Blé dur Une dynamique qui se fait attendre
Le marché mondial du blé dur est, cette année encore, tendu. Conséquence : les cours sont plutôt élevés. Ce qui n'empêche pas les surfaces de diminuer en France. D'où la nécessité pour la filière de mettre à exécution son plan stratégique.
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Pour la deuxième année consécutive, le marché du blé dur est « sous tension ». Comme l'a expliqué Yannick Carel, chargé d'études économiques chez Arvalis, lors de la 25e journée de la filière à Labège (Haute-Garonne), le 1er février, cette situation est due à des niveaux de stocks prévus, fin juin 2023, « au plus bas depuis quinze ans ». Ces stocks devraient s'établir autour de 24 % de la consommation, « alors qu'on est d'habitude autour de 31 % », reprend le spécialiste. De fait, se félicite Albert Mathieu, directeur général de Panzani, « le marché des pâtes alimentaires est dynamique. Sur le dernier trimestre 2022, il a augmenté de 3 à 4 %, voire de 10 % en décembre ! »
Dans cette situation, les cours montent. « Depuis le début de la campagne, les niveaux de prix du blé dur sont relativement élevés, supérieurs à ceux de 2014, qui étaient déjà relativement hauts, indique Yannick Carel. L'écart blé tendre - blé dur est globalement supérieur à 100 €/t. » Début février, un « tassement » était toutefois observé.
Nouveau recul attendu
La récolte mondiale de 33,7 Mt, en hausse sur un an mais équivalente à la moyenne quinquennale, n'aura donc pas suffi à limiter ces tensions. Les productions canadienne et états-unienne ont retrouvé des couleurs, le Mexique et la Turquie sont « deux outsiders bien placés ». L'Europe, en revanche, souffre. L'Hexagone a connu en 2022 sa « deuxième plus mauvaise récolte sur ces dix dernières années », avec 1,34 Mt. « Ceci, reprend Yannick Carel, est lié aux rendements plus faibles, mais surtout à l'érosion des surfaces. La France a 250 000 ha de blé dur, soit 100 000 ha de moins qu'il y a trois ou quatre ans. » Et cette tendance pourrait se poursuivre, avec, dans l'Hexagone, une baisse de 5 à 10 % des surfaces de blé dur anticipée pour la prochaine campagne.
C'est l'export qui souffre le premier de cette baisse de production. Ainsi, « sur la campagne 2022-23, 800 000 t ont été vendues vers l'Union européenne, soit une baisse de 20 % par rapport à la moyenne quinquennale », compte l'expert. Vers les pays tiers, la chute serait de 60 %, avec 100 000 t commercialisées.
Cinq facteurs de prix
On le voit, la filière française a du pain sur la planche. Elle le sait d'ailleurs, puisqu'elle a lancé l'an dernier son plan stratégique. « Nous n'avons plus droit à l'erreur », alerte Jean-François Loiseau, président d'Intercéréales. Quatre axes de travail ont donc été enclenchés pour regagner des surfaces. « Le premier point, c'est la contractualisation, pour que les agriculteurs diminuent leur prise de risque », indique Bertrand Oudin, du cabinet Ceresco. Il évoque un prix qui pourrait être calculé en fonction de cinq facteurs : le prix du marché, le coût de production, la qualité, et deux primes (fixes) sur le cahier des charges et l'engagement à long terme. « Quand nous ne sommes pas les premiers en termes de volume, nous devons être les meilleurs », exhorte Jean-François Loiseau. Ce qui n'est pas le cas, puisque « nos clients du pourtour méditerranéen vont chercher la qualité ailleurs ».
Deux cahiers des charges
L'idée serait de construire un cahier des charges « socle » pour l'ensemble de la filière et un autre « premium », « plus ambitieux notamment sur le bas carbone », détaille Bertrand Oudin. Reste la question de la sélection variétale et de l'agronomie pour parvenir à « des blés durs de haute qualité de transformation tout en étant moins gourmands en intrants azotés » et plus résilients face aux aléas climatiques. Là, « il faut qu'on continue à chercher des modes de financements innovants », admet l'expert. Et le président d'Intercéréales de conclure, sur le même mode que lors de la journée filière 2022 à la Rochelle : « Tous les acteurs devront être coresponsables pour mettre un peu de moyens dans la génétique. Si nous ne sommes pas organisés et volontaires, l’État ne nous accompagnera pas. »
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