FRANÇOIS CAZALS, consultant et professeur à HEC Paris « Un nouveau concept stratégique pour gérer l’incertitude »
Consultant en stratégie, au sein d’un cabinet qu’il a cofondé et qui exerce à 40 % son activité dans le secteur agricole, François Cazals propose aux entreprises un cadre méthodologique pour se renforcer, affronter les crises ou se transformer afin de devenir “antifragiles”. Il en a tiré un livre coécrit et publié en début d’année, « Stratégie antifragile : la stratégie du roseau face à l’incertitude », et partage ici les grandes lignes de son concept (1).
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Le modèle stratégique traditionnel est-il dépassé ?
F. C. : Pour un directeur général, le modèle de projection habituel est basé sur une vision à 3, 5 ou 10 ans selon les secteurs et entreprises. Mais dans un contexte chaotique et incertain comme celui d’aujourd’hui et où les crises se succèdent à grande vitesse, l’élaboration d’une stratégie et d’une projection dans le futur semble un défi insurmontable.
Je travaille depuis six ans sur le concept d’une stratégie antifragile et d’une méthodologie pour aider les entreprises à se renforcer, voire se transformer, afin de mieux affronter les crises et gérer alors l’incertitude. L’idée portée dans la fable du chêne et du roseau, de Jean de La Fontaine, m’a notamment guidé. Cependant, si l’avenir est inconnu, des tendances lourdes se dégagent, notamment en agriculture, comme le changement climatique ou le départ en retraite d’un grand nombre d’agriculteurs.
Comment se projeter alors ?
F. C. : Nous allons devoir alterner deux types de stratégie : celle des temps forts où il va falloir se mobiliser face à un évènement exceptionnel et en tirer les opportunités, et celle des temps faibles, synonymes de stabilité, qu’il va falloir mettre à profit pour se préparer en réduisant les vulnérabilités de l’entreprise.
Aborder une approche antifragilité, c’est adopter un nouveau concept de stratégie, engager les humains des organisations et avoir une stratégie durable au sens RSE du terme autour des performances économique, environnementale et sociétale. Je tiens à préciser au passage que les coopératives pourraient mieux valoriser leur impact sociétal, surtout pour celles situées dans la diagonale du vide.
En quoi consiste une telle approche ?
F. C. : Toute démarche va démarrer par un diagnostic des vulnérabilités à rechercher sur quatre volets : la performance de l’entreprise, l’indépendance, la sécurité (humaine, technologique, industrielle), l’environnement. Nous proposons un modèle, mais chaque entreprise peut coconstruire son propre diagnostic avec ses collaborateurs. À ce sujet, je recommande la lecture du livre de management « Stratégie Océan bleu ».
Ce diagnostic peut amener ensuite à l’une des trois grandes stratégies antifragiles : le renforcement si on est en phase stable, la stratégie d’adaptation face à une crise court terme et la transformation en cas de perturbations structurelles fortes.
Quels conseils clés pouvez-vous partager ?
F. C. : J’invite les entreprises à se projeter loin même si on ne voit pas le présent, à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier en diversifiant leur activité et à se rappeler que l’union fait la force. Et pour finir, le sujet des sens et des valeurs n’a jamais été aussi important, l’IA va devenir un nouveau collègue et la RSE est un véritable sujet structurant. Et, bien sûr, il ne faut pas hésiter à tester et apprendre.
(1) Propos relevés lors du congrès Dirca le 17 mai dernier à Angers.
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