BLÉ DUR De nouveaux acteurs bousculent l’ordre établi
Le marché mondial du blé dur reste tendu, avec des stocks de fin de campagne qui s’annoncent faibles et une production qui ne redémarre pas en Europe. Dans ce contexte, la Turquie, la Russie et le Kazakhstan émergent en tant que nouveaux pays exportateurs.
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La tension persiste sur le marché mondial du blé dur cette année. Des récoltes catastrophiques dues à la sécheresse dans les pays importateurs (3,5 Mt en Algérie, Maroc et Tunisie), une qualité variable dans les pays européens et une production au plus bas pour les principaux exportateurs (Canada, États-Unis, Union européenne et Mexique) contribuent à cette situation. Le Canada a évité la catastrophe avec une production de 3,4 Mt pour la campagne 2023-2024, grâce à des températures relativement élevées et favorables au développement de la biomasse. Au début de l’été 2023, « l’offre en blé dur était au plus bas historiquement avec une production mondiale d’environ 30 Mt », soulignait Alexandre Marie, analyste en chef chez Argus Media France, lors de la 26e journée de la filière, le 6 février, à Orléans (Loiret). Les prix du blé dur étaient alors élevés : 400-450 €/t rendu La Pallice en juillet 2023.
25 % du commerce à eux trois
Les cours auraient sûrement grimpé davantage sans l’intervention de la Turquie, qui a débloqué ses exportations en juillet dernier avec un prix compétitif de 320 $/t en fob. « En tout, elle a exporté 1,3 Mt entre juillet et novembre, multipliant par 25 ses exportations », précise l’analyste. Traditionnellement importatrice de blé dur, la Turquie avait modifié sa stratégie à la suite de la sécheresse de 2021, en interdisant les exportations de pâtes en base blé dur pour satisfaire la demande domestique tout en exportant des pâtes en base blé tendre. Aussi, des investissements dans le canal Mardin-Ceylanpinar ont été engagés pour irriguer 85 000 ha de grandes cultures dans le sud-est du pays.
La Turquie s’est ainsi retrouvée détentrice de stocks, ainsi que ses voisins : le Kazakhstan et la Russie. Cette dernière a en effet déployé un plan national visant à booster la production pour atteindre 2 Mt d’ici 2025 (contre 0,6 à 1 Mt/an en moyenne)« Les écarts de prix entre blés dur et tendre sur le marché de référence de La Pallice ont atteint 150-180 €/t entre janvier et juillet 2023, ce qui a poussé ces pays à exporter », poursuit Alexandre Marie. Ainsi, sur la campagne 2023-2024, le bloc Russie-Turquie-Kazakhstan a couvert 25 % de la demande mondiale.
Pour 2024-2025, Argus Media s’attend à ce que ces trois nouveaux acteurs représentent encore 20 % des exportations, en raison de faibles coûts de production(environ 150-200 $/t en Turquie) et d’un différentiel blé dur/blé tendre toujours attractif (80-100 $/t).
La France en berne
De son côté, la France essuie en 2023 « sa plus mauvaise récolte des dix dernières années », indique Yannick Carel, chargé d’études économiques chez Arvalis. Cette baisse se traduit par des exportations en berne vers les pays tiers, passant de plus d’un million de tonnes il y a dix ans à 100 000, 120 000 t actuellement. L’Algérie, principal marché historique, a tout simplement disparu. L’utilisation domestique se stabilise autour de 630 000 t/an et représente 40 % des débouchés, le reste est vendu aux autres pays de l’Union européenne, principalement l’Italie.
En ce qui concerne la campagne en cours, les conditions climatiques incertaines (précipitations abondantes dans l’Ouest et sécheresse dans le Sud-Est) pourraient entraîner un recul des surfaces de 25 000 ha. Arvalis estime que la production française 2024 pourrait être comprise entre 0,9 et 1,2 Mt en fonction de la réalisation des semis restants dans l’Ouest et de l’état des blés en sortie d’hiver.
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