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Tendances alimentaires Soyez au goûtdu jour

A l'ère des pratiques alimentaires multiples, n'y a-t-il pas des opportunités à saisir en amont pour les coopératives et négoces afin d'y trouver des creusets de valeur ajoutée ? Un amont qui n'a pas d'autre choix que de jouer la transparenceet de démontrer son sens des responsabilités. Déroulons le menu.

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Elles ne manquent pas, les études sur les tendances alimentaires. Pas toujours simple de se retrouver dans cette jungle d'informations. Toutefois, ces études finissent par dégager les mêmes trajectoires. Parmi les plus récentes, citons celle à laquelle Coop de France a participé financièrement avec le ministère de l'Agriculture, l'Ania, la CGAD, le CGI, la FCD et FranceAgriMer. Réalisée l'an dernier dans le cadre du contrat de la filière alimentaire, elle met en exergue seize tendances principales quant à l'évolution des pratiques alimentaires des consommateurs français. Parmi elles, des tendances bien connues telles que l'alimentation durable avec l'avènement du bio notamment, l'alimentation santé et bien-être avec la baisse de consommation des protéines animales, le besoin de transparence, la proximité, la recherche de naturalité, la digitalisation, la lutte contre le gaspillage alimentaire, le faire soi-même, le prêt-à-manger. S'y ajoutent des tendances plus spécifiques comme les alimentations des communautés, les nouvelles expériences liées à la mondialisation et l'individualisation. Cette dernière renvoie à la notion de multiplicité des modes d'alimentation qui devient de plus en plus une composante fondamentale du paysage alimentaire.

Organiser les circuits

Comment s'adapter alors plus en amont à une alimentation devenue multiple, comment répondre à des attentes diverses et variées ? L'approche filières remise en avant lors des derniers EGalim y prend tout son sens. Pour satisfaire ces demandes, l'organisation actuelle de la production agricole est-elle suffisante ? D'aucuns se posent la question, comme Bruno Pierre, fabricant de produits sans gluten (lire p. 26), de la pertinence de dédier carrément des organismes stockeurs à certaines filières, spécifiquement dans un univers où les facteurs allergènes se développent et exigent une très grande rigueur dans la gestion des flux. Dans le cadre de la filière sans gluten, des organisations logistiques sont toutefois déjà en place pour éviter toute contamination avec du blé. Limagrain a ainsi monté une filière maïs sécurisée. Mais les opérations de tri sont délicates.

Le sans gluten pourrait s'essoufler

« Une grosse pression est mise sur les OS pour qu'ils travaillent à leur niveau le sans gluten. Les industriels ne comprennent pas toujours qu'il est difficile à notre stade de ne pas laisser passer un grain de blé. En effet, nous vendons des matières premières destinées à un premier transformateur qui, lui, fera le tri final », détaille Camille Moreau, directeur exploitation de la Corab, coopérative bio en Charente-Maritime. Faire plus de tri, oui, mais « c'est une construction du prix à établir pour intégrer la perte de marchandise lors du tri », ajoute Camille Moreau. La vague du sans gluten interpelle d'ailleurs. Ce marché atteint les 100 M€ actuellement en France, les 900 M€ en Europe et aussi 900 M€ outre-Atlantique. Il est certes à relativiser mais à prendre en considération avec une croissance annuelle de 15 à 20 %. Le pic de 30 % en 2016, à la suite d'une forte communication en faveur du sans gluten, est retombé à 15 % en 2017 avec les mises en garde du corps médical sur le fait de retirer toute céréale de l'assiette. Pour mieux appréhender ce sujet, une étude a été lancée cette année par l'Inra (lire p. 28). Cette tendance va-t-elle s'accentuer ou bien plafonner comme le projette le cabinet d'études Xerfi à l'horizon 2020, car portée en partie par un phénomène de mode ? En attendant, ce marché est appelé à se développer sur des segments encore peu investis, comme celui des pizzas « gluten free », des plats préparés et des produits de snacking. « La plupart des acteurs visent à réitérer le coup de force de Barilla qui s'est imposé en seulement six mois sur le segment des pâtes alimentaires sans gluten, un marché alors quasiment inexistant et qui pèse aujourd'hui 9,2 M€ », détaille Xerfi. De nombreux distributeurs ont lancé déjà depuis quelques années leur gamme sans gluten comme Auchan (depuis 2009), Carrefour (2010), Casino (2015) ou encore Leclerc (2013).

