Plein gaz sur le colza bas GES
Pionnière, Axéréal met en place une filière diester avec du colza à faibles émissions de gaz à effet de serre. Ce nouveau marché implique un changement de pratiques.
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La filière diester s’organise pour produire du colza bas carbone. Du côté des triturateurs, Saipol a communiqué largement au début de l’hiver. Du côté des organismes stockeurs, c’est Axéréal qui ouvre le bal en lançant son « colza bas GES ». La coopérative a mis en place une procédure et un logiciel pour calculer les gaz à effet de serre chez ses adhérents.
La Commission européenne somme depuis 2009 (directive 2009/28/CE du 23 avril) la filière biocarburant de diminuer ses GES, de la culture jusqu’à la station essence. Après la mise en place de procédés industriels à partir d’énergie renouvelable, c’est maintenant au tour des agriculteurs et collecteurs de baisser leurs émissions. Normalement, elles auraient dû diminuer de 50 % en 2018, par rapport aux carburants fossiles de référence. L’Europe a toléré un report en 2020, mais pas davantage. La défiscalisation du secteur, avec la minoration du taux de la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (Tirib), est en jeu.
L’enjeu de la collecte des données
Jusqu’à présent, les émissions étaient calculées par défaut, avec une valeur régionale Nuts 2. Dorénavant, cette valeur devra être calculée avec les pratiques agricoles du terrain, à l’échelle de chaque exploitation. Axéréal, dont le siège est situé à Olivet, en région Centre-Val de Loire, possède une valeur par défaut à 683 g éq CO2/kg. La coopérative a décidé d’attribuer une prime à ses adhérents qui livrent du colza sous la barre des 500 g éq CO2/kg. Cette baisse va demander un changement important des pratiques culturales (lire p. 29) pour les agriculteurs et les conseils des TC.
L’autre enjeu réside dans la récupération et l’enregistrement des données. Pas simple de collecter les données quand les adhérents utilisent différents outils de traçabilité : carnet de plaine, Excel, Mesparcelles, Smag… Pour l’instant, Axéréal cible uniquement ceux qui utilisent son application, nommée Synchroo, développée depuis 2018 par la start-up Wiuz. Ainsi, la coop a accès directement aux données saisies par l’agriculteur. Une partie a été retravaillée pour obtenir un système de données, uniforme et exploitable, spécifique au colza bas carbone. Axéréal planche depuis longtemps sur ce sujet, comme l’explique Pierre Toussaint, directeur des filières (photo) : « Nous avons fortement développé nos filières et la démarche d’agriculture durable CultivUp. Plus de 3 000 agriculteurs entrent dans ce dispositif et l’outil Synchroo est disponible gratuitement pour tous les adhérents. Il est obligatoire pour bénéficier d’un engagement en filières. »
Un calculateur maison
Puis la coopérative a mis au point un calculateur, c’est-à-dire un logiciel qui attribue le poids des émissions de CO2 en fonction des pratiques agricoles. Développé en interne, l’outil permet d’utiliser un modèle d’identification de la valeur GES, reconnu par la Commission européenne (en conformité avec la directive 2009/28/EC modifiée par la directive 2015/1513 article 19 et l’annexe V). Une fois collectées, les tonnes de colza bas carbone ne sont pas tracées. Le chiffrage des émissions de gaz à effet de serre correspond à un bilan massique. La coop travaille avec un groupe d’agriculteurs pilote, mais n’a pas encore d’idée précise sur le nombre d’adhérents qui pourraient être éligibles au colza bas GES pour cette année, et ne souhaite pas donner les objectifs de commercialisation.
Le marché devrait vite évoluer
Sur les 350 000 t de colza collectées destinées aux biocarburants, cela reste anecdotique pour 2019. Pour inciter les agriculteurs à produire du colza bas carbone, Axéréal met en place une prime, qui devrait fluctuer entre 3 et 20 €/t, en fonction de la valeur de GES obtenue et des besoins du marché. « Les clients sont français, mais aussi européens. Ce marché bas carbone est très actif en Allemagne », indique Pierre Toussaint. Est-ce que cette incitation sera suffisante pour lancer la filière ? Face à la pression de Bruxelles, le marché devrait rapidement évoluer.
Aude Richard
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