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Ecologie Innovation Local Les nouveaux standards de l'aval

A la croisée des rayons, l'amont agricole n'a-t-il pas une carte à jouer face aux attentes des distributeurs, IAA et restauration collective oscillant entre construction d'une image responsable et de proximité, et démarcation par l'innovation ? Reste à trouver la bonne équation dans la conjoncture actuelle.

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Cette phrase, « Autour d'un verre, tout est réglé ! », écrite par une jeune fille de 20 ans sur un tableau d'affichage d'une galerie commerciale d'un Leclerc breton, occupé le 13 février dernier par des agriculteurs, détonne dans le climat de tension actuel. Si la solution pouvait être si simple en fait... Cette jeune fille n'a-t-elle pas intuitivement décrit, avec ses mots, les contours d'un nouveau type de relation qui se dessinerait depuis quelque temps ? Même si le chaos de ces dernières semaines tend à le contredire.

Il s'agit en fait de trouver la bonne équation entre les intentions, voire les exigences, émises d'un côté, et la réalité du terrain agricole de l'autre côté, avec toujours en question centrale, celle du partage de la valeur ajoutée, encore plus sensible dans le contexte baissier actuel des cours. Oui, comment faire la jonction entre les besoins des fournisseurs de matières premières que sont les agriculteurs, avec le plus souvent les coopératives et négoces, et les attentes évolutives de l'aval, c'est-à-dire grande distribution, industriels et restauration collective, en lien avec les demandes de la société civile, et celles d'un consommateur souhaitant sécuriser ce qu'il mange.

Les trois témoignages (lire p. 29 à 31) recueillis dans le cadre de ce dossier reflètent bien les diverses facettes sur lesquelles sont attendues les filières agricoles et agroalimentaires : des engagements durables et responsables, de la proximité et de la nouveauté. Mais n'y-a-t-il pas une carte à jouer puisque ces tendances ne peuvent en fait que trouver écho dans une agriculture du territoire ?

Les distributeurs ne peuvent pas y couper. D'ailleurs, pris sous les feux de la colère des agriculteurs, ils ne tarissent pas d'annonces d'accord de partenariat avec la production agricole. Des démarches qui ne sont pas nouvelles si l'on se réfère au concept Filière Qualité Carrefour né en 1992. Du reste une enseigne à l'origine hard-discount, comme Lidl, a fait volte-face en se présentant comme un acteur économique responsable avec une présence très marquée au Sia pour la seconde année consécutive et la construction d'une nouvelle image jouant la carte du territoire.

Valoriser par la contractualisation

Elle a ainsi annoncé le reversement, aux éleveurs français, de 3 centimes d'euros par litre de son lait Envia consommé entre le 1er mars et le 1er septembre 2016. Et déclare proposer plus de 70 % de produits français dans ses magasins et travailler avec six cents producteurs locaux. « Distributeurs, transformateurs, producteurs, la suite... c'est à nous tous de l'écrire ! », clame l'enseigne dans un communiqué de presse.

Une approche tripartite qu'Auchan adopte dans une récente contractualisation en viande porcine avec des éleveurs du Nord-Pas-de-Calais, qui prévoit des prix d'achat tenant compte des évolutions des coûts de production, entendant « montrer que des solutions viables existent ». Casino a passé aussi en février un accord triennal, en viande ovine, avec la coopérative Unicor et Arcadie Sud-Ouest et parle de « juste rémunération » pour le producteur. Le Groupement des Mousquetaires lance un contrat sur cinq ans en porc et annonce contractualiser un lait payé 4 à 6 % de plus que les coops laitières. Tout comme le partenariat entre le groupe coopératif Terrena avec ses produits « La nouvelle agriculture » et Système U qui est censé offrir une plus-value à l'agriculteur, soit en porc, 12 centimes d'euros par kilo. « Ce qui amène le consommateur à payer 5 centimes de plus sa côte de porc », précise Hubert Garaud, président de Terrena, lors de la présentation de son livre « Les Agriculteurs à la reconquête du monde » coécrit avec Maximilien Rouer, fondateur de BeCitizen (lire p. 45). La contractualisation peut-elle être alors une voie de sortie de crise ? En tout cas, elle semble apporter des garanties à chaque partie. McDonald's France renouvelle d'ailleurs en blé un contrat sur trois ans avec cinq coopératives, qui va générer « une valorisation de 7 % de plus qu'un produit hors filière », selon le directeur de Terris union qui vient de rejoindre cette filière.

Si les filières agricoles sont prêtes à apporter des réponses aux attentes du consommateur et de la société, répercutées par l'aval, elles espèrent en retirer une plus-value, pour couvrir le surcoût induit et dégager un complément de revenu.

C'est l'esprit du compteur social, présenté par Bleu-Blanc-Coeur, au Sia. Cet outil mesure le coût additionnel de la qualité pour le consommateur et le solde revenant au producteur engagé. Ainsi, si le consommateur paie 1 centime de plus pour un oeuf Bleu-Blanc-Coeur porteur d'atouts nutritionnels et environnementaux, l'éleveur peut récupérer 0,75 centime pour le surcoût de production et 0,25 centime de bénéfice. Comme quoi, tout est possible... Et comme il est souligné dans l'ouvrage d'Hubert Garaud et de Maximilien Rouer : « Industriels, distributeurs et agriculteurs ne savent plus comment sortir de cette spirale (du prix). La responsabilité repose sur tous, consommateurs y compris. » A quoi est prêt alors le consommateur ? Un sondage mené par OpinionWay pour la marque bio, Les 2 vaches, indique que deux-tiers des consommateurs sont prêts à payer plus cher pour manger mieux, avec un respect de la santé qui prime pour 95 %. Ce sondage peut toutefois laisser dubitatif...

Des magasins d'un nouveau type

D'autant plus quand on lit la présentation du nouveau concept de magasin alimentaire, La Louve, qui ouvre cet été à Paris : « La Louve est une coopérative alimentaire participative. Elle s'efforce de proposer à ses membres une alimentation de qualité à prix réduit. » Cependant, pas à prix réduit pour l'agriculteur. Ce concept s'appuyant sur la proximité de l'approvisionnement et surtout sur une main-d'oeuvre à 75 % bénévole (assurée par les clients coopérateurs). Un développement à suivre car un magasin de même type est en projet à Lille, SuperQuinquin.

Ces magasins souhaitent, en outre, promouvoir le « développement d'une agriculture durable, à la fois favorable aux paysans et respectueuse de l'environnement ». Tout comme l'enseigne alimentaire Nouvelle Coop en Alsace. Ces mouvements démontrent bien les tendances qui poussent les industriels comme Barilla à acheter un blé produit de façon écologique et la grande distribution, à développer des produits dits responsables. Ces entreprises veulent aussi montrer patte blanche face à la société à travers des démarches RSE, tout en répondant à des obligations réglementaires de rapport extra-financier. Dans la continuité de la Cop21, le Réseau Action Climat ajoute aussi son obole dans une publication « Un coup de fourchette pour le climat » en tenant à souligner que « les choix agricoles les plus écologiques sont aussi ceux qui permettent aux agriculteurs d'être plus forts face à la crise ».

Un autre standard de relations

Des pressions sociétales qui se traduisent déjà dans des cahiers des charges historiques comme BRC, IFS, Global Gap... Intermarché compte faire progresser de 10 % son nombre de fournisseurs certifiés IFS. Imposés par la grande distribution à l'échelle européenne de la fabrication industrielle ou de la production agricole, le plus souvent dans le secteur des fruits et légumes, ils viennent s'entrecroiser avec des normes telles que l'Iso 22000 ou encore Agri Confiance. Olivier de Carné, de Coop de France, observe alors : « Comment éviter de cumuler les chartes, les certificats, les audits avec des coûts à charge de l'entreprise ? » Des passerelles seraient discutées entre ces référentiels. Tout comme à son niveau, Coop de France analyse les similitudes entre leur démarche Agri Confiance et Global Gap et l'adaptation de ce dernier au contexte agricole français. « Une coopérative qui va répondre à un cahier des charges n'aura pas la même motivation que si elle est dans une démarche qu'elle a choisie. » Il pourrait en être autrement si les relations sont appelées à évoluer comme le souhaite Rachel Blumel, directrice de Coop de France Agroalimentaire (lire ci-dessus). Les rencontres avec les enseignes et l'accord avec la FCD vont-ils donner naissance à un autre standard de relations plus constructives ? D'autre part, comme le suggère une étude Précepta estimant que « les enseignes de la grande distribution alimentaire doivent distinguer leurs offres et engager durablement les consommateurs », n'y-a-t-il pas un creuset de solutions à faire émerger pour s'affranchir d'une guerre des prix mortifère, à l'instar de Coop de France tablant sur une offre coopérative différenciante ? Quitte à imaginer des produits proposés en exclusivité comme le fait Intermarché, certes sur un laps de temps donné. Ou encore à faire d'une faiblesse, une force : puisque le consommateur veut des aliments offrant le maximum de garanties, ne peut-on pas faire de la contrainte des normes, un atout ?

DOSSIER RÉALISÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL

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