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Phytos et santé Peut mieux faire !

En matière de protection de santé des agriculteurs, face à l'utilisation des produits phytos, faire changer les comportements est désormais primordial et on ne peut plus miser seulement sur le port des équipements de protection. Pour ce faire, les distributeurs sont en première ligne, mais ils ne sont pas seuls.

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En novembre 2010, lors de la réunion du Comité Ecophyto 2018, un neuvième axe de travail a été lancé. Il porte sur la prévention des risques liés aux produits phytopharmaceutiques (volet sécurité des utilisateurs). Les travaux s'articulent autour de quatre chapitres et huit actions portant sur le matériel, l'utilisation des équipements de protection individuelle (EPI) ou encore les étapes de préparation de la bouillie. La question de la santé des utilisateurs reviendrait ainsi, cette année, un peu plus sur le devant de la scène avec des investissements dédiés liés au Plan Ecophyto. On peut s'en réjouir ou au contraire déplorer que ce dossier n'arrive qu'en neuvième position, bien après d'autres problématiques notamment environnementales. " La protection de l'environnement est passée avant celle de l'utilisateur de produits phytopharmaceutiques ", reconnaît Alain Garrigou, universitaire spécialisé en ergonomie du travail.

Sur les 400 m2 de son Espace bonnes pratiques, le prochain Sima (20 au 24 février 2011) ne devrait d'ailleurs pas plus mettre en avant cette problématique phytos et santé. D'autres sujets d'actualité lui voleront la vedette, comme la réduction des utilisations de produits ou la maîtrise de l'énergie. Et même la MSA (Mutualité sociale agricole) ne donnera pas non plus la priorité à ce dossier lors de ce salon du machinisme agricole, supplanté par les problèmes de renversement de tracteurs, de circulation des engins et de risques électriques.

Pourtant, on n'a jamais autant parlé ces dernières années de l'impact des phytos sur la santé de leurs utilisateurs. Le sujet est particulièrement mis en avant dans les médias grand public au détriment de la prévention auprès des agriculteurs, selon Laure Ledouce, ingénieur-conseil prévention des risques professionnels de la MSA : " Les médias grand public se sont emparés de la question et nous percevons la progression d'une forme de crainte sur le terrain. Cela peut parfois conduire au déni du risque, ce qui impacte les pratiques de prévention. "

Alzheimer, Parkinson et cancers

La médiatisation croissante de divers résultats de recherche s'accompagne aussi régulièrement d'informations sur la reconnaissance de pathologies d'agriculteurs comme maladies professionnelles. Plus personne ne nie les risques pour la santé liés aux applications de produits phytos, même si chacun est sommé de ne pas les diaboliser. En décembre dernier, une étude française publiée dans la revue scientifique Occupational and environnemental medicine annonçait, par exemple, un lien avéré entre exposition à long terme aux phytos et risque de maladie d'Alzheimer et autres formes de démence ou troubles neurologiques. D'autres études ont déjà relevé, dans un passé récent, des liens entre pesticides et maladie de Parkinson ou troubles de la fertilité.

Le bilan de la MSA, à partir de dix ans de remontées du terrain via son réseau Phyt'attitude, permet de montrer une prédominance des symptômes cutanés (25 % des déclarations). Viennent ensuite les symptômes digestifs (23 %), neuromusculaires (16 %) et ophtalmologiques (10 %). Ces intoxications surviennent essentiellement lors de l'application de la bouillie et dans un cas sur cinq, elles font suite à un incident. " Ce dispositif identifie les troubles aigus ou suraigus liés aux pesticides, mais ne mesure pas la pré valence pour ces symptômes. Et ce qui apparaît toxique en aigu n'est pas forcément ce qu'il y a de plus toxique sur le long terme ", note Pierre Lebailly, épidémiologiste à l'université de Caen. Il conduit depuis treize ans une étude sur les cancers des agriculteurs (Agrican) qui souligne une prépondérance de certains cancers dans cette population (peau et prostate), sans toutefois pouvoir démontrer un lien avec les produits phytos.

Dans ce contexte, les agriculteurs sont encore trop peu nombreux à avoir les bons comportements pour se préserver des risques des phytos sur leur santé. La dernière campagne a vu un tournant dans la chaîne de prévention lors des colloques et communications : enfin, la mobilisation des forces est de mise, tout le monde reconnaît que les agriculteurs ne doivent plus être les seuls à faire des efforts et on ne peut plus parier sur le seul port des EPI pour améliorer leur protection. Notre sondage ADquation montre toutefois qu'un quart des agriculteurs se sentent délaissés sur cette problématique. Une petite majorité considère que c'est la MSA qui s'implique le plus pour les aider à protéger leur santé, suivie de près par les coops et négoces.

" Les distributeurs agricoles, et particulièrement les technico-commerciaux, sont le maillon fort de la chaîne de prévention, conforme Laure Ledouce. Ils se raccrochent toutefois trop aux EPI et cette réponse est mieux acceptée par les agriculteurs que les messages moins palpables de la MSA sur les changements de comportements. "

LAURENT CAILLAUD

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