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4 clés pour garder la main face au changement

Philippe Silberzahn, professeur en stratégie à l’emlyon business school.

Comment reprendre le dessus dans un monde qui change ? Philippe Silberzahn (*) invite les entreprises à questionner les modèles avec lesquels elles fonctionnent afin d’envisager les alternatives à mettre en place pour s’adapter aux changements qui les impactent ou les entourent et en tirer parti. Ce professeur a déjà été amené à intervenir en tant que conférencier durant des assemblées générales de coopératives agricoles.

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Faire un inventaire. Les modèles d’entreprise sur lesquels nous nous sommes appuyés durant des années changent. Certains d’entre eux se fragilisent, voire s’effondrent, quand d’autres émergent ou semblent émerger comme le circuit court, le local. Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation où se côtoient des modèles fragilisés ou qui disparaissent et des modèles émergents dont certains vont continuer et d’autres s’arrêter. Tout ce contexte crée une forte incertitude et interroge. Doit-on lâcher la proie pour l’ombre ou s’attacher à son modèle historique au risque de rater l’innovation ? Des organisations peuvent même se retrouver en danger si elles font le mauvais choix. En outre, le changement s’accompagne de tout un jargon qui amène plus de confusion que de clarté.

Alors comment bien gérer une situation de changement, d’autant qu’elle peut être accompagnée de risques inhérents à la façon dont elle sera perçue. Nous pouvons en effet nous retrouver face à un danger de sidération, entraînant la paralysie, si le cerveau ne sait pas donner un sens à ce qui se passe ou encore face à un danger d’enfermement.

Dans un premier temps, j’invite à réaliser un inventaire des grands modèles qui régissent le secteur agricole, que ce soient les modèles économiques, financiers, d’organisation… Et de constater lesquels sont en danger, ceux qui se stabilisent et ceux qui émergent, et ce que cela signifie. On peut aussi étudier les acteurs en jeu, notamment pour les modèles émergents.

Questionner les modèles. Ensuite, l’entreprise va pouvoir analyser dans quelle mesure les modèles de son secteur et les siens sont fragilisés. Quand un Comex se saisit de la question, il doit rester très pragmatique dans son analyse de la situation en questionnant ce qui lui avait semblé évident à l’origine de son modèle et en observant également le modèle de ses concurrents. Il pourra ensuite envisager des alternatives.

Mais ce n’est pas toujours psychologiquement simple de remettre en cause un modèle qui a été à la base de notre réussite. Cette démarche est susceptible de générer des peurs qui peuvent soit paralyser toute action, soit galvaniser.

Ne pas se laisser paralyser. La peur n’est en effet pas forcément un élément négatif ; c’est un système d’alerte de notre organisme face à un danger. Aussi, l’entreprise doit bien en prendre conscience pour ne pas se retrouver paralysée par le changement. Au contraire, elle a tout intérêt à organiser des réunions de réflexion et de travail, y compris avec ses parties prenantes, autour de la remise en cause de ses modèles.

Prenons pour exemple les attaques subies par l’agriculture. L’enjeu est alors de comprendre ce qui se passe, notamment les postures des personnes hostiles. Comprendre ne signifie pas excuser les actes, mais permet de bien percevoir la situation afin d’en avoir les clés de compréhension avant de s’interroger sur son modèle. Au même titre qu’il est important d’avoir les clés de compréhension de toutes ses parties prenantes.

Et face à ce type de situation, le monde agricole peut avoir une action influente auprès de la société en adoptant une communication intelligente. Il a le droit de se défendre, et pas uniquement en faisant de beaux produits.

Être pragmatique et ouvert. Pour entreprendre tout ce questionnement, il est essentiel de bien observer son environnement avec un grand esprit d’ouverture et de ne pas porter de jugement afin d’éviter de tomber dans l’enfermement. Certains ont ainsi loupé le train du digital, à l’exemple d’un distributeur de produits vétérinaires qui ne voulait passer que par les vétérinaires alors que les ventes se développaient sur internet. Il s’agit alors d’avoir la capacité de réinventer son mode de fonctionnement. Mais tout n’est pas forcément à remettre en cause. Ainsi, le technico-commercial continuera d’apporter de la valeur auprès des agriculteurs, mais avec des missions qui évoluent.

(*) Philippe Silberzahn est professeur de stratégie à emlyon business school après avoir été entrepreneur et dirigeant d’entreprise durant vingt ans. Il conduit notamment des travaux sur la façon dont les organisations peuvent se transformer pour gérer les surprises, les ruptures et les situations d’incertitude radicale auxquelles elles sont confrontées. Il a d’ailleurs publié un ouvrage portant sur le sujet : « Bienvenue en incertitude : survivre et prospérer dans un monde de surprises ».

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