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Décarboner en faisant feu de tout bois

Même si 73% des matières premières utilisées par les fabricants d’aliments français sont françaises, les importations focalisent les efforts de décarbonation.

Le tourteau de soja représente 31 % de l’empreinte carbone des fabricants d’aliments pour animaux français, et le blé, 19 % : c’est bien sur toutes les matières premières, importées ou métropolitaines, qu’il faut travailler pour décarboner la nutrition animale.

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La décarbonation constitue un des enjeux dont se sont emparés les fabricants d’aliments français. Ils souhaitent d’ailleurs que leurs actions soient reconnues et intégrées dans les outils de mesure déployés par les productions animales pour répondre à la demande des clients finaux, distributeurs comme consommateurs. Le secteur a exprimé son ambition de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation animale d’ici 2030.

Le groupe de travail constitué par les syndicats a développé une méthode d’évaluation standardisée de la valeur carbone des aliments intégrant la fabrication, le transport et les ingrédients (matières premières et additifs). Le guide méthodologique pour le calcul du poids carbone des aliments sorti au printemps a été transmis à l’Autorité de la concurrence qui reconnaît que cet outil est favorable à la normalisation et aux objectifs de développement durable. L’idée est de disposer d’une méthode harmonisée de mesure qui a commencé à être déployée sur le terrain et permettra aux éleveurs d’intégrer le choix de leurs aliments pour faire valoir leurs efforts.

Cette méthode repose sur les normes européennes Feed-PEFCR ainsi que sur les bases de données française et internationale, Ecoalim et GFLI. Après une large concertation, la version test début 2024 a permis de finaliser ce document et la version pleinement opérationnelle sera mise à disposition en septembre. Certains opérateurs commencent d’ores et déjà à indiquer le poids carbone sur l’étiquette de leurs aliments.

Les céréales, premiers contributeurs de GES

Les aliments produits par les fabricants représentent environ 20 % de l’approvisionnement de la ferme France, selon Patricia Le Cadre, directrice du cabinet de conseil Céréopa, qui intervenait lors de l’assemblée générale de Qualimat Sud-Ouest, le 18 juin, à Toulouse. Les fourrages pèsent, eux, 68 % de ce que consomment en volume les élevages de l’Hexagone, et les céréales en grain 8 %, auxquels il faudrait ajouter les tourteaux et autres coproduits distribués en direct élevage ou mis en œuvre dans les unités de fabrication à la ferme (données Oriflaam pour 2021-2022).

Les céréales constituent 49 % de la composition des formules des fab et dépassent même les 60 % si on y ajoute leurs coproduits. « Le principal levier de la décarbonation pour les fabricants d’aliments réside dans un approvisionnement en matières premières plus vertueuses, explique Patricia Le Cadre. Les céréales sont les premiers contributeurs des GES émis par les aliments du bétail. Céréaliers et fab se doivent de travailler main dans la main pour actionner les bons leviers. L’enjeu est bel et bien de transformer les pratiques culturales, mais aussi d’acquérir et de mettre à jour les ACV des matières premières afin d’aller vers une écoformulation basée sur les données les plus fiables et plus représentatives possibles. » Selon la spécialiste, la formulation éco-environnementale pourrait rebattre les ratios de prix entre matières premières.

Outils locaux de trituration

Au global, 94 % de l’approvisionnement du cheptel peut se revendiquer origine France, les fourrages pesant lourd dans ce degré d’autonomie. Du côté des fabricants d’aliments, le taux atteint 73 %, et les importations focalisent particulièrement les efforts de décarbonation. La filière bovins viande est la plus autonome en protéines et la volaille de chair la plus dépendante aux importations (25 %). Le tourteau de soja d’importation devient toutefois plus fréquentable, selon Patricia Le Cadre. Il représente 15 % des matières premières consommées par les fabricants d’aliments du bétail, mais seulement 3 % de l’approvisionnement du cheptel français. Le dernier observatoire Duralim (2021-2022) montre qu’à peine 0,8 % de celui-ci est potentiellement lié à la déforestation.

Il n’en reste pas moins que c’est toujours la protéine qui manque, d’où le déploiement d’outils de trituration de graines oléoprotéagineuses en France. Leur capacité totale dépasse toutefois la production actuelle ; la durabilité de ces outils dépendra donc de leur capacité à capter les graines.

Metex sauvé

Du point de vue des acides aminés, levier majeur pour réduire ces importations de matières riches en protéines, l’année est marquée par le sauvetage par Avril, aidé de l’État français, de Metex (qui retrouve son nom historique Eurolysine par la même occasion) : l’UE peut donc continuer à produire une partie de son besoin en lysine, tryptophane, valine, arginine, isoleucine et leucine. Selon une étude du Céréopa, sans l’utilisation de quatre de ces acides aminés, la France consommerait 50 % de tourteau de soja de plus qu’actuellement.

Mais le choix des matières premières n’est pas le seul levier à la disposition des fabricants d’aliments. Leur connaissance la plus fine est un outil essentiel. Ainsi, Tromelin investit actuellement dans une vingtaine de nouvelles cellules équipées d’outils d’analyse rapide.

Par ailleurs, le nombre d’analyses de cycle de vie des additifs augmente, alimentant les bases de données des fabricants. Lors de la dernière assemblée générale de l’Afca-Cial, représentant les entreprises spécialisées dans la complémentation de la nutrition des animaux, Claire Laurent, responsable technique et communication, a chiffré à 36 % les entreprises qui ont déjà réalisé des ACV (en cours ou finalisées). En outre, 51 % des adhérents au syndicat viennent de lancer leur démarche.

La R&D est mise en tension sur le sujet et travaille sur trois grands axes : l’amélioration de la digestibilité, et donc la réduction de l’indice de consommation, le recours à des additifs, et la gestion globale de l’élevage par un accompagnement technique autour de l’optimisation.

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