Végétalisation de l'assiette

Autre volet qui intéresse de près l'amont agricole, les protéines végétales. Dans l'étude menée par AlimAvenir (1), c'est la tendance à l'horizon 2030 qui est la plus plébiscitée. A l'ère des flexitariens et des recommandations de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) jouant en leur faveur, les protéines végétales ont le vent en poupe dans l'assiette. L'agence invite à tendre vers un équilibre 50/50 entre protéines animales et protéines végétales, contre 70/30 à ce jour. D'autre part, en 2017, l'Anses a sorti les légumineuses de la famille des féculents pour en constituer un groupe à part entière en raison de leur apport en protéines, fibres et minéraux. En matière de protéines végétales, les industriels de l'agroalimentaire rivalisent d'innovation pour se différencier : pois chiches apéro, chips de lentilles, yaourts à la chia. Une végétalisation de l'assiette qui monte en puissance depuis deux à trois ans et qui gagne aussi les fabricants traditionnels de charcuterie comme Herta avec sa nouvelle gamme Le Bon végétal, déjà forte de plus d'une douzaine de références. Selon la société d'études Nielsen, les ventes de produits végétaux analogues à de la viande ont atteint 58 M€ en 2017, contre 15 M€ en 2015, avec 18 M€ uniquement pour Herta. La vague « Veggie » ou encore « Vegan » stimule bien des innovations culinaires. Le marché du traiteur végétal se chiffrerait à plus de 40 M€ et aurait plus que doublé l'an dernier. La grande distribution s'est bien sûr emparée de cette tendance avec la gamme « Carrefour Veggie » lancée fin 2015, la gamme « Veggie Marché » d'Intermarché depuis mars 2017, et « Le Végétal » de Monoprix à l'été 2017.De son côté, en surgelés, Picard a sorti son « Tout bon, tout veggie ». Une vague qui sévit aussi hors de l'Hexagone comme auxEtats-Unis avec la start-up californienne Impossible Foods spécialisée en viande végétale, qu'il est possible de faire saigner grâce à léghémoglobine du soja.

La France, leader des nouvelles sources de protéines

Sur le territoire national, l'innovation est aussi au rendez-vous. Terres Univia a lancé lors du dernier Sia le concours Prot'EAT adressé aux start-up innovantes pour développer la consommation de légumineuses et de protéines végétales. Une dynamique d'innovations que Protéines France compte pousser au travers de ses actions. Officiellement constituée depuis septembre dernier, cette association est forte d'une quinzaine de membres dont Limagrain, Tereos, Terrena, Soufflet et Vivescia et aussi Herta. Elle est née des initiatives de la Nouvelle France industrielle, initiée par le gouvernement en 2015. « L'objectif est de faire de la France un leader européen de la production et de la valorisation des nouvelles sources de protéines végétales, détaille Anne Wagner, présidente de Protéines France. De nombreuses initiatives naissent, mais nous avons besoin de dresser des priorités et de catalyser ces actions afin de décupler notre force de frappe. »Une façon de répondre à la tendance du flexitarisme qui devrait se renforcer selon AlimAvenir qui pointe du doigt aussi le renforcement du bio et des produits locaux. L'alimentation durable est un autre pilier fort qui va se consolider avec une multiplication d'appellations privées gravitantautour du mot « responsable » telles la nouvelle gamme de farines Baguépi deSoufflet (lire p. 31) ou les tomates deSolarenn. Les initiatives se multiplient pour s'inscrire dans une dynamique durable et sociétale comme le groupe Dauphinoise (lire ci-dessus) qui enclenche la démarche HVE ou encore la dernière initiative en date avec la création de Ferme France.

DOSSIER RÉALISÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL

(1) AlimAvenir participe les 31 mai et 1er juin à un séminaire sur « L'avenir de l'alimentation : les produits, les services, les acteurs », à Paris, organisé par Futuribles.

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