Premier palier pour le soja français
Après plusieurs années dynamiques, les surfaces de soja en France progressent moins. Parviendront-elles à atteindre les 250 000 ha en 2025 visés par l'interprofession ?
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Il revient de loin : sa sole était descendue à 38 000 ha en 2012. En quelques années, le soja s'est refait une santé et a dépassé la barre des 150 000 ha l'an dernier. La France est même devenue le premier producteur européen. « La filière a atteint un niveau de maturité suffisant et un réel savoir-faire dans le sud et l'est de la France, estime Françoise Labalette, ingénieure chez Terres Univia. Le deuxième jalon, ce sera 200 000 ha. À partir de ce moment-là, du soja va commencer à être inséré au-delà des bassins traditionnels. » Ensuite, la filière compte bien atteindre les 250 000 ha en 2025, cette surface correspondant aux 500 000 t de tourteaux de soja non OGM importés chaque année par la France que Terres Univia souhaite substituer par des tourteaux produits localement.
Opérationnelle depuis la récolte 2018, la charte Soja de France, qui garantit des produits non OGM, tracés, durables, d'origine France, pour une prime autour de 15 €/t, est censée pousser l'ensemble de la filière. Environ 10 % des 400 000 t de la récolte française de soja auraient été « chartés » en 2018, informe Françoise Labalette. Pour 2019, Terres Univia estime que le soja va encore progresser, mais ne dépassera guère les 160 000 ha. Les prix discountés de la graine sont bien entendu en cause dans le contexte de guerre commerciale sino-américaine. Quant à l'aide recouplée, elle a été annoncée pour la récolte 2018 à 38 €/ha, alors qu'il faudrait « 100 ou 150 €/ha ». Ce n'est donc pas ça qui va compenser ! « On rentre dans le dur, reconnaît-elle. Il faut qu'on arrive à porter collectivement ces valeurs jusqu'au consommateur. » C'est pourquoi Terres Univia vient d'initier un premier partenariat avec la marque Bleu-Blanc-Coeur qui va s'approvisionner en soja charté. Son directeur, Pierre Weil, le certifie : « Fin 2022, il n'y aura plus de tourteaux importés chez Bleu-Blanc-Coeur. » Sanders-Euralis, lié à l'outil Sojalim, a déjà cessé ses importations. À la suite d'un partenariat avec Carrefour initié il y a deux ans, la coopérative porcine Fipso a quant à elle fait la moitié du chemin. La dynamique est bien là dans le Sud-Ouest.
En Bourgogne-Franche-Comté, « la filière soja régionale traverse un moment de doute », admet en revanche Frédéric Moine, DG de Terre comtoise, dans sa dernière lettre d'infos. La coop a contractualisé 1 000 ha en 2018 dans le cadre de l'adhésion à la charte Soja de France. « La région pourrait cette année connaître une baisse des surfaces. Les prix payés aux producteurs n'ont pas été jugés suffisamment hauts pour compenser la baisse des rendements, à la différence du maïs. » Mais surtout, il estime que tous les fab ne jouent pas vraiment le jeu des filières régionales et que certains « évitent, voire dénigrent cette matière première au profit des produits importés ». Résultat : « La demande de tourteau de soja français non OGM stagne et sa valorisation aussi ». Pour éviter de revivre la précédente tentative avortée de relance du soja au début des années 2000, il appelle à « une implication franche et volontaire ». Terre comtoise continue tout de même à y croire et investit aux côtés de ses partenaires de l'Alliance BFC dans un nouvel outil d'extrusion, cette fois-ci à destination de l'alimentation humaine, plus porteuse. « L'utilisation des ingrédients alimentaires à base de protéines de soja par l'industrie agroalimentaire est en plein essor, avec une croissance de plus de 40 % entre 2013 et 2018 », avance l'Alliance BFC (lire ci-dessous). Cet outil vient s'ajouter au dispositif de trituration qui s'est étoffé ces dernières années, avec Sojalim (Euralis-Avril), Extrusel (coops de Bourgogne-Franche-Comté), Sojapress (Terres du Sud-Maïsadour), ou encore depuis quelques mois une installation du négoce alsacien Lienhart. Des unités qui, mises bout à bout, produisent à ce stade environ 70 000 à 80 000 t/an de tourteaux de soja. Un premier pas... encore loin des 500 000 t souhaitées en 2025, et a fortiori des 3,5 Mt de tourteaux de soja importés chaque année !
Renaud Fourreaux
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