Nouvelle Aquitaine - Occitanie Rebondir après une année difficile
En plus de l'inflation, les opérateurs ont dû faire face à des récoltes en baisse et une nouvelle crise de la grippe aviaire. Pour y répondre, diversification et repositionnement des enseignes commerciales sont parmi les clés de la réussite. Mais le manque d'eau inquiète.
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« Dans un contexte chahuté, nous gardons notre ambition de développer nos terroirs ! », s'exclame-t-on chez Terres du Sud. Car dans le Sud-Ouest, peut-être plus qu'ailleurs, l'année fut difficile. Aux tensions liées à la guerre en Ukraine et à l'inflation sont notamment venues s'ajouter une collecte en berne du fait de la sécheresse et la poursuite de la problématique liée à la grippe aviaire. Côté collecte, « on peut évaluer les pertes dans la région à 30 % sur le blé et à près de 50 % sur le maïs, estime Philippe Sommer, délégué régional de LCA Nouvelle-Aquitaine. Et, si les prix de vente ont augmenté, les marges ne sont pas aussi importantes du fait des intrants qui sont aussi plus chers. » Chez Océalia, les prévisions de récolte 2022, été et automne, atteignent péniblement 1,12 Mt, « soit à peine plus que 2020, historiquement la plus basse de la coopérative », compare le DG, Thierry Lafaye, avec des rendements en blé autour de 53 q/ha, contre 65-70 q/ha habituellement. En cause, la sécheresse, avec des restrictions, voire interdictions locales d'irrigation. Chez Terre Atlantique, « la collecte de céréales est la plus faible depuis très longtemps, pire qu'en 2011 », compare le DG, Christian Cordonnier, évoquant des rendements en blé inférieurs en moyenne à 50 q/ha.
Des besoins accrus en trésorerie
L'autre point de préoccupation des OS, c'est la volatilité des cours des céréales, « qui a donné des cheveux blancs aux opérateurs pour fixer les prix moyens et pour les appels de marges », relate Philippe Sommer. Christian Cordonnier témoigne d'écarts de prix de 30 €/t en quelques jours. Après le Covid, entre la volatilité, l'énergie, les tensions en appros, « tous les jours, il faut gérer une problématique jamais traitée, soupire le directeur. On aimerait retrouver plus de sérénité et se concentrer sur l'accompagnement des agriculteurs. » Autre sujet : la trésorerie. « Le financement des entreprises est un gros dossier, avec des besoins en trésorerie vu l'augmentation des prix des céréales et des matières premières », appuie Simon Aimar, le nouveau directeur du Naca.
« Tous les jours, il faut gérer une problématique jamais traitée »
Cela dit, les premiers résultats présentés semblent moins noirs que lors des années Covid, à l'image de Maïsadour qui renoue avec la profitabilité après plusieurs années de tangage. Chez Océalia, Thierry Lafaye se félicite des bons résultats de l'exercice 2021-2022, malgré la hausse des charges, avec un CA groupe qui passe la barre du milliard d'euros, un résultat net à 12,9 M€ et un EBE groupe de 33 M€. « L'ensemble des filiales pèse en gros 35 % du CA groupe, mais elles contribuent à 63 % à l'EBE consolidé, précise le DG. L'objectif est d'aller chercher de la valeur pour investir sur nos métiers de base et sur la transition agricole et alimentaire. » Le groupe a aussi lancé la démarche Le Sillon Responsable, pour accompagner les agriculteurs sur différentes thématiques, comme l'eau, la fertilité des sols ou la biodiversité. « C'est notre traduction du produire plus et mieux », résume le directeur.
Poursuite des investissements
« 2022-2023 sera un exercice beaucoup plus délicat, prévient Thierry Lafaye. On aura des difficultés à répercuter l'ensemble des hausses des coûts sur les activités. » S'il n'est pas question de reporter les investissements prévus, « nous serons néanmoins extrêmement vigilants, et nous regarderons toutes les économies possibles ». Au-delà de ces inquiétudes, les acteurs continuent de mobiliser leurs capacités d'investissement. Fin mai 2022, le groupe Piveteau, épaulé par les coopératives de Mansle et Entente agricole, a inauguré à Lupsault (Charentes) l'outil Chantegrains, qui propose des prestations de travail du grain à la carte en conventionnel et en bio. Si les inquiétudes perdurent sur le tassement de la demande en bio, les OS poursuivent leur engagement. La SAS Aquitabio regroupant Cap Faye, CEA Loulay, Océalia, Union Entente des coopératives et Sèvre et Belle, a inauguré mi-septembre son premier outil en propre à Beauvoir-sur-Niort (Deux-Sèvres), d’une capacité de 11 500 t.
