Enseignes alimentaires Les coops voient grand
L'alimentaire devient un créneau stratégique, notamment pour les coopératives agricoles. De simples rayons dans les Lisa, il passe à une autre échelle avec des magasins et des enseignes dédiés autour du frais en direct des producteurs. Pour exemple, Frais d'ici d'InVivo et Les Halles de l'Aveyron d'Unicor.
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Le marché du frais en alimentation humaine (fruits, légumes, viandes, charcuterie, fromages, laitages, boulangerie...) fait des émules, notamment dans les circuits de la distribution alimentaire alternative. Ce déploiement répond aux attentes des consommateurs en matière de traçabilité et de naturalité, des attentes renforcées par les dernières affaires sanitaires, comme le note le cabinet d'études Xerfi. Un sondage Ipsos réalisé récemment pour la coopération agricole, dans le cadre de son plan de communication, indique ainsi que 55 % des Français s'inquiètent de l'origine des produits. D'autre part, la guerre des prix dans la distribution alimentaire pointée du doigt dernièrement par le monde de l'élevage, ne peut que pousser les producteurs vers des circuits courts.Dans une telle configuration, il est logique que la valeur dégagée par le segment alimentaire de proximité progresse, estimée à ce jour entre 8 et 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les initiatives prolifèrent entre Amap, magasins et petits marchés de producteurs, drives fermiers en plein essor, sans compter celles de consommation responsable comme « La Ruche qui dit oui ».
Une opportunité pour le frais
Dans cet ensemble, viennent se positionner des enseignes de distribution de proximité bien structurées, bâties à plus grande échelle, telles Frais d'ici du groupe InVivo, lancée à l'automne dernier, et Les Halles de l'Aveyron d'Unicor initiées en 2008. Ces enseignes alimentaires, portées par des coopératives, ont à se frotter à un univers très concurrentiel dans lequel se développent des surfaces comme Grand Frais et Marché O'Frais qui, toutefois, travaillent surtout avec des produits du Min. Mais les enseignes alternatives n'ont-elles pas une place à prendre dans un contexte où le drive (5 % des achats) progresse, comme l'observe Benoît Merlaud de Linéaires (lire p. 26). Ce circuit de distribution est surtout usité pour les produits à DLC longue. Il laisse donc une fenêtre de développement aux acteurs du frais.
Les tenants des enseignes alternatives affirment ne pas se positionner en concurrents directs de la distribution alimentaire traditionnelle. Pour Jean-Pierre Dassieu, à la tête du pôle grand public d'InVivo, « la grande distribution est sur du "mass market", alors que nous sommes sur un marché de niche qui demande de l'ajustement. Nous représentons une voie médiane entre les petites initiatives locales et la grande distribution ».
Pas une menace pour la grande distribution
Ce que confirme de son côté Philippe Mangin, président d'InVivo : « Nous ne sommes pas une menace pour la grande distribution. Quoi que l'on fasse, on ne la détrônera pas et nous sommes loin d'avoir cette ambition. » D'ailleurs, les distributeurs eux-mêmes partagent cet avis (lire le témoignage de Thierry Desouches de Système U).
