Login

Communicationgrand publicDonner de la voix

Face à un sujet récurrent et sensible tel celui de la communication grand public, le secteur agricole doit aujourd'hui montrer ce qu'il fait. Aussi, un nouveau vent porteur souffle avec des agriculteurs donnant de la voix et des démarches fédératrices mobilisant également coopératives et négoces.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Une sortie scolaire avec 500 écoliers prévue par Triskalia, le 14 juin dans une ferme en Bretagne dans le cadre de sa démarche « Planète positive », a été annulée en mai par l'Inspection de l'académie. La pression de parents et d'associations mécontents a poussé à cette décision pour éviter toute manifestation de leur part ce jour-là. C'est en fait sûrement une des résultantes de la spirale dans laquelle s'est retrouvé le groupe coopératif avec l'affaire des ex-salariés de sa filiale Nutréa intoxiqués par des pesticides. Un retour de bâton qui rappelle que l'environnement extérieur est de plus en plus sensible et réactif. D'où la nécessité devenue vitale de communiquer de façon juste et pertinente et à livre ouvert, sans renier ou minimiser le passé et tout en montrant ce qui est mis en oeuvre pour répondre notamment aux enjeux agroenvironnementaux et de santé. La vitesse de circulation actuelle de l'information ne pardonne pas le moindre faux pas qui peut se répercuter sur le travail fait en amont. Récemment, à la caisse d'un supermarché, j'ai assisté à un échange sur le rappel d'un reblochon qui a rendu malades de jeunes enfants. Une cliente a alors murmuré : « Nous ne savons plus quoi manger. »

Les porte-parole se multiplient

Toutefois, si l'alimentation et l'activité agricole cristallisent bien des tensions, l'agriculteur en tant que tel est plutôt bien perçu par la société. C'est pourquoi les démarches qui se mettent en place désormais, laissent la parole aux agriculteurs. Des agriculteurs qui sont les premiers à considérer être les mieux placés pour améliorer l'image de l'agriculture. Notre sondage ADquation-Agrodistributon le souligne (voir ci-contre), avec une progression de six points du nombre d'agriculteurs estimant être les meilleurs porte-parole. Les prises de positions plus nombreuses par les agriculteurs, via YouTubeou divers réseaux sociaux, contribuent certainement à l'évolution de cette tendance. Citons l'exemple de David Forge, agriculteur en Indre-et-Loire, qui a réussi à interpeller, puis rencontrer Emmanuel Macron, grâce à une vidéo. Les lignes bougent. La naissance de FranceAgriTwittos (lire p. 27), initiée par un agriculteur ardennais, Cyrille Champenois, démontre bien cette volonté du terrain de se prendre en main. « Il est essentiel que les agriculteurs se montrent et parlent de leur métier. Cette communication devient un enjeu aussi important que de bien vendre sa récolte », affirme Cyrille Champenois.

Elargir la sphère d'influence

La démarche Agridemain l'a bien compris puisqu'elle est bâtie sur la prise de parole des agriculteurs, prenant le titre d'ambassadeurs (p. 26). Un diagnostic de leur exploitation peut leur servir de support de communication autour d'indicateurs sur la production, la biodiversité (surfaces en haies, présence de ruches...), l'emploi (direct ou indirect) et le nombre de personnes nourries par l'exploitation. D'ailleurs, cette démarche est appelée à mieux se structurer avec une forme juridique, un budget plus conséquent et une ouverture sur le monde de l'élevage, absent pour l'instant. Aujourd'hui, les initiatives émergent et s'entrecroisent. « Plusieurs de nos membres sont aussi dans FranceAgriTwittos. La sphère d'influence s'élargit. L'essentiel est que nous allions tous dans le même sens », commente Gilles Maréchal, animateur d'Agridemain.

Chacun avance à sa façon. Bien qu'ils soient très peu perçus par les exploitants de notre sondage comme des vecteurs favorables de l'image de l'agriculture, coopératives et négoces s'impliquent cependant plus, dans des journées portes ouvertes, comme Novagrain (p. 28), ou diverses initiatives telle Vert l'avenir (p. 30) du Négoce agricole Centre-Atlantique qui pourrait être déployée sur le plan national. De même, la Fédération du négoce agricole est un partenaire d'Agridemain. Des membres d'entreprises sont adhérents de FranceAgriTwittos, dont le secrétaire, qui est un collaborateur d'InVivo. La toile se tisse peu à peu pour contrebalancer les communications négatives à l'encontre du secteur agricole. Cependant, comme le remarque Rémi Mer, consultant en communication, il s'agit de ne plus se cristalliser autour de ces attaques, afin d'aller vers une démarche plus proactive que réactive. D'où les réserves qu'il émet quant au rôle des réseaux sociaux dans cette communication vers le grand public (lire ci-contre).

Plus de 5,4 millions de vues

Quel est en effet le meilleur moyen d'engager un dialogue constructif ? Sur la toile, les échanges peuvent vite partir en vrille d'autant plus facilement si l'anonymat est de mise. Toutefois, tout n'est pas à jeter. Le web peut servir de support d'information comme le blog de l'association Résonnances qui réunit d'anciens salariés du secteur agricole. « Nous mettons nos connaissances et savoir-faire au service de tous pour aider le grand public à mieux comprendre la réalité de l'agriculture d'aujourd'hui, explique Gérard Eyries, son président. Nous allons entamer une réflexion sur la façon de toucher de nouveaux publics ou d'autres secteurs d'activité comme la santé publique et de mieux utiliser les réseaux sociaux. »

L'heure est aux témoignages pour mieux expliquer ce qui est fait. Le web peut-être alors un bon relais. Citons la plateforme numérique de la coopération agricole, lancée en juin 2017, qui réunit les actions mises en oeuvre par 200 coopératives. Avec ses cinq réseaux sociaux, elle enregistre plus de 5,4 millions de vues. Des outils devraient permettre de mesurer plus précisément la présence du grand public. « Nous intéressons d'autres secteurs d'activité pour nos actions RSE. Nous sommes suivis ainsi par GRDF, diverses assurances et banques avec lesquelles nous ne travaillons pas forcément. Mais aussi par des blogueurs du terroir français et des instagrameurs en France et à l'international grâce aux recettes publiées sur le site, par des influenceurs de la sphère de la vie rurale et sociale », complète Pascal Viné, délégué général de Coop de France.

Un job dating aux portes ouvertes

La coopération agricole s'est essayée à passer par les grands médias comme la télé et la radio. Si le contenu était bien perçu par le public, « l'émetteur, c'est-à-dire nous, n'était pas identifié ». C'est pourquoi, elle est partie sur la communication produits avec le slogan « consommer coopératif » et des coopératives qui revendiquent l'appartenance de leurs produits à la coopération, comme Florette, Paysan breton, sucre Daddy ou le champagne Nicolas Feuillate.

Privilégier le terrain ne reste-t-il pas une voie sûre ? Le monde agricole veut prouver ce qu'il fait. Les actions « portes ouvertes » s'amplifient, que ce soit chez l'agriculteur ou dans les entreprises. La 4e édition de la semaine de la coopération agricole se tient du 1er au 10 juin. De nouvelles coopératives rejoignent les rangs telle Eurial, filiale lait du groupe Agrial. Pour sa première participation, elle a choisi d'accueillir le public dans six fermes avec dégustation de produits et d'innover sur le seul site ouvert, celui de Coralis près de Rennes, avec un job dating pour les besoins en recrutement de la laiterie.

Des modules de formation

Parler du métier devient une priorité à tous les niveaux de la chaîne agricole et agroalimentaire. Passion céréales en a fait une de ses spécificités avec des programmes télévisés courts : « Terres de partage » qui redémarre sur France 2, à l'automne prochain, et valorise des initiatives collectives de la filière céréalière, et « Au fil du grain »sur RMC Découverte, qui met en scène quatre filières, des agriculteurs et des OS, le négoce Cholat (p. 28), les coops Arterris, Vivescia et Acolyance.

L'association propose également des modules de formation à la communication, aux agriculteurs et à tout collaborateur d'entreprise ou d'organisation (lire ci-contre). La formation est aussi au programme de Vert l'avenir qui a pris l'option d'aller à la rencontre de la presse locale par des points presse thématiques au sein des négoces. La presse, second relais cité par les agriculteurs de notre sondage, est un point névralgique. Le réseau de négoces Clef l'a compris en s'y intéressant au travers d'une enquête auprès d'étudiants journalistes. Son président,Jean-Luc Désert est même monté au créneau lors des deux derniers Sia en participant à des plateaux de télévision. La communication est toutefois tout un art, aussi, des professionnels en la matière sont sollicités :une agence chez Agora (p. 29), une start-up chez Agridemain ou encore un cabinet conseil pour le Naca. n

DOSSIER RÉALISÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL

Sommaire

Communicationgrand publicDonner de la voix

    A découvrir également

    Voir la version complète
    Gérer mon consentement