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L'e-distribution agricole bouscule vos métiers

ARNAUD CHAPUIS

Les start-up proposant des appros, du conseil, ou commercialisant les céréales, via des plateformes en ligne, se développent. Un phénomène qui bouscule les acteurs traditionnels. Le début d'une nouvelle ère pour la distribution agricole ?

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C'est peu de dire que la presse, surtout généraliste, encense les start-up agricoles qui vendent des appros : « Avec Agriconomie, les agriculteurs gagnent du temps et de l'argent » (RTL, mars 2017), « Acheter sur internet, moyen anticrise pour les fermiers français » (Le Courrier Picard, mars 2017)... Certains ne sont pas tendres avec le modèle traditionnel : « Et si demain les agriculteurs se libéraient des coopératives ? » (France Inter, février 2017). Sans aller jusqu'à la disparition de la distribution agricole telle qu'on la connaît, il est difficile d'ignorer le phénomène. Il suffit d'échanger avec les TC qui ont dû répondre à l'épineuse question : « Sur internet, je peux avoir tel prix, tu me proposes quoi ? » Aujourd'hui, Agriconomie et Meshectares, entre autres, proposent des appros, mais aussi Comparateur agricole, dont le coeur de métier est la commercialisation en ligne des productions. Agrifind vient de lancer un site pour acheter et vendre du conseil agricole sur la toile. Des métiers traditionnellement du ressort des coopératives et négoces, avec un réseau de conseillers, en bottes, dans les champs. Le fait est que le secteur n'est pas forcément en avance sur le sujet. « Quand vous regardez l'actualité de ce qui se passe sur le marché, il y a des nouveaux entrants, des pure players qui arrivent. Si l'on considère que c'est une innovation, ce que j'aurais tendance à penser, on considère que les organismes traditionnels sont plutôt en retard... ou absents », résume Eric Seban, responsable Business Development & Projets, chez InVivo Agriculture. Pour aborder cette problématique, Agrodistribution a organisé le 7 juin à Paris, dans ses locaux, les 11es Rencontres, avec dix acteurs de la filière, issus de start-up, de coopératives, négoces, ou encore fournisseur.

Entre intérêt et prudence

Au préalable, nous avons tenté de quantifier le phénomène d'achat en ligne, avec un sondage exclusif ADquation-Agrodistribution (ci-contre). Il révèle que 6 % des agriculteurs ont déjà franchi le pas de commander sur internet des produits phytos, engrais, semences ou aliments du bétail, dans les douze derniers mois, et le potentiel d'achat monte à 19 %, chiffre non négligeable. Les agriculteurs ont aussi une opinion plutôt positive sur l'utilité que peuvent avoir les services proposés par les plateformes en ligne pour la conduite de leur exploitation (lire p. 30). Avec un bémol, 10 % ayant répondu « Je ne me prononce pas », ce qui est conséquent : la prudence est de mise.

Autour de la table, les avis étaient partagés. « On est un peu au-dessus de ce que vous avez évoqué. Mais c'est dans les chiffres », compare Paolin Pascot, PDG d'Agriconomie. « Je trouve ça assez élevé par rapport à l'image que je m'en faisais », juge Adeline Coustenoble, responsable communication et marketing, chez Valfrance. Pour Audric Chauveau, marketing manager France, chez Yara : « Les chiffres me paraissent énormes, parce que c'est hyperspécifique. » A l'inverse, Marine Pouyat, consultante et ex-Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance) relativise : « Je suis assez étonnée de la faiblesse de l'appétence. Mais c'est peut-être mon côté digital centrique ! » Un petit ou un grand 6 %, le débat est ouvert, mais le phénomène progresse. L'autre indicateur, c'est le chiffre d'affaires des start-up du secteur, avec une croissance exponentielle. Même si d'aucuns restent prudents sur la pérennité de leur modèle économique, basé pour l'instant sur d'importantes levées de fonds. « Amazon n'est toujours pas profitable et il est quand même aujourd'hui un acteur de la distribution très significatif », rappelle Eric Seban. En tout cas, côté agricole, les exploitants sont séduits. Du moins une partie, dont on peut dresser, à la louche, le portrait-robot (lire p. 30). Même si, comme le rappelle Pierre-Antoine Foreau chez Comparateur agricole, « un agriculteur, si l'outil est adapté, il va l'utiliser ».

Changer de lunettes

Même si des freins persistent à la commande sur internet (lire p. 34-35), les start-up, avec des offres qui s'étoffent (lire p. 32-33), y travaillent. Aux coops et négoces, alors, de prendre en compte cette nouvelle donne (lire p. 36-37) et d'en faire un atout. Si le sujet fâche, inquiète, il est aussi porteur de belles perspectives, comme le dit Audric Chauveau, chez Yara : « Je pense que pour nous, les mastodontes, que ce soit les fournisseurs, les grosses coopératives ou gros négoces, ça nous met un énorme coup de pied au cul, ça nous oblige à nous réinventer. Je pense qu'on aura notre place. Même si on prend quelques baffes et qu'il y a quelques périodes difficiles. » Ou, encore, Eric Seban : « Fondamentalement, tout le monde doit changer de lunettes et c'est une bonne nouvelle. » Sans pour autant chausser les lunettes roses de certains médias, qui voient le digital comme un sauveur.

DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE

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