La meunerie peine à récupérer ses marges
Après cinq années de recul, l’indicateur de marge brute de la meunerie est revenu en 2023 à son niveau de 2017. Malgré cette tendance positive, la situation économique des moulins reste préoccupante.
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En 2023, le chiffre d’affaires de la meunerie française a augmenté de 3 % pour un total de 2,21 milliards d’euros (Mds€). La production de farine était en léger recul (-1,7 %) avec 3,86 millions de tonnes (Mt). « Malheureusement, l’évolution du chiffre d’affaires ne s’est pas traduite par une croissance de la rentabilité », souligne Anne-Céline Contamine, directrice de l’Association nationale de la meunerie française (ANMF). Lors de sa convention annuelle fin juin, l’organisme a fait part d’une dégradation de 52 % de l’indicateur de marge brute entre 2017 et 2022. En cause : une forte hausse des charges fixes (électricité, salaires, prix du blé), qui n’a pas suffisamment été répercutée sur le prix de la farine.
Des charges élevées
Si les prix du blé tendre ont été moins soutenus en 2023 qu’en 2022, il n’en reste pas moins que leur niveau a été élevé au cours de la campagne, notamment au premier semestre. D’où une hausse des charges pour l’approvisionnement en matières premières. « Le prix de la farine étant indexé sur celui du blé, cela n’aurait pas posé de problème si les charges fixes n’avaient pas augmenté aussi drastiquement, indique Jean-Jérôme Javelaud, dirigeant du Moulin de Signy-l’Abbaye (Ardennes) et administrateur à l’ANMF. Seulement, entre 2022 et 2023, les investissements ont augmenté de 25 % et les taux d’intérêt sont passés de 0,5 à 4 %, sans parler du prix de l’énergie. »
En effet, le coût du kilowattheure a été multiplié par deux, passant de 14,9 à 30,1 centimes d’euros entre le second semestre 2022 et le premier semestre 2023. Dans sa lettre Environnement économique de la meunerie, datée de juillet 2024, l’ANMF précise que la France est devenue le « troisième pays européen où l’électricité est la plus chère », perdant ainsi un élément de compétitivité important par le passé. L’organisation insiste aussi sur l’importance des charges salariales qui ont augmenté de « 35 % entre 2008 et 2023 », faisant de la France « le pays européen qui dépense le plus de frais personnels ».
Malgré un contexte d’inflation toujours présent en 2023, + 7,2 % pour l’alimentation et + 3,7 % dans l’ensemble (source Insee), le prix de la farine boulangère artisanale (BA) n’a pas augmenté. Pire, il a baissé. Entre janvier et décembre 2023, l’indice des prix à la consommation (IPC) de la farine BA est passé de 127,7 à 116,8 d’après l’Insee, soit une déflation de 8,5 points sur un an.
Marge nette négative en 2022
D’après l’Observatoire de la formation des prix et des marges, la marge brute pour les meuniers – soit la différence entre le prix de vente de la farine par les meuniers et le prix d’achat du blé aux organismes, hors frais de transport et autres charges de production – est revenu à son niveau de 2017. Elle était de 0,25 €/kg de baguette en 2017, elle est de 0,27 €/kg en 2023 (voir infographie). À l’époque, l’indicateur de marge brute représentait 7,5 % du prix HT du kilogramme de baguette. En 2023, il ne représente plus que 7,2 %. Ce rétablissement partiel de la marge brute était un élément attendu par les acteurs de la meunerie. Selon l’ANMF, il permettrait de réaliser une marge nette, certainement faible, mais positive en 2023. Celle-ci était en effet devenue négative (-1,3 % du chiffre d’affaires) en 2022, une première depuis le lancement en 2010 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
Appel aux pouvoirs publics
En 2024, la tendance à la baisse se poursuit pour le prix de la farine, qui a chuté de 10,1 % entre les mois d’avril 2023 et 2024, tandis que celui de l’alimentation a grimpé de 1,1 % sur la même période selon l’Insee. « Nous appelons à la baisse des charges sociales et patronales », a martelé Jean-François Loiseau, président de l’ANMF, lors de la convention annuelle de la filière, insistant ainsi sur la nécessité pour les pouvoirs publics d’agir pour la compétitivité des entreprises françaises, surtout dans un contexte de récolte catastrophique (25,17 Mt d’après Argus Media France).
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