Fertilisation azotée Tous mobilisés pour la protéine
Portée par un élan général de reconquête des taux de protéines dans les blés, la distribution agricole réagit et se remet à potasser sur les formes d'azote, les dates d'apport et le pilotage de la fertilisation azotée. Tout en tenant compte du cinquième programme d'actions de la directive nitrates. Pas simple pour les TC...
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La teneur en protéines des blés sur mon secteur va-t-elle bien atteindre les 11,5 % ? C'est la question que se pose chaque technicien à l'aune des premières moissons. A ce stade de la saison, il n'y a plus vraiment de moyens d'agir, mais chacun se demande si les efforts qu'il a déployés cette campagne auront payé, quand bien même les pertes d'azote auront été importantes cet hiver suivies d'une période sèche préoccupante en mars-avril. Car l'accident de l'an dernier - un taux de protéines moyen dans les blés tendres de 11,2 % dont on ne sait pas vraiment à qui attribuer la responsabilité - a provoqué un véritable électrochoc dans les coopératives et négoces. Equipement en infraliseurs, renouvellement variétal, construction de grilles de paiement, tout y passe, sans oublier l'impérieuse nécessité de revisiter et de redonner une attention particulière à la fertilisation azotée. « Plus on lèvera de facteurs, plus on sécurisera le 11,5 % de protéines », plaide Florian Babin, chef de projets outils de pilotage, chez Agridis. Et la fertilisation azotée y contribue fortement. Car si l'enjeu est de 1 à 2 points au niveau de la variété, selon Arvalis-Institut du végétal, il est de 0,5 à 1 point pour la dose totale, de 0,2 à 1 point concernant la forme d'azote et de 0,3 point pour le fractionnement de l'azote. En vue d'inverser la tendance et de revenir à un niveau au moins de 11,5 % en moyenne, l'institut technique a donc initié un plan d'actions dès cette campagne basé sur le concept d'« itinéraires techniques protéines ». « Depuis l'automne dernier, on matraque cette notion en apportant tout ce que l'on sait sur le lien entre les pratiques culturales et la teneur en protéines », appuie Jean-Paul Bordes, chef du département R & D, chez Arvalis.
Coops et négoces volontaires
Reste à concilier cette ambition avec les exigences de la directive nitrates, dont les programmes d'actions régionaux du cinquième volet sont en train d'entrer en vigueur. La publication de l'arrêté du 23 octobre 2013 avait, elle, permis de disposer d'un programme d'actions national complet et en vigueur depuis le 1er novembre 2013 dans les zones vulnérables délimitées en 2012. Il faudra donc jongler avec les limitations d'épandage et respecter l'équilibre de la fertilisation à la parcelle. L'initiative « protéines » fait d'ailleurs grincer des dents ici ou là. Stéphane Sanchez, lui, de la FNA, se montre prudent : « On ne pourra pas faire de miracles en zones vulnérables. » Hubert Roebroeck, directeur du laboratoire d'analyses Agro-Systèmes y voit un atout : « Mobiliser sur les protéines, c'est un moyen pour les TC de sortir du discours réglementaire qui n'est pas très motivant. »
En tout cas, la dynamique s'est fait ressentir. « Oui, les distributeurs ont intégré cette problématique dans leurs préconisations techniques, en collaboration avec Arvalis », confirme-t-on à l'institut technique. Et, à en croire notre sondage (lire page 29), les technico-commerciaux sont jugés par leurs agriculteurs compétents sur ce sujet (à 85 %), et plutôt mobilisés (à 64 %). Ce dernier taux est encore plus élevé chez les agriculteurs affirmant être engagés dans des démarches d'amélioration de la teneur en protéines de leur blé tendre d'hiver (93 %), et dans les exploitations en orientation grandes cultures (81 %) et ayant une surface en blé de 20 ha ou plus (78 %).
Une campagne de transition
La prise de conscience a-t-elle eu lieu chez les producteurs ? Un petit peu sans doute, puisque 6 % des agriculteurs estiment s'être engagés cette campagne dans des démarches d'amélioration de la teneur en protéines de leurs blés. Ils sont plus nombreux dans l'Ouest (9 %), où l'insuffisance des teneurs en protéines a été criante l'an passé. Malgré tout, ils demeurent 58 %, au niveau national, à ne pas y être engagés du tout, une proportion qui grimpe à 70 % dans le Nord-Est et à 63 % dans l'Ouest. Deux régions où les techniciens sont les moins mobilisés : respectivement, seuls 58 % et 64 % des agriculteurs déclarent que leur TC principal aborde le sujet.
Cela confirme que 2013-2014 restera une campagne de transition. « Le résultat d'une politique comme celle-là ne peut se mesurer que sur deux ou trois ans », prévient Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France - métiers du grain. Et il est vrai que la plupart des coops et négoces vont réellement mettre les bouchées doubles la prochaine campagne. Ne serait-ce qu'après avoir pris le temps d'explorer les pistes d'amélioration et de parfaire leurs référencements.
« A partir d'une enquête que nous menons avec les collecteurs auprès des agriculteurs dans chacun des trois bassins de production (Basse-Normandie, Poitou-Charentes, Bretagne-Pays de la Loire), informe Jacques Orsini, chef de la région Ouest chez Arvalis, nous allons sans doute identifier des pratiques culturales qui interfèrent avec les taux de protéines et mettre en place un plan d'action avec les opérateurs pour la prochaine campagne. »
Grilles de paiement généralisées
Mais les techniciens auront beau inciter les agriculteurs, c'est bien la rémunération de la protéine qui provoquera un déclic. D'après une enquête de FranceAgriMer concernant les semences, 48 % des agriculteurs tiennent compte un peu du taux de protéines lors du choix de variété de blé tendre, et 27 % pas du tout. Dans ces deux catégories, à la question ouverte : « Qu'est-ce qui vous inciterait à semer des variétés sélectionnées pour leur aptitude à faire de la protéine ? », 43 % ont répondu la rémunération.
Tant que la valeur à la protéine ne s'exprimera pas dans les prix, l'agriculteur a intérêt à faire du rendement. Entre les deux, la corrélation est négative. « L'intégration de la protéine dans les contrats est donc quelque chose qui est pris au sérieux », soutient Vincent Magdelaine, en évoquant le récent accord interprofessionnel d'Intercéréales qui prévoit l'obligation d'ajouter le taux de protéines dans les caractéristiques des lots, objets de transaction, et qui doit entrer en vigueur à partir du 1er juillet 2014 entre collecteurs et utilisateurs et au 1er juillet 2015 entre producteurs et collecteurs. Et ça rumine dans la plaine. Car atteindre 11,5 % de protéines partout va être difficile. Rémi Haquin, président du conseil spécialisé céréales de FranceAgrimer, décrypte : « L'accord prévoit de définir librement avec les acheteurs et les vendeurs le taux de protéines souhaité. Il n'est pas question de dire que tout le monde fasse 11,5 %. » « Il est extrêmement important de donner un signe pour donner de la valeur à la protéine, reprend tout de même Vincent Magdelaine. Cela va se traduire par une généralisation du paiement à la qualité. » Christian Cordonnier, DG de Terre Atlantique, confirme : « La quasi-totalité des collecteurs auront une grille en 2014 qui va dans le sens d'être relativement stressant pour être efficace dans la partie réfaction, et relativement motivant dans les bonifications pour avoir des taux au-dessus de 11,5 %. »
DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX
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