Le secteur agricole n'est pas le seul à s'intéresser à l'alimentation de proximité. Les grandes enseignes ouvrent leurs rayons aux produits locaux avec le concept « U de » de Système U, les alliances locales de Leclerc dont certains producteurs sortent gagnants (lire le témoignage de Frédéric Jaffré, éleveur) quand d'autres dénoncent la guerre des prix des distributeurs. Des magasins dédiés sont nés avec le groupe Auchan à l'origine d'Arcimbo près de Paris, et de Partisans du goût dans le Nord. Ou avec des initiatives indépendantes à l'image d'O'Tera et ses trois magasins dans le Nord dont le fil rouge est de « démocratiser les bienfaits des circuits courts ». Cette enseigne, lancée par Matthieu Leclercq, ex-cadre de Décathlon, s'est rapprochée de la chambre d'agriculture du Nord-Pas-de-Calais pour approvisionner ses rayons avec 50 % de produits locaux. L'embellie du frais touche aussi nos pays voisins. Ainsi, en Belgique, le distributeur Colruyt a lancé fin 2014 l'enseigne Cru qui se focalise sur « le bien-manger et l'échange entre collaborateurs, partenaires-producteurs et clients » et les produits de saison, locaux ou d'ailleurs. Quitte à ne pas avoir tout en rayon : l'hiver, ni tomates ni aubergines dans les étals. Des choix pas toujours simples à tenir comme le fait remarquer Benoît Merlaud. « Des compromis peuvent être faits pour satisfaire le client pour qu'il puisse remplir son chariot dans un même lieu. Ainsi, chez Frais d'ici, nous allons trouver l'hiver dans les rayons des tomates d'importation qui sont présentées et assumées comme telles. La démarche est intelligente et transparente, mais elle représente un coup de canif dans le principe idéologique de ce type de magasin. »Un principe idéologique bâti pour les coops autour notamment de la valorisation des productions locales, en priorité des adhérents à qualité égale, et à l'origine des premiers rayons alimentaires dans les Lisa et jardineries. Aujourd'hui, ces rayons représentent 10 % du chiffre d'affaires de Gamm Vert avec la marque « Les Sens du terroir » et une croissance annuelle de 10 % depuis cinq ans. Ils fleurissent dans d'autres structures comme Kiriel (groupe Avril-Sanders), réseau de Lisa adossés à un négoce et de jardineries indépendantes. « 80 % de nos 86 magasins ont un rayon produits du terroir », affirme Ludovic Quinsat en charge de l'enseigne.
Premier magasin pilote Frais d'ici à Toulouse
L'alimentaire est devenu ou devient un pilier stratégique pour nombre d'entreprises comme Fermes de Figeac, groupe Dauphinoise, Vertdis (Advitam et Agora), Vivadour ou encore Unicor. Chez Fermes de Figeac, il représente une bonne part de l'activité de leurs six Gamm Vert : le magasin de Figeac enregistre à lui seul plus de 4 M€ de CA alimentaire (65 % du CA du magasin), dont 80 % en frais, pour 300 m2 d'espace dédié et une activité lancée, certes en 1997.
C'est d'ailleurs dans le Sud-Ouest qu'est né le concept de Frais d'ici. « J'avais un projet pour Toulouse et j'en parlais avec d'autres coops du Sud-Ouest. Gamm Vert a alors proposé de le faire ensemble. Nous aimerions bien avoir trois Frais d'ici dans la région toulousaine d'ici à 5 ans », confie Dominique Olivier, DG de Fermes de Figeac. Cette nouvelle enseigne et celle des Halles de l'Aveyron, en train de s'exporter en région parisienne (lire p. 28), représentent un nouveau type de surfaces alimentaires qui, selon le cabinet conseil Retail & Detail, posséderait un potentiel de 800 à 1 200 magasins dans les cinq ans à venir ! Toutefois, les ambitions d'InVivo sont plus modestes avec 150-200, voire au plus 250 magasins, sur dix ans si l'opération des sites pilotes est concluante.
Le choix de l'emplacement en zone urbaine
InVivo compte aussi rebondir sur le réseau des jardineries de ses coops adhérentes pour étendre son nouveau concept. Le top départ a été donné à l'automne dernier près de Toulouse avec une première unité test de 700 m2 qui devrait atteindre bientôt son point mort dans un environnement concurrentiel accru.
D'autres magasins pilotes devraient suivre à Dijon et Bordeaux. Dans le Sud-Est, un projet pour dans deux ans est en réflexion avec le groupe Dauphinoise.Pour ces réalisations en zone urbaine, l'emplacement est un critère de réussite essentiel. Un manque de visibilité peut être préjudiciable comme dans le cas du magasin Mon panier tout près, à proximité de Blois, qui vient de fermer huit mois après son ouverture. Il n'a pas pu résister au poids des charges et à la forte concurrence (La ruche qui dit oui, Amap, drive fermier, grandes surfaces). Son initiateur, un collectif de coopératives du Centre, étudie cependant la vente de produits sur internet. En zone plus rurale (lire p. 29), d'autres critères interviennent, l'alimentaire venant redynamiser le tissu social et économique.
DOSSIER COORDONNÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL
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