Contractualisations et partenariats
Euralis met en avant de son côté sa volonté de « décarboner et de produire nos énergies », comme le dit son responsable énergies, Olivier Rebenne. D'où un plan quinquennal pour « saturer nos toitures et produire notre électricité », qui permettra aussi de faire face à l'inflation. Vivadour compte installer des panneaux photovoltaïques, ce qu'ont déjà fait Maïsadour depuis plusieurs années et Lur Berri avec une ombrière dans sa filiale Labeyrie Fine Foods en 2020. Cette dernière a l'intention de diminuer de 10 % la consommation d'eau par kilogramme de produit fini d'ici à trois ans.
Pour les coopératives, l'enjeu est aussi de répondre à la nécessité de diversification de leurs adhérents. Un incontournable pour Euralis, l'une des deux seules coops de France à s'être orientée vers le conseil. Pour elle comme pour les autres, l'ambition est de conforter ces nouvelles propositions de cultures par des partenariats, voire des contractualisations, avec l'aval. Ainsi, Euralis a lancé une filière légumes secs avec Bonduelle et s'est engagée dans la production de plus de 6 000 t de maïs grain issu de l’agriculture régénératrice pour la production de whisky par Irish Distiller (filiale de Pernod-Ricard). Arterris a noué une entente avec la Compagnie des amandes. De son côté, Vivadour a créé une nouvelle filière veau sur paille. C'est très souvent aussi la qualité qui est recherchée : Labeyrie Fine Foods (détenue par Lur Berri et PAI Partners) vise, par exemple, « 100 % de ses matières premières stratégiques dans une démarche de labellisation ».
Révolution dans les magasins
Davantage de produits locaux, de qualité, de protéines végétales..., les structures cherchent à répondre aux évolutions de la consommation. Notamment en changeant les concepts de leurs magasins. Arterris ambitionne ainsi que ses clients fassent « leurs courses de A à Z » dans ses magasins Marché Occitan, qu'elle développe depuis l'an dernier. Cette enseigne est notamment vouée à remplacer les magasins Larroque et Fermiers occitans. Avec deux finalités : « sortir de la canard dépendance » en ces périodes de turbulence liée à la grippe aviaire mais aussi, « trouver des débouchés sur des gros volumes » pour les fruits et légumes des adhérents, comme l'explique Laura Trova, la responsable marketing. Dans les cinq ans, Arterris projette d'avoir 18 boutiques MO et d'y réaliser 30 M€ de chiffre d'affaires.
À destination des agriculteurs cette fois, Terres du Sud a regroupé les magasins Terres du Sud et SdA Négoces sous l'enseigne Agrifeel Contact. « Le concept, explique le groupe, est de renforcer la proximité avec les agriculteurs en créant des centres de vie territoriaux dans lesquels, en plus des gammes historiques (phyto, semences, engrais), nous élargissons aux gammes d'agroéquipements, de pièces détachées et d'irrigation et de matériels agricoles. Actuellement, nous disposons d'un réseau de 19 magasins Agrifeel Contact, dont huit vont bénéficier d'un programme d'investissement significatif d'ici à 2025. »
Rapprochement en vue dans le foie gras
De nouvelles marques sont également commercialisées. Signalons « L'engagement paysan », marque de « viande éthique » d'Unicor. Mais, au rayon élevage, ce sont surtout les investissements importants dans l'outil de transformation qui sont à noter. Ainsi, Unicor et Capel mobilisent 15 M€ pour la modernisation du site de transformation de palmipèdes de leur filiale commune, la Quercynoise, à Gramat (Lot). Et Maïsadour a dépensé 15 M€ dans l'agrandissement et la modernisation de son usine dédiée au poulet jaune à Condom (Gers). Là, l'ambition est de voir le chiffre d'affaires progresser de 20 % en trois ans.
La coopérative landaise a également racheté les 49 % des parts que détenait Terrena dans la société Fermiers du Sud-Ouest, sa filière volailles. Maïsadour est désormais seul propriétaire. Un autre mouvement est en cours : Maïsadour et Euralis souhaitent fusionner leurs activités foie gras. Ce rapprochement est actuellement sur la table de l'Autorité de la concurrence, qui a néanmoins demandé l'ouverture d'une phase d'examen approfondi. À elles deux, Euralis et Maïsadour représentent 45 % des canards français. Mais, comme l'indique Philippe Sommer, « on sait que le nombre de canards va baisser et donc qu'il faudra redimensionner la filière aval ».
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