce à une présence régulière au Salon de l’agriculture et à d’autres salons européens, nous avons réussi en quelques années à démocratiser nos fruits, notamment l’ananas Victoria », se souvient le dirigeant. La coop prend contact en 2005 avec un grossiste de Rungis, Jean-Luc Maury, président de la Capexo, qui est encore aujourd’hui son seul interlocuteur en France et qui vend les fruits sous la marque « Lilot Fruits, réserve naturelle de goût ». Les fruits exotiques se retrouvent aujourd’hui chez Grand Frais et dans les grandes enseignes de métropole. Un partenariat gagnant/gagnant qui n’a fait que s’enrichir au fil des années.
L’idée de pouvoir satisfaire en frais à domicile est venue ensuite. La coopérative devient alors fournisseur de Colipays, implanté sur l’île, dont le concept est la vente par correspondance, principalement pour les fêtes de fin d’année, de produits identitaires comme fruits, fleurs, rhum et viande. Chaque client définit dans un catalogue le contenu d’un colis dont le prix varie en fonction du contenu et du poids. En moins de 72 h, la boîte est livrée en métropole, via l’une des quatre compagnies aériennes qui desservent la France. Les fruits cueillis le matin sont analysés, conditionnés et emballés pour partir par le vol de nuit. « Cela permet à nos fruits d’arriver dans un plein état de fraîcheur car nous avons évité plusieurs intermédiaires. Nous sommes vraiment dans le circuit court, affirme Guy Noël Etheve. En plus, vous pouvez imaginer l’aspect affectif de convivialité familiale que cela représente. »
Création de sa propre marque
Conscient du développement de la vente par correspondance, la coopérative lance en 2020 sa propre marque, la « Box fruitée », qui se positionne sur le marché B-to-B, celui des cadeaux d’entreprise. Contrairement à Colipays, le choix est totalement libre et uniquement sur des fruits produits par les adhérents pour des acheteurs locaux. « Vous choisissez une taille de box et ensuite vous la remplissez avec les fruits que vous souhaitez. Pour le reste, tout est identique en termes de fraîcheur et de logistique », précise Guy Noël Etheve.
Rien de plus naturel alors qu’un an plus tard, la coopérative avec une consœur voisine se porte acquéreur de la majorité du capital de Colipays (lire encadré). Cela booste et donne un avenir à l’entreprise dont la moyenne d’âge des adhérents n’est que de 45 ans, avec plus de 20 % de jeunes de moins de 35 ans nouvellement installés. La relève, la créativité et la volonté de développement sont assurées. L’avenir passe sans doute par un élargissement de la gamme et vers des destinations qui devront être plus mondialisées. Une idée fait aussi son chemin. Pourquoi ne pas trouver une réciprocité par des colis régionaux français vers les métropolitains qui habitent l’île. « Nous avons commencé une première expérience avec des boîtes “Provence” », révèle alors Guy Noël Etheve.
Christophe Dequidt
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