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VU AUX PAYS-BAS Vion, un modèle économique unique en action

Au siège, à Boxtel (Pays-Bas), Vion Food Group dispose également de son plus grand site de production où il abat 4,7 millions de porcs par an.

Vion Food Group s’est rendu incontournable en proposant en vingt ans une grande segmentation du marché de la viande. Parmi les leaders mondiaux, il a su au fil du temps adapter son offre, tout en répondant à la demande sociétale sur les sujets de l’environnement et de la sécurité alimentaire.

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L’histoire du groupe international Vion est récente et fortement liée au syndicalisme. Avant les années 2000, les abattoirs néerlandais étaient aux mains des acheteurs privés qui n’avaient comme objectif qu’une rentabilité immédiate de leurs outils. De par l’importance des élevages bovin et porcin dans l’agriculture néerlandaise, la ZLTO, branche sud du LTO (équivalent néerlandais de la FNSEA), a jugé que ce manque de durabilité était trop dangereux et a donc décidé de prendre la main. En 2003, elle crée Vion, qui va racheter la grande majorité des abattoirs pour rassurer les éleveurs en proposant une stabilité de prix, une vision économique à long terme et une réponse aux demandes sociétales. Abattant désormais 86 % des bovins et 90 % des porcs du pays, l’entreprise est non seulement empereur en son royaume, mais aussi l’un des leaders sur le marché international.

Des débouchés diversifiés

Le débat actuel autour du « plan azote », qui implique une réduction de 50 % du cheptel bovin aux Pays-Bas, n’inquiète pas outre mesure Bert Urlings, directeur qualité et relations publiques de Vion Food Group. (© C. DEQUIDT)

Vion a créé une relation durable avec les éleveurs en leur donnant une totale liberté d’approvisionnement des abattoirs. « Nous ne donnons pas de conseils techniques aux éleveurs, par contre nous encadrons leur production pour qu’elle satisfasse aux critères de qualité et de réponse environnementale », précise Bert Urlings, directeur qualité et relations publiques du groupe. « Des échanges réguliers sont élaborés avec les autres acteurs comme les marchands d’aliments ou de produits vétérinaires. Notre objectif est de baisser considérablement l’usage des antibiotiques et de l’alimentation à base d’OGM. »

Ancien professeur d’université, spécialisé dans le développement durable, Bert Urlings insiste sur un point fondamental. « Dans le développement durable, il y a aussi l’économie et la rentabilité. Il ne faut jamais l’oublier, nous sommes là pour créer de la valeur ajoutée qui reviendra aux éleveurs avant tout. » Vion a choisi de diversifier ses débouchés par type de viande. Par exemple, les têtes et les pieds des porcs partent en Chine, les ribs pour les États-Unis, le bacon pour l’Australie… Rien ne se perd, tout se valorise, avec une grande segmentation pour être incontournable.

Dans le porc, rien ne se perd : chaque morceau est fléché vers une destination mondiale différente. (© C. DEQUIDT)

Baisse « inéluctable » du nombre d’animaux

Le débat actuel aux Pays-Bas autour du « plan azote » et la proposition de diminuer de moitié les émissions d’azote d’ici à 2030, ce qui implique une réduction de 50 % du cheptel bovin national et la fermeture de 5 % des exploitations du pays, ne l’inquiète pas. Elle semble même intégrée dans la stratégie du groupe. « La baisse du nombre d’animaux est inéluctable dans notre pays. Il faut l’admettre et agir en conséquence plutôt que de manifester et bloquer le pays. Il faut savoir prendre les opportunités de ce type de décision. » Bert Urlings se souvient de la même réaction en 1992 lorsque le monde agricole évoquait une impossible adaptation. Moins de 15 ans plus tard, les niveaux de production étaient redevenus identiques. Il prédit la même chose pour la diminution des animaux voulue par l’État. « Nous retrouverons un niveau identique en volume d’ici 2030 voire 2035 mais bien sûr avec moins de fermes. Les plus rentables continueront d’exister, pas les autres. Au Danemark, il reste moins de 800 producteurs de porcs alors que c’est un pays leader. »

Vion a pris la main sur la responsabilité sociétale. « C’est le consommateur qui est maître du jeu, constate Bert Urlings. Il n’y a pas à avoir d’états d’âme. À nous de savoir adapter notre offre, tout en répondant aussi à la demande sociétale sur l’environnement, la sécurité alimentaire et le bien-être animal. » Vion a mis au point des logiciels, notamment FarmingNet, qui permettent de calculer l’empreinte carbone de toutes ses productions de façon microéconomique et segmentée. Pour ce faire, l’entreprise a besoin de data en provenance des exploitations agricoles partenaires. « Ce n’est pas une difficulté ; si les agriculteurs savent à quoi servent les données, ils les fournissent. De toute façon, s’ils ne jouent pas le jeu, ils sont exclus. »

La neutralité carbone pour 2050

Concernant l’empreinte carbone, Bert Urlings se veut offensif. « Nous avons défini une politique qui doit nous amener à une neutralité en score 1 pour 2050 et en score 2 en 2030. Nous allons nous y tenir. » Il n’est absolument pas en accord avec les représentants du gouvernement sur le principe que les animaux, notamment les ruminants, sont de gros pollueurs. « Nos responsables politiques restent ancrés sur les accords de Paris qui ont comme référence les grands élevages anglo-saxons du type feedlots, avec des taux de chargement par hectare scandaleux. C’est une erreur fondamentale car ce n’est absolument pas le cas chez nous. Nos discussions butent sur les unités puisque nous revendiquons une référence exprimée en équivalent CO2 pour 100 g de protéines, alors que l’État raisonne en équivalent CO2 par tonne. Vion et ses experts peuvent prouver aujourd’hui qu’un élevage de vaches à viande bien géré aux Pays-Bas est cinquante fois moins polluant qu’aux États-Unis. » Bert Urlings souhaite le faire savoir. Une pédagogie importante est nécessaire pour que l’agriculture européenne puisse survivre et continuer à se développer.

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