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Réseaux sociaux Incontournables ?

PHOTOS CÉDRIC FAIMALI

L'usage des réseaux sociaux se démocratise dans le monde agricole, y compris dans les coopératives et, dans une moindre mesure, les négoces. Mais cela vaut-il vraiment le coup de se lancer, et si oui, comment ?

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« Il y a de très belles initiatives. Je peux vous dire que pour un secteur qui est un peu plus B to B, vous n'êtes pas en retard. » C'est la réaction de Mélanie Hossler, spécialiste du marketing et de la communication sur les réseaux sociaux, à l'écoute des retours d'expériences des différents participants à la table ronde. Et pourtant, aborder les réseaux sociaux n'est pas évident pour les professionnels. Le phénomène est relativement récent : Facebook, le premier du genre, est sorti en 2004. Et aujourd'hui encore, pour beaucoup, il reste un outil pour partager des photos de vacances ou commenter une soirée, utilisé surtout par des adolescents, accros aux likes et aux tweets. « Il y a cinq ans, Twitter il ne fallait pas m'en parler, raconte Franck Coste, directeur général adjoint chez Vivescia. Je voyais mes enfants avec ça, et je voyais le tas de bêtises qu'ils pouvaient raconter là-dessus ! Mais aujourd'hui, on reçoit des contenus qui sont de qualité. »

Une quinzaine de coops sur Twitter

Depuis leur apparition, nombre d'entreprises y ont vu un intérêt possible en terme de communication, y compris dans le monde de la distribution agricole. Sur Twitter, par exemple, on recense actuellement environ quinze coopératives et un négoce, Soufflet. Mais si un clic suffit pour s'inscrire, se lancer pour un usage professionnel ne s'improvise pas. La gestion des comptes est vite chronophage, et mieux vaut bien se préparer pour éviter le « bad buzz » ou le dérapage, à l'image du tweet de Pôle emploi, en juillet 2013. Arrivé en tête d'un palmarès des sites les plus visités dans la catégorie « emploi-carrière », @pole_emploi avait alors tweeté : « Le site pole-emploi.fr reste cette année en tête des sites préférés des Français dans sa catégorie », déclenchant d'importantes réactions. Mais alors, se lancer vaut-il vraiment le coup ? Autour de la table, à l'occasion de la huitième édition des Rencontres Agrodistribution, les participants ont fait le point sur les atouts des réseaux, leur utilité, mais aussi les obstacles rencontrés.

Lors du dernier Salon de l'Agriculture, des agriculteurs adeptes des réseaux sociaux ont été portés sur le devant de la scène dans les médias, avec notamment ce reportage intitulé « Mon veau s'appelle Hashtag », sur France info. Tendance de fond ou phénomène de mode ? Selon notre enquête Agrodistribution-ADquation, 79 % des agriculteurs utilisent internet. « C'est au-dessus de la moyenne française, réagit Mélanie Hossler. En équipement internet, avec 76 % on est dans les bons quotas. » Ensuite, près d'un agriculteur connecté sur trois (29 %) serait inscrit sur au moins un réseau social. Un chiffre en hausse si l'on considère uniquement les moins de quarante ans, adeptes à 46 %. Un pourcentage en deçà de la moyenne nationale, avec 55 % des Français actifs (c'est-à-dire s'étant connectés dans le mois précédent) sur au moins un réseau social, selon un panorama réalisé en 2014 par l'agence We Are Social. Sachant que la comparaison est délicate à établir, notre enquête portant sur des chefs d'exploitations avec une moyenne d'âge de 49 ans. En revanche, chez les agriculteurs comme le reste de la population, française et mondiale, Facebook reste le plus populaire (lire notre encadré p. 30). Quant à la fréquence d'utilisation, « je trouve qu'ils se connectent beaucoup, estime Mélanie Hossler. Pour ceux qui ont répondu, finalement, les chiffres sont plutôt bons parce qu'avec un tiers qui se connecte une fois par jour, c'est plutôt pas mal ». C'est le cas de Yann Martin, agriculteur dans l'Aisne, qui est un adepte des réseaux sociaux tel Twitter, où il est connusous le pseudo de @yannzerodeux. Il réagit : « Je me retrouve dans pas mal de chiffres. » Peu de surprise aussi du côté des distributeurs. « Beaucoup d'agriculteurs sont actifs sur les réseaux sociaux en Alsace à titre personnel, note Mathieu Walter en charge de l'administration des adhérents, et Community Manager au Comptoir agricole. Ce qu'ils font ? Le travail dans les champs et le petit dernier qui vient de naître. Leur métier, c'est leur vie aussi. » Un point d'étonnement est cependant ressorti : Google + et ses 9 % d'agriculteurs inscrits, ce qui en ferait le deuxième réseau le plus utilisé. « Je me demande si c'est dû à l'importance de l'utilisation des Android Phones qui imposent quasiment la création d'un compte Google, et est-ce que ça a été associé ou mal compris entre un compte Google et un compte Google + ? », s'interroge Mathieu Walter.

Définir un réseau social

Une question qui en a rapidement entraîné une autre : au fond, qu'est ce qu'un réseau social ? Youtube en est-il un ? Pour Mélanie Hossler, oui : « Ce qui définit un réseau social aujourd'hui, c'est la possibilité de se créer un profil, de mettre un minimum d'informations, de créer un réseau, à savoir soit des abonnés, soit des amis. A partir du moment où l'on a ces fonctionnalités-là et que l'on a la possibilité de se créer un réseau, privé ou public, cela rentre dans la catégorie réseaux sociaux. » Elle ajoute que Youtube est « aujourd'hui considéré comme un réseau social ». Une position plus nuancée pour Yann Martin : « Je le caractériserais plutôt comme un sous-réseau social. Pourquoi arrive-t-on sur Youtube généralement ? C'est qu'on a vu un post sur Facebook ou sur Twitter [...]. Pour moi, il y a une hiérarchisation. » Enfin, si leur utilisation se développe, l'attachement des agriculteurs aux réseaux sociaux est assez faible, en témoignent les résultats de notre enquête. Pour 74 %, les réseaux sociaux manqueraient peu ou pas s'ils disparaissaient. « Le chiffre ne m'étonne pas du tout, commente Mélanie Hossler. Beaucoup de questions sont sur le tapis, comme la protection des données [...]. Donc, au final, il y a une dimension très négative. » Un avis que ne partage pas Julien Didry, responsable communication de la coopérative EMC2 : « Dans la tête des interrogés, il y a peut-être des confusions. Mais pour moi, cette notion de réseau social est ancrée. »

Des pionniers convaincus

Même si quelques divergences apparaissent, les participants à la table ronde sont unanimes : cela vaut le coup d'y aller. C'est « indispensable », pour Julien Didry, chez EMC2, et « une chance et une opportunité », pour Mathieu Walter au Comptoir agricole. Pour Wilfried Gonidec, chargé de communication chez Maïsadour, « si ce n'est pas indispensable aujourd'hui, ça le sera demain ». Franck Coste, chez Vivescia, estime que « c'est un moment inéluctable sur lequel il va y avoir un paquet d'erreurs, un paquet de bêtises et de buzz, mais communiquer, c'est l'essentiel de la vie et l'essentiel du business et on y va » ! Sébastien Gaborit chez Adhérents.coop, abonde : « Les coopératives ont intérêt à y aller et elles iront. » De même que Fabien Vallaud chez Négoce Expansion : « Le réseau social, c'est un outil parmi d'autres. Je fais confiance aux entreprises et aux coopératives pour y aller si elles ont un intérêt. On est des commerçants. S'ils sentent qu'il y a une nécessité, soit parce que les concurrents y sont, soit parce que c'est obligatoire, ça changera. » « Je pense qu'on pourrait s'en passer parce qu'on s'en passait avant, résume Germain Bour, directeur général de Cerepy, petite coopérative de l'Yonne. Mais j'ai assisté à la réunion Soufflet devant mille agriculteurs, et j'y ai assisté par Twitter. On a réalisé une cinquantaine de tweets. Il y avait Michel Soufflet, 81 ans, qui a commencé par dire : "Ne rien faire, c'est régresser." Donc je préfère aller de l'avant. »

DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE

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