Un maillage qui prend forme
Quelles sont les stratégies pour les distributeurs, quise partagent l'offre d'une poignée de fournisseurs ?
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Cela ne fait que quelques années que l'on commence à voir fleurir des stations météo connectées dans les champs. La start-up Weenat a dégainé la première en France avec son pluviomètre connecté en 2014. Deux ans plus tard, Météus (Isagri) et Sencrop lui ont emboîté le pas. « Ces trois acteurs principaux représentent au moins 70 à 80 % du marché agricole en France », estime Olivier Deudon, chez Arvalis. Le reste est complété par des acteurs plus récents (comme la start-up Visio-Green détenue à 20 % par la Scael) ou plus spécialisés (comme Agralis). Visio-Green (la seule à utiliser le réseau LoRa) est ainsi en train de déployer une cinquantaine de stations chez Ternoveo. Enfin, Agralis services, acteur historiquement ancré dans le Sud-Ouest et l'irrigation, s'est diversifié en proposant en complément de ses sondes capacitives, une station météo Aqualis. Bref, un marché de start-up assez concurrentiel. Avec des difficultés d'évaluation pour Arvalis : « Elles nous envoient régulièrement une nouvelle version de leur station ou de leur interface, il est difficile de comparer les outils entre eux et leur durée de vie, note Olivier Deudon. Mais c'est le principe de la start-up. »
Beaucoup se posent des questions
Comment ces fournisseurs se différencient-ils ? Dans l'entrée de gamme, ils proposent tous la même chose, à savoir des capteurs, une interface de lecture, un module de prévision météo. Presque tous revendiquent l'information en temps réel, la possibilité d'envoyer des données vers des OAD et celle de créer un réseau. « La différenciation se fait surtout au niveau de la plateforme : accessibilité de la donnée, facilité d'utilisation, ergonomie. Des critères importants à prendre en compte pour démocratiser un outil », observe Olivier Deudon. D'autres arguments peuvent être mis en avant : la qualité de la prévision, la taille du réseau, ou le prix (surtout pour les nouveaux entrants).
Le schéma qui est privilégié, c'est la massification via un distributeur qui va gérer les accès des agriculteurs et va devoir se positionner sur ce qu'il veut pousser, en associant des OAD, en avançant la notion de communauté. « Tout le monde se dit ouvert au couplage avec des OAD, après, dans la réalité... », tacle un distributeur. « Un OAD nécessite des séries continues. Si vous avez une rupture dans la mise à disposition des données, le modèle s'arrête, et c'est quand même gênant », dit un autre. Olivier Deudon temporise : « La majorité, sont des start-up, elles apprennent sur le tas. »
Quelles sont les stratégies pour les distributeurs ? Comme on est sur un marché émergent, beaucoup se posent des questions. Fait-on acheter les stations aux agriculteurs, ou les prend-on en charge ? Faut-il quadriller son territoire le plus possible ou calculer un maillage optimal ? Faut-il créer un réseau tout neuf, ou peut-on greffer un ancien réseau de stations avec de nouvelles stations ? Se contenter des données brutes et des indicateurs de la plateforme, ou coupler avec des OAD ? Ce qui est déjà un début d'aide à la décision en quelque sorte. La plus-value va en revanche être encore plus forte si on peut coupler la donnée avec un OAD, et qu'on la partage avec la communauté. Cette stratégie va dépendre du degré de maturité du distributeur vis-à-vis des OAD. « En général, les distributeurs souhaitent que les réseaux soient accessibles à tous, fait savoir Martin Ducroquet, chez Sencrop. C'est moins intéressant de ne pas partager, on perd de la valeur ajoutée. L'agriculteur qui se fournit auprès de son distributeur et qui doit donner son accord pour ouvrir les données de sa station, est rarement contre le partage. Il s'inscrit dans le réseau de son distributeur, donc ça fait partie du jeu. » Dans certains cas, l'agriculteur n'est pas obligé d'acquérir son propre matériel, il peut payer un abonnement pour bénéficier du réseau. Cela arrive aussi que le distributeur veuille équiper sa zone d'activité en prenant les stations à sa charge. Un opérateur est sceptique : « Nous, on n'a pas les subventions du conseil régional, on se doit de responsabiliser les agriculteurs. »
Pas une question de taille
Et pour ceux qui disposent déjà d'un parc ? « On s'est rendu compte qu'il fallait travailler dans la consolidation des anciennes stations avec les nouvelles, créer des ponts entre les deux réseaux, note Cécilia Goret, chez Météus. C'est le cas notamment dans le sud, en cultures spé, où le réseau historique avait plutôt un usage interne, dans le cadre d'essais. La mutation qui s'opère, c'est de mettre en place un second parc de stations à disposition réellement des agriculteurs. On a ouvert une offre auprès des distributeurs qui permet de récupérer et de valoriser des données d'anciennes stations qui fonctionnent encore. » Mais il n'y aura pas la même notion de temps réel.
Après, jusqu'où faut-il aller dans le quadrillage de son territoire ? Sur certaines zones, à 1 km près, la météo peut être très différente, et les contraintes de l'agriculteur aussi. « Avec l'aide d'un météorologue qui va dire de placer les stations à tel ou tel endroit en fonction de la topographie pour avoir une bonne représentativité, nous faisons un audit et nous fournissons une carte de maillage optimal pour accompagner les distributeurs », solutionne Cécilia Goret. Rien n'empêche d'ailleurs de compléter son dispositif avec de la fourniture de données météo issues des mesures radar, satellites, de Météo France ou de modèles internationaux retravaillées à l'aide d'algorithmes. Des entreprises de météorologie de précision sont sur ce créneau, à l'instar de Weather Measures et son service Concentré Météo, qui avance une précision au km². Limagrain et Axéréal travaillent déjà avec.
Certains acteurs sont dans un tout autre état d'esprit. Des entreprises souhaitent juste être distributeurs de la station et de l'application, mais n'iront pas forcément plus loin au niveau des services, et ne sont pas non plus dans une logique de mailler leur territoire. Plutôt sur la défensive, elles cherchent juste à revendre des produits, car leurs concurrents proposent des offres et elles ne peuvent donc pas rester sans rien, ce qui pourrait leur être reproché.
Est-ce un marché finalement réservé à des acteurs importants ? « Ce n'est pas une question de taille, nie Martin Ducroquet, mais plutôt d'approche du marché. Les petits ont peut-être moins de ressources internes, mais la décision peut aller beaucoup plus vite. » Si nous présentons dans les pages qui suivent des initiatives de distributeurs assez conséquents, il n'est pas rare de voir des petites entreprises s'intéresser à ce marché, et pas que de façon minimaliste.
Quel est le potentiel de ce marché ?
De leur côté, que déclarent les agriculteurs à ce sujet ? A ce stade, selon notre sondage, seuls 18 % des agriculteurs ayant déjà entendu parler de stations météo connectées, disent que leur distributeur principal dispose d'une offre. « Cela me paraît même presque élevé, estime Cécilia Goret. En effet, cela ne s'active vraiment que depuis quelques mois. » « C'est la première année où cela se développe vraiment », renchérit Jérôme Le Roy, chez Weenat. « Il y a encore assez peu de distributeurs qui ont une offre vraiment construite et visible », complète Martin Ducroquet. Seulement 13 % prêts à en acheter ? « Là, c'est un peu négatif », reconnaît Cécilia Goret. Y aurait-il finalement un faible potentiel pour ce marché ? « Je ne le crois pas, réfute Olivier Deudon. C'est surtout un déficit de pédagogie, de savoir comment ces stations peuvent être valorisées et savoir répondre aux enjeux d'aujourd'hui. » n
Sommaire
Un maillage qui prend forme
Pour accéder à l'ensembles nos